Mesdames, Messieurs les Ministres,
Monsieur le Président de la Commission de l’Union,
Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs et chefs de délégations,
Mesdames, Messieurs,
Chers invités,
En votre nom et au mien propre, je remercie le gouvernement éthiopien pour son accueil convivial et les dispositions prises en appui à l’organisation de notre Sommet. Je salue et remercie tous les collègues, chefs de délégations et invités ici présents.
Nous tenons nos assises alors que nos pays continuent de subir de plein fouet les effets combinés du réchauffement climatique, d’une crise sanitaire inédite et d’une guerre majeure, qui plonge le monde entier dans une séquence dangereuse et incertaine, dont personne ne peut prédire comment et quand elle finira.
S’y ajoutent l’avancée du terrorisme sur le continent, la persistance de conflits anciens ou nouveaux, et la recrudescence des coups d’Etat ; même si la tenue d’élections libres et transparentes confirme l’ancrage de la démocratie dans nombre de nos pays.
Au cours de mon mandat, je me suis efforcé à soutenir le règlement des différends et accompagner les transitions politiques, avec l’appui de la Commission, et des Communautés économiques et Mécanismes régionaux.
Force est de constater que la pacification du continent reste encore un objectif à atteindre.
J’appelle instamment à la mise en œuvre des engagements du Sommet extraordinaire de Malabo de mai 2022 ; à savoir, rendre opérationnelle la Force africaine en attente, créer une Unité de lutte contre le terrorisme et financer de façon plus conséquente et plus prévisible nos efforts de lutte contre ce fléau.
Cette lutte, comme je l’ai indiqué dans mon adresse à la 77e Session de l’Assemblée générale des Nations Unies, relève aussi de la responsabilité du Conseil de Sécurité, garant du mécanisme de sécurité collective ; parce que l’avancée du terrorisme en Afrique est une menace à la paix et à la sécurité internationales. Comme il l’a fait ailleurs, le Conseil doit mieux s’engager dans la lutte contre le terrorisme en Afrique, avec des mandats plus robustes et un financement plus adéquat.
En tout état de cause, le défi de la paix, de la sécurité et de la stabilité du continent nous engage à déposer les armes, et à trouver des solutions pacifiques à nos différends afin de mieux nous consacrer aux tâches de développement économique et social.
Avec la reconfiguration géopolitique du monde, une opportunité historique s’offre à nous de fermer l’ère de l’Afrique des problèmes et ouvrir la voie de l’Afrique des solutions.
Nous en avons tout le potentiel ; parce qu’un continent de 30 millions de Km2, plus d’un milliard trois cents millions d’habitants, doté en abondance de toutes sortes de ressources, ne peut être condamné à rester à la traine du monde.
L’émergence de l’Afrique est à notre portée. Mais pour y arriver, nous devons accorder plus de temps à l’agenda pour le développement économique et social du continent, que nous avons actualisé cette année avec la tenue des Sommets sur :
➢ l’industrialisation et la diversification économique de l’Afrique ;
➢ l’accélération de la mise en œuvre de la ZLECAf ;
➢ la masculinité positive, contre les violences faites aux femmes et aux filles ;
➢ l’agriculture et la sécurité alimentaire ;
➢ enfin le financement des infrastructures.
Ces thématiques rappellent les urgences auxquelles nous devons nous attaquer afin de réaliser l’Afrique que nous voulons pour nous-mêmes, pour nos enfants et pour les générations futures.
En raison de la persistance des violences faites aux femmes et aux filles, et de notre grand retard en matière d’infrastructures, j’appelle l’Union à prendre des décisions urgentes pour la mise en œuvre des conclusions des rencontres de Dakar sur ces deux thématiques.
S’agissant de la 2e Conférence de Dakar sur l’agriculture et la sécurité alimentaire (Dakar II), co organisée par le Sénégal et la BAD du 25 au 27 janvier dernier, sous le thème Nourrir l’Afrique, souveraineté alimentaire et résilience, la participation record de haut niveau en a fait un sommet orienté vers l’action, pour une l’Afrique qui se donne enfin les moyens de se nourrir par elle-même et contribuer à nourrir le monde.
