Une amnistie taillée pour les criminels ? (Par L’Œil de Cheikh)

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De epuis quelques jours, un étrange ballet de défenseurs de la loi d’amnistie monopolise le débat public. Ces juristes et experts, pour certains directement impliqués dans sa mise en œuvre, plaident contre son abrogation, invoquant des préoccupations variées.
Pourtant, cette loi, dénoncée dès son origine par les victimes, est perçue comme un affront à la justice et à la souveraineté populaire. Le peuple, rappelons-le, reste le seul détenteur légitime du pouvoir et de la décision.

Ces défenseurs soulèvent des points qui méritent d’être examinés, mais leurs arguments occultent une question cruciale : la justice peut-elle être sacrifiée sur l’autel de la stabilité apparente ? Examinons ensemble cette question, avec pour boussole la logique, la dignité des victimes et l’intérêt national.

  1. Une loi qui ébranle la justice

Cette loi, loin de respecter les principes fondamentaux d’un État de droit, établit une norme dangereuse : celle de l’impunité. En couvrant des crimes graves, elle tourne le dos aux victimes, bafouant leur droit à la vérité, à la réparation et à la justice. Comment un pays peut-il aspirer au respect international tout en protégeant des responsables présumés d’actes condamnables ? Une telle loi fragilise nos institutions, envoie un mauvais signal à la société et démantèle le fondement même de la justice.
2. Justice ou revanche : une distinction cruciale.

Il est légitime de craindre une dérive vengeresse, mais confondre justice et revanche est une erreur fondamentalement dangereuse. La justice n’est pas un outil de représailles, mais une réponse morale et politique aux souffrances endurées. La paix sociale ne peut naître que d’une justice équitable, et non d’un déni des torts passés. Abroger cette loi ne serait pas un geste vindicatif, mais un acte de courage, marquant un tournant vers une société plus apaisée et unie.
3. Développement durable et justice : Un lien Indissociable
Comment espérer un développement économique et social durable sans un socle solide de justice ? Une société fracturée, rongée par des injustices non résolues, est une société vulnérable. La confiance dans les institutions, indispensable pour construire un avenir commun, dépend directement de leur capacité à rendre une justice impartiale. Faire tomber cette loi, c’est jeter les bases d’une réconciliation nationale et d’une prospérité collective.

4. L’Image internationale : Une question de dignité
Certains estiment que l’abrogation de la loi ternirait l’image du Sénégal à l’étranger. Mais tolérer l’impunité entache bien plus notre réputation que de prendre des mesures courageuses pour réparer les erreurs du passé. Les nations qui ont affronté leurs fautes ont prouvé que la justice renforce leur stature sur la scène mondiale.

À titre d’exemple:
– l’Argentine a connu une situation similaire après les crimes de la dictature militaire (1976-1983). Les lois d’amnistie adoptées à cette époque, dites « lois de l’obéissance due », ont été abrogées en 2005 sous la pression populaire, ouvrant la voie à des procès historiques. Résultat ? Une société apaisée, fière de son combat pour la justice.

– En Afrique du Sud, par exemple, la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) a permis d’entendre les souffrances des victimes tout en offrant un cadre pour juger les crimes de l’apartheid. Ce modèle a évité à la nation de sombrer dans un cycle de vengeance, tout en répondant au besoin de justice.
– Au Rwanda, après le génocide de 1994, les tribunaux Gacaca ont permis de juger plus d’un million de personnes tout en impliquant les communautés locales dans le processus judiciaire. Cette approche inclusive a consolidé la cohésion nationale et contribué à faire du Rwanda une des économies les plus dynamiques d’Afrique.

Le Sénégal ne doit pas faillir à cet impératif moral.

Conclusion : Abroger pour avancer
Loin d’être une décision punitive, l’abrogation de la loi d’amnistie serait un acte de responsabilité et de justice. Elle démontrerait que le Sénégal est prêt à tourner la page de l’impunité pour bâtir un avenir fondé sur l’équité et la solidarité.
Il est temps de faire justice aux victimes et de sanctionner les coupables dissimulés derrière une loi injuste. Le pardon n’aura de sens que lorsque justice aura été rendue, dans le respect des droits des victimes et de leurs familles.
Respectueusement,
Signé: L’Œil de Cheikh

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