Le tout sécuritaire en ces moments de troubles planétaires ne joue pas en faveur d’Edward Snowdon dans sa croisade contre la surveillance des citoyens : quatre siècles d’alertes ne reviennent pas sur la suspicion qui sous-tend les relations entre les hommes.
Dans les romans d’anticipation des années 70, les auteurs décrivaient un futur que nous fait découvrir Edward Snowdon : son livre “Confessions intimes” nous renseigne que le futur est construit hier à partir d’une constatation basée sur le réel. Il y a beaucoup participé, en tant qu’agent de renseignements et concepteur de logiciels de surveillance qui ont informé ad nauseam in vitro et qui vont au-delà de notre mort puisque les éléments fournis sont indélébiles : tout appareil connecté raconte notre vie, de l’échographie qui révèle notre conception à la machine connectée avec laquelle vous lisez cette note de lecture et qui dit à quel rythme vous lisez, où vous vous arrêtez, ce que vos yeux voient, comment vous respirez en lisant, quel est votre pouls pendant que vous lisez, etc…
En outre, le frigo connecté renseigne sur nos goûts alimentaires, la télé sur notre culture des loisirs et l’e-book sur nos penchants littéraires. Dans une société de l’hyper consommation, ces informations sont importantes pour préparer l’individu social de demain. Il y a aussi malheureusement le revers de la médaille, l’exploitation outrancière de ces informations, la surveillance de masse qui donne de la puissance à certains cherchant à dominer le monde.
Snowdon est un homme révolté devenu objecteur de conscience vers les années 2010. Dans un livre de près de 300 pages, il étale son warm out et son burn out pour avoir aidé à violer la loi, en particulier le fondamental IVème amendement de la Constitution américaine : « Le droit des citoyens d’être garantis dans leur personne, domicile, papiers et effets, contre les perquisitions et saisies non motivées ne sera pas violé, et aucun mandat ne sera délivré, si ce n’est sur présomption sérieuse, corroborée par serment ou affirmation, ni sans qu’il décrive particulièrement le lieu à fouiller et les personnes ou les choses à saisir. »
Que vaut-il aujourd’hui, dans le monde angoissé qui se vit et qui se détruit ?
Snowdon est un espion. Il a été à la solde du gouvernement américain et s’est évertué à être un bon citoyen, surtout au lendemain des attentats du 11 septembre quand il redouble d’ardeur et d’ingéniosité au service de son pays, comme l’ont été avant lui ses arrières-grands parents et ses parents. Mais son temps d’aujourd’hui n’est pas celui de la guerre froide mais celui de la demande de libertés au moment des restrictions des droits avec le tout-sécuritaire qui l’emporte sur la justice sociale.
Son réveil un peu tardif s’accorde mal avec une réalité du terrorisme international qu’il a aidé à combattre en voulant déplorer le choix des armes du renseignement à l’échelle planétaire. La liquidation de al-Baghdadi le 27 octobre 2019 a suscité un immense soulagement auprès des États plongés dans le terrorisme de ces quarante dernières années, de la Palestine au reste de la planète.
Snowdon cherche à se donner bonne conscience en revisitant l’histoire des « fuiteurs » depuis 1777 jusqu’aux années 2000 : Daniel Ellsberg et Anthony Russo, ainsi que celle d’opposants commeThomas Tamm,Drake, Binney, Wiebe et Loomis, lessuccesseurs à l’époque numérique de Perry Fellwock, et, en 1971,la soldate ChelseaManning.
Les restrictions des libertés observées depuis une quinzaine d’années renseignent sur le durcissement des régimes politiques : du Chili de Allende au Nicaragua de l’amiral Poindexter, les anciens combattants de la liberté revenus au pouvoir 40 ans après ont absout l’idéologie ; au Proche et Extrême-Orient, la volonté de vie des Libanais et des Hong-Kongais est un mélange entre le refus de la pauvreté et des marionnettes. Les émeutes de la faim, du Chili, n’ont pas le même soubassement moral de la guerre Algérie contre un mandat de trop. Évo Morales avait dans une autre vie aimé les Contras, le Nicaragua avait apprécié le camarade Daniel Ortega dans les années 70 avec la théologie de la libération et moins aujourd’hui quand Morales ferme les urnes et se proclame vainqueur puis…exilé. Dans une précédente vie, Morales était un homme de gauche qui n’a pas hésité à violenter moralement et culturellement ses compatriotes
La Chute du mur, le 9 septembre 1989, n’a pas mis fin au totalitarisme et aux régimes castrateurs ; bien au contraire l’absence de contre-pied a donné naissance aux extrémismes. Le retour de la Russie a permis un équilibre au Proche et Moyen-Orient dévasté par la haine contre el-Assad et contre les kurdes et autres minorités orientales en lutte pour la survie de leur culture.
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Edward Snowdon : Mémoires vives. L’homme qui a tout risqué pour dénoncer la surveillance globale. Seuil, France, 2019, 292 pages.
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