C’est la politique de la terre brûlée : une fausse déclaration de candidature, le lynchage médiatique des potentiels successeurs et une vassalisation de l’opposition, enfin un aveu d’impuissance devant une demande sociale de plus en plus forte. La stratégie de sortie de Macky Sall est en droite ligne de sa politique du chaos constructeur.
Otage de groupes de pression qui le poussent vers la sortie ou qui refusent la fin de l’Eldorado, Macky Sall parachève sa politique du chaos destructeur par une candidature polémique, celle d’une fin de mandat à la Abdoulaye Wade : la capacité d’indignation des Sénégalais lui offrira une alternative salutaire aux uns et aux autres obligés de se rendre à l’évidence : la durée légale de la présence de l’actuel président ne peut aller au-delà de 2024. Il faut toutefois regretter que, dans cette politique de la terre brûlée, le chef de l’État veuille en même temps dénigrer et enterrer avec lui ses potentiels successeurs.
Poussé vers la sortie à peine réélu, Macky Sall a dû souffrir la division des populations sénégalaises lui refusant toute légitimité, et ceci jusque dans ses propres rangs : les contestations déjà notables durant le septennat se sont exacerbées durant le dernier quinquennat, maintenant le Sénégal dans une foire aux empoignades permanentes. Au point que certains appellent leurs collègues à plus de responsabilité, quelle que soit leur station dans la hiérarchie administrative (Djimo Souaré, député et président du conseil départemental de Goudiry, invité Rfm matin du 26 février, a invité le pouvoir à plus de responsabilité face aux populations).
Avec le concours des derniers rares fidèles, le pouvoir a alors imaginé une stratégie de sortie de la scène politique : une candidature d’autant plus impossible qu’elle conduirait à une explosion sociale similaire à celle du 23 juin 2011, avec une colère populaire qui a déraciné le baobab Abdoulaye Wade. Et, pour que le tout fût plus frais et de meilleur débit, comme dans la fable, une partie du plan est réservée à ceux que l’on soupçonne de se vouloir vizir à la place du khalife. C’est la politique du néant, de la terre brûlée, de l’après moi le déluge.
La proximité des intervenants est évidente et laisse supposée une intrigue de bas étage : au-delà de leur manque de lisibilité sociale, les acteurs souffrent en même temps de crédibilité, que ce soit pour le plaidoyer d’un mandat supplémentaire ou pour vouer aux gémonies ceux que les populations ont inscrit sur leur short list dans les perspectives du futur.
Articulée autour de la révision constitutionnelle, l’argumentation tenait d’autant plus la route que les exégèses eux-mêmes s’y perdaient en conjectures : rien, dans la Constitution actuelle, ne s’opposerait à une éventuelle candidature de Macky Sall en 2024, malgré les affirmations de l’intéressé lui-même ; les lanceurs d’alerte, terme moderne pour désigner les Cassandre, avaient bien joué leur rôle dès 2017 en avertissant sur une loi ambigüe votée non point pour la postérité que pour arranger un individu, quel que soit son embonpoint. Belle parade alors pour celui qui veut se rebiffer et envoyer un pied-de-nez à ses contempteurs comme à ses rares fidèles. Car, comme avec la durée du mandat lors de sa première élection, Macky Sall se place aujourd’hui derrière les rideaux et se fait ventriloque pour revenir sur ses promesses. Surtout que la bataille de succession fait rage qui veut maintenir le prétexte de 2011 pour le troisième mandat de Me Wade.
La ligne de fracture s’est manifestée avec le Premier ministre d’État Muhammad Boun Abdallah Dionne et le Ministre d’État Mbaye Ndiaye après la sonde sur la nomination du maire de Dakar pour amuser la galerie et donner un os à ronger aux spéculateurs : en avant pour un autre mandat pour Macky Sall, une candidature potentiellement polémique mais aussi d’autant plus libératrice qu’elle permettait en même temps de faire intervenir des figurants de bas étage chargés de démasquer des traîtres dans l’entourage hebdomadaire de Macky Sall en conseil des ministres.
La Guerre De Sécession
La bataille pour la succession de Macky Sall avait été entamée dès le 24 février 2019 qui signait en même temps le dépérissement progressif du chef ; elle prend une tournure dramatique : aux militants et responsables mandatés pour stigmatiser les traîtres réunis tous les mercredis autour du président de la République, répondent ceux qui manipulent les ficelles de l’économie, comme dans le secteur stratégique de l’énergie.
Ancien fournisseur aujourd’hui sur la touche et bailleurs se retirent ainsi de la Société africaine de Raffinage déjà menacée pour un plan sans base économique après 2012. À la suite de la présidentielle du 24 février dernier, des rumeurs de trahison circulaient qui ont vu la mise à l’écart d’un ancien conseiller du président Macky Sall soupçonné d’avoir financé un opposant ; il était fournisseur d’énergie à la Sar. Voici que la société de raffinage est secouée par la démission d’un membre du Conseil qui retire en même temps une importante ligne de crédit mise à la disposition de la compagnie.
Certains y voient la réaction des responsables gouvernementaux implicitement mis en cause par le chœur des lamantins hurlants. Les spéculations sur l’autonomie de la Sar ou de la Sénélec laissent à croire que le Sénégal sombre dans la folie, après la paranoïa post-électorale de février 2019.
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Orientations Bibliographiques
Vidéo – Mame Mbaye Niang menace: “Il y a un traître au sein de l’APR et il sera démasqué”
Rédigé par leral.net le Mercredi 19 Février 2020
Bara Ndiaye : Les Échos N° 956 du mercredi 26 févier 2020, page 5
L’Observateur N° 4922 du 25 février 2020, page 3
Pathé Mbodje ; Les Adieux De Macky Sall – Par Les Urnes Ou Par Les Armes, 17/10/19
Pathé MBODJE . Présidentielle-Jamais Deux Sans Trois : La Tentation Totalitaire
Dr Boubacar Kanté, Maître de Conférences au Département de Droit Public et de Sciences Politiques, UCAD, et Malick Diop, Juriste : Étude sur les principaux déterminants individuels de l’abstention au Sénégal de 2000-2016.
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