Trois plumes infames. Un texte insipide, certainement trop vite écrit sous une commande pressante de travestir une « vérité qu’on ne saurait cacher ». Mille vérités pourtant qu’on ne saurait cacher. Telle est, me semble-t-il, la bonne lecture d’une tardive louchée de gasoil jetée sur un brasier d’hier. C’est la lecture des silences indécents d’un texte particulièrement perfide.
D’abord, des écrivains devraient éprouver un peu plus de compassion pour les bibliothèques. Et donc dénoncer, ne serait-ce que par allusion, la tentative de destruction par le feu de notre système d’enseignement supérieur. Aucune de nos institutions universitaires n’a échappé à la furie d’incendiaires professionnels équipés d’armes de guerre. Ni le Cesti Mame Less Camara. Ni la Bibliothèque universitaire, cette Bu que les luttes de générations successives d’étudiants ont fini de transformer en bijou. Là réside l’infamie : même pas une larme de crocodile pour la science et la littérature blessées par les vandales.
Quand on n’a pas de sentiment pour les bibliothèques, on ne pleure pas bien sûr pour les casernes, centrales électriques, usines d’eau, réseaux de transport, … systématiquement ciblés et attaqués jeudi et vendredi derniers. De terribles actions de guerre. Oui, la véritable « vérité qu’on ne saurait cacher », c’est cette attaque terroriste d’envergure qui a voulu mettre le Sénégal à genoux. Elle est d’un modèle assez inhabituel en Afrique où on subit davantage des attentats et des tentatives d’occupation de territoires. Mais plusieurs villes pakistanaises l’ont expérimenté ces derniers mois. Sans la sagesse et l’adresse de nos FDS, les plumes infames seraient, ce jour, certainement, en train de danser sur notre tombe.
Discutons du procès en responsabilité. Nous sommes tous responsables, chacun pour ce qu’il a dit et ce qu’il a tu, ce qu’il a fait et ce qu’il aurait dû faire. C’est vrai : sans la perception d’une faiblesse voire d’un laxisme à certains niveaux, les tueurs ne se seraient pas enhardis à ce point. C’est la peur de l’autorité qui entretient la paix et la cohésion sociale, plus que l’autorité de la peur.
Ce qui n’est pas vrai par contre, c’est l’explication des événements par nos trois plumes : la fumeuse controverse du « troisième mandat », ce canular érigé en but de guerre tout comme l’avait été le fameux charnier roumain de Timisoara qui n’a jamais existé ; ou les armes atomiques de Saddam Hussein. Le président Macky Sall a bel et bien accepté d’inscrire cette controverse à l’ordre du jour du Dialogue national le mercredi. Le jeudi, les vandales sont entrés en action.
Après le canular, le non-dit. Pas un mot sur la condamnation judiciaire du jeudi matin, qui est pourtant le prétexte et le déclencheur de cette entreprise de saccage d’un pays. Par son verdict susceptible d’empêcher une candidature, la Justice a mis en danger un projet de confiscation de nos richesses gazières et pétrolières dans lequel certains ont, de toute évidence, déjà investi de nombreux milliards. Dans d’autres pays africains, ces « investisseurs » du genre macabre ont, alors, mobilisé milliards, armes, combattants et plumes de service, pour protéger leur projet d’enrichissement. C’est le tour du Sénégal, alerte-t-on depuis lors. C’est tellement vrai que l’infamie ose le taire.
Ici, un lien obscène s’établit entre le canular et le non-dit. Le Sénégal est attaqué dans le but de faire triompher un projet de conquête du pouvoir par l’autorisation d’un candidat empêché et l’empêchement d’un candidat suspecté. Moom day bokk, yaw doo bokk.
Où va le Sénégal ? Dieu seul le sait. Mon pari demeure cependant que jamais les plumes infames n’écriront le livre des ossements du Sénégal. La patrie de Cheikh Anta Diop, et son Université, restent et resteront debout. Inchallah.
Mamadou Bamba NDIAYE
Ancien député
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