(Ez 34, 11-16 ; 2 Tm 1, 6-14 ; Lc 1, 5-17)
Chers Confrères,
Frères et sœurs bien-aimés,
« Dieu fait grâce[1] ! »
Telle est la devise épiscopale de Monseigneur Jean-Baptiste Valter MANGA que, venus de partout, nous voulons entourer de notre communion priante et de notre affection, en ce jour où il reçoit la grâce inouïe de l’ordination épiscopale.
Oui, « Dieu fait grâce » ; c’est certainement aussi le chant d’action de grâce de la famille diocésaine de Ziguinchor qui a accueilli, tel un don du Seigneur, la nomination, par le Saint-Père François, de Monseigneur Valter comme nouveau Pasteur de l’Église de Jésus Christ, à Ziguinchor, dans le long sillage de ses prédécesseurs parmi lesquels celui immédiat, Monseigneur Paul Abel MAMBA, ici présent, et récemment transféré de Ziguinchor à Tambacounda.
« Dieu fait grâce » ; c’est également l’hymne de louange de toute l’Église de Jésus Christ, au Sénégal qui, en communion avec l’Église universelle, ici diversement représentée, se réjouit de compter en son sein un nouveau successeur des apôtres.
« Dieu fait grâce » ; c’est encore le cri silencieux de tous ceux et celles qui auraient aimé être là, aujourd’hui, mais que diverses circonstances tiennent loin de nous, du moins physiquement, si nous croyons encore qu’un lien irréfragable, et quasi sacramentel, nous unit les uns aux autres. Que le Nom du Seigneur, qui fait toujours grâce, soit éternellement béni !
Frères et sœurs bien-aimés,
Chers Confrères,
Nous venons d’écouter la Parole de Dieu à nous adressée dans la belle et riche diversité de nos âges, de nos cultures et de nos conditions de vies. Cette Parole, qui nourrit, guide, soutient, éclaire et transforme, s’offre encore à nous, aujourd’hui, comme une source intarissable de vie et de renaissance perpétuelle dans le Seigneur.
Dans la première lecture, tirée du livre d’Ézékiel, se trouve sommairement présentée la mission du pasteur que devient, par la grâce de Dieu et l’autorité du Siège apostolique, Monseigneur Valter. Intitulé « annonce du bon pasteur », ce passage dit, en des termes on ne peut plus clairs, l’essentiel de ce que devrait être le rôle d’un pasteur : c’est rassembler le troupeau et le faire paître ; s’occuper des brebis et veiller sur elles ; c’est encore aller à la recherche de la brebis égarée, soigner celle qui est blessée, rendre des forces à celle qui est faible, garder celle qui est grasse et vigoureuse et la faire paître avec justice[2].
Cher Monseigneur Jean-Baptiste,
Voilà le chemin qui s’ouvre devant vous, de façon toute particulière, à travers votre ministère épiscopal ; un chemin qui, bien qu’exigeant et à haute dimension sacrificielle, reste des plus beaux et des plus exaltants à la suite du Christ, Bon Pasteur, qui nous rassemble de tous les horizons pour être son Église ; c’est un chemin du « donner » et du « recevoir » ; un chemin où l’on apprend sans cesse à se donner et