Ainsi, sur la base de leurs programmes prioritaires, plusieurs pays ont signé avec les partenaires bilatéraux et multilatéraux des Compacts visant à stimuler la production, la transformation et le commerce agricoles, pour un montant total de 35,2 milliards de dollars annoncés, dont 10 milliards de la BAD.
Je remercie vivement notre frère Akinwumi Adesina, Président du Groupe de la BAD, pour l’enthousiasme et le leadership avec lesquels il continue de mobiliser la BAD pour aider à libérer le potentiel agricole du continent et mettre fin à sa dépendance alimentaire vis-à-vis de l’extérieur.
Les excellents résultats de Dakar II en témoignent. Je suis sûr que nous pouvons compter sur lui pour la mobilisation effective des financements annoncés.
Afin d’assurer le suivi adéquat de la conférence, je recommande que le Sommet endosse la Déclaration de Dakar sur la souveraineté alimentaire et la résilience, et instruise la Commission de travailler à sa mise en œuvre en collaboration avec la BAD.
Il serait tout aussi indiqué d’intégrer dans le même processus le suivi de la Déclaration conjointe sur la sécurité alimentaire issue du Sommet Etats-Unis -Afrique de décembre dernier.
A cette fin, j’ai mis en place une task force conduite par l’ancien Premier Ministre Hailemariam Desalegn qui travaille déjà avec la Commission et la partie américaine sur la mise en œuvre des objectifs de la Déclaration.
Il s’agit, à court terme, d’assurer à nos pays l’approvisionnement en produits céréaliers et en fertilisants, aux conditions normales du marché.
A cet effet, nous pourrions utiliser la plateforme ATEX en collaboration avec AFREXIMBANK afin de faciliter les transactions.
A moyen et long termes, la Déclaration de Washington nous engage à travailler avec la partie américaine et d’autres partenaires, pour améliorer les performances agricoles du continent dans tous les aspects, y compris les infrastructures.
Excellences, Mesdames, Messieurs,
L’Afrique que nous voulons, c’est aussi une Afrique qui réfléchit par et pour elle-même ; une Afrique qui sait ce qu’elle veut et ce qu’elle vaut ; une Afrique pleinement intégrée dans la gouvernance mondiale, et qui s’engage avec ses partenaires dans une éthique relationnelle réinventée, fondée sur des partenariats co-construits et respectueux de la diversité des valeurs de cultures et de civilisations.
C’est le plaidoyer que j’ai porté en votre nom au 6e Sommet Europe-Afrique de Bruxelles, au Conseil de l’OCDE à Paris, au Sommet du G7 d’Elmau, à la TICAD 8 de Tunis, à l’Assemblée générale des Nations Unies, à la COP 27 de Sharm El Sheikh, au Sommet du G20 de Bali et au 2e Sommet Etats-Unis-Afrique à Washington. A toutes ces étapes, j’ai réaffirmé qu’en ces temps de mutations profondes, travailler ensemble requiert une autre façon de penser le monde, une autre façon d’agir entre partenaires respectueux de leurs valeurs communes et de leurs différences.
Sur la gouvernance mondiale, il est clair que la réforme du Conseil de Sécurité ne connait pas encore d’évolution significative.
Par contre, s’agissant de la gouvernance économique et financière mondiale, je suis heureux d’annoncer que le processus d’adhésion de l’Afrique comme membre de plein droit du G20 est en bonne voie, suite aux démarches que j’ai effectuées dans ce sens aussitôt après ma prise de fonction.
A ce jour, 10 des 20 membres du Groupe nous ont exprimé leur soutien ; notamment et dans l’ordre chronologique : l’Union Européenne, la France, l’Afrique du Sud, la Chine, la Russie, l’Arabie Saoudite, les Etats-Unis d’Amérique, le Japon, la Turquie et la Grande Bretagne.
En votre nom, je leur renouvelle nos chaleureux remerciements pour ce soutien amical et solidaire. L’Afrique s’en souviendra.
J’espère que les autres membres du Groupe rejoindront cet élan consensuel pour que l’adhésion de l’Afrique soit actée au prochain sommet du G20 en Inde.
D’autres défis non encore résolus demandent une prise en charge continue.
Je pense à l’Initiative du G20 sur la suspension du service de la dette et à la réallocation partielle des Droits de Tirage spéciaux. L’une et l’autre, censées accompagner nos efforts de résilience et de relance économique, restent encore dans l’impasse.
Je pense à la transition énergétique juste et équitable, qui nous permet d’exploiter nos ressources disponibles, pour satisfaire nos besoins d’industrialisation à des coûts compétitifs et assurer à nos pays l’accès universel à l’électricité dont plus de 600 millions d’africains restent encore privés.
Je pense à la perception exagérée du risque d’investissement en Afrique.
Dans mon adresse de prise de fonction du 5 février 2022 ici même, je disais que nos économies sont sous financées et mal financées, parce que nos pays continuent de payer de façon injuste des taux d’intérêt trop élevés, à cause d’un système inéquitable d’évaluation du risque d’investissement.
Cela a été confirmé par plusieurs études, dont le Rapport 2022 sur le financement du développement durable publié en avril 2022, qui a relevé en termes explicites la sévérité des Agences vis-à-vis des pays du Sud et leur relative indulgence à l’égard des pays industrialisés.
Ainsi, en pleine pandémie en 2020, 18 des 32 pays africains évalués par au moins une des grandes agences ont vu leur notation dégradée ; soit 56% contre une moyenne mondiale de 31%.
A l’inverse, et je cite le Rapport : « Les pays développés, qui ont connu une augmentation de leur dette et un ralentissement économique beaucoup plus important, ont largement échappé aux dégradations, ce qui renforce leur accès à un financement de marché abondant et abordable ». fin de citation.
Le document relève en outre la défiance des Agences de notation vis-à-vis de l’Initiative de suspension du service de la dette, pourtant décidée de façon consensuelle par le G20, instance habilitée en la matière.
Plusieurs pays africains ont ainsi vu leur notation mise sous surveillance, avant même leur participation à l’Initiative ; ce qui a contribué à aggraver la perception du risque dans ces pays et à dégrader leur notation ; comme si les agences s’érigeaient en instance de régulation au-dessus des Institutions intergouvernementales.
C’est pourquoi le Rapport recommande l’adoption de « méthodologies transparentes afin de ne pas miner la confiance dans les notations ».
Je rappelle que cette étude qui fait autorité a été réalisée par une soixantaine d’institutions multilatérales, dont le FMI, la Banque mondiale, le Comité de Bâle sur la supervision bancaire, l’Association internationale des régulateurs de l’assurance et le Conseil de stabilité financière.
Tout cela montre que nos efforts de développement ne pourront prospérer tant que perdurent certaines règles et pratiques de la gouvernance économique et financière mondiale. Certes, nous avons la responsabilité première de créer les conditions de développement de nos pays, mais notre sort dépend aussi d’institutions et règles d’après-guerre qui ne prennent pas suffisamment en compte les besoins et intérêts de nos pays.
J’appelle, par conséquent, les pays membres de l’Union et la Commission à participer activement à l’Initiative de Bridgetown sur la réforme de l’architecture financière mondiale, dont l’agenda 2023 prévoit six rendez-vous entre les réunions du FMI et de la Banque mondiale en avril, et la COP 28 en décembre.
Excellences, Mesdames, Messieurs,
Au terme de mon mandat, je voudrais vous exprimer toute ma gratitude pour votre confiance. Je remercie particulièrement notre frère Moussa Faki Mahamat pour son leadership et son soutien. J’y associe l’ensemble des membres de la Commission.
Servir notre continent a été pour moi un privilège et une grande fierté, parce que je crois en une Afrique unie, une Afrique debout, une Afrique au travail, une Afrique en paix et confiante en son avenir.
Cela me détermine à rester encore plus motivé, au front du combat pour l’Afrique, partout, pour tout et tout le temps ; parce que c’est la responsabilité que nous confère l’héritage du panafricanisme, pour réaliser le rêve des pères fondateurs et les aspirations de nos peuples.
Je souhaite plein succès à nos travaux et à mon successeur.
Addis Abeba, 18 février 2023
Excellences, Mesdames, Messieurs les Chefs d’Etat et de gouvernement,
Vive l’Afrique ! Vive l’Union Africaine !
Je vous remercie.
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