Une locomotive, même en panne, reste une locomotive (Par Jean Marie Biagui)

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Autrement dit, jamais un wagon, surtout pas celui de queue, ne saurait se substituer à la locomotive.

Or, le leadership en Casamance est en panne.

[Ce papier, je le dois à la démission du député Toussaint Manga du PDS. Déjà, avec son accointance d’avec Ousmane Sonko, je trouvais qu’il se tirait une balle dans le pied. Je l’avais déploré en son temps. Mais avec cette démission, ne s’est-il pas tiré une balle dans la tête ?]

Dans le fourmillement, il y a, d’un côté, ceux qui ne savent pas se tenir debout avec leur bâton, avec leur intellect. En français, on les nomme « les imbéciles ». Et ça n’est pas leur faire insulte que de les désigner de la sorte, si l’on sait que dans mon diola-baïnounk de Brin, on les nomme de la même manière, soit : « ceux qui ne font pas exprès ». Entendre : « ceux qui ne savent pas ce qu’ils font ou ce qu’ils veulent ».

Il y a, donc, dans le fourmillement, ceux-là, d’une part, et, de l’autre, tous les autres, dont :

(i) Ceux qui croient sincèrement à l’idée qu’ils se font de l’offre politique de Ousmane Sonko. Ils constituent une petite minorité.

(ii) Ceux qui, face à « l’étalon » Ousmane Sonko, s’offrent à lui en « s’auto-crastrant ». Et par leur « automutilation » ils s’imaginent doper d’autant la « virilité » de leur « joker ». Ils sont pourtant aussi « puissants » voire plus « puissants » que celui-ci. Cependant, par lâcheté, ou parce qu’ils ont peur, ou encore parce qu’ils sont résignés, ils sont ainsi emportés par la facilité, commode et confortable, tout à la fois, mais extrêmement douloureuse. Jusque-là, tout va bien, puisqu’ils ne représentent qu’une grosse minorité.

(iii) Ceux qui forment la grande masse, et qui sont aussi nombreux et divers qu’ils sont abimés par les vicissitudes et aléas de la vie ;

(iv) Auxquels viennent s’ajouter les orphelins et autres frustrés de l’indépendantisme casamançais.

Ainsi, à la faveur du Contexte social et de la Conjoncture politique, et par l’Arbitraire sociologique, naîtra le « phénomène Sonko ».

Aussi, Ousmane Sonko sait-il qu’il est désormais, non seulement seul face au pouvoir, mais un homme seul. C’est sa rançon : la solitude au sein de la communauté, la sienne propre. Mais c’est la rançon, aussi, depuis que le monde est monde, de ceux qui aspirent au pouvoir.

Et, depuis que le monde est monde, pour parvenir au pouvoir quand on en est un aspirant, il est connu qu’il faut savoir user de son intellect à bon escient. Savoir : par l’induction, ou la déduction, en toutes circonstances, être capable de « se produire » et de « produire ».

Au lieu de cela, depuis qu’il est « l’étalon-désigné », l’unique, faute de savoir user de son intellect à bon escient, quoiqu’il soit instruit et même très instruit (n’est-il pas un produit de la prestigieuse ENA ?), Ousmane Sonko va plutôt se perdre, tous les jours que Dieu fait, tantôt dans des contre-vérités, tantôt dans des suppositions et autres accusations gratuites, passant toujours des premières aux secondes ou inversement, sans transition, et sans sourciller, ni moralement, ni du point de vue de l’éthique.

Et l’arrogance et l’illusion de la toute-puissance aidant, pourquoi faudrait-il que « notre » « étalon » éprouvât le besoin, si minime fût-il, de se comporter autrement qu’un « étalon » ? Mais enfin ! n’est-il pas le seul élu, qui plus est, le seul heureux-élu ?

Quoi qu’il en soit, et quoi qu’il fasse, il se trouvera toujours nombre de gens pour le comprendre, le justifier ou l’excuser, conjuguant à cet effet, sans scrupules, au passé, au présent et au futur, ‘gravité’ avec ‘banalité’.

Ça, c’est le constat, mon constat, mais pour quelles conséquences ?

Je me bornerai, bien volontiers, et à dessein, à n’effleurer que celles des conséquences, sociales et politiques, qui affecteront durablement la Casamance.

En effet, autant le conflit en Casamance – (j’y ai ma part de responsabilité, qui m’incline de nos jours à ne pas vouloir que cela se reproduise) – a plombé, ou détruit, durablement, des carrières socioprofessionnelles et politiques en Casamance ; la peur de soupçons ou de représailles de la part de l’Etat ou du MFDC étant en l’occurrence passée par là ; autant, de par leur auto-castration, de par leur automutilation, à la faveur notamment de la notion active et ontologiquement toxique de « Sonko ololi » (littéralement en diola, « Sonko le nôtre »), les cadres et surtout les jeunesses casamançais connaîtront les mêmes affres et travers.

En tous les cas, pour sûr, en Casamance, la « génération Sonko » est sacrifiée par le « phénomène Sonko ».

Il suffit, pour s’en convaincre, de se souvenir de la manière dont des leaders casamançais de la majorité présidentielle se sont débrouillés pour perdre Ziguinchor, au profit de Ousmane Sonko, lors des dernières élections locales.

Et comment ne pas se rappeler la fuite de tel leader politique, abandonnant son fief naturel en Casamance pour aller se réfugier à Keur Massar lors des dernières Législatives !

C’est à y laisser son latin, tant, dans les deux cas, la connerie politique est grosse.

Plût à Dieu que cette hémorragie s’arrêtât là.

Pour aujourd’hui, et pour la postérité…

« Sonko ololi », soit ! Mais, alors, qu’est-ce que c’est que d’être Casamançais ?

« Vous qui êtes Casamançais, souffrez que cette question vous soit posée. Mais estimez-vous heureux si vous ne parvenez pas à y répondre. Sinon, dîtes-vous bien qu’être Casamançais, c’est rien. Ou, si vous préférez, c’est comme être Sénégalais ou Gambien ou Bissau-guinéen.

Etre Casamançais, c’est rien. Ou, si vous préférez, c’est comme être Néocalédonien ou Corse ou Français.

(…)

Etre Casamançais, c’est comme être Aborigène ou Papou ou Pygmée d’Afrique Equatoriale. C’est à dire, en définitive, rien.

Or, (r)ajouteriez-vous quelque attribut à ce ‘‘rien’’, que vous seriez déjà suspect. Suspect de chauvinisme ou de nationalisme exacerbé.

Puis, bientôt, coupable. Coupable d’ostracisme ou de racisme ou de xénophobie.

Et donc coupable de tout et de rien. En fait, coupable d’être Casamançais, si tant est que vous en soyez digne, même si vous pouvez en être fier. » (Tiré de ‘Avis de décès : le mensonge est mort en Casamance’, JMF Biagui, 2016, aux éditions diasporas-noires.com).

Dakar, le 2 septembre 2022.

Jean-Marie François BIAGUI

Président du Parti Social-Fédéraliste (PSF)

Ancien Secrétaire Général du MFDC

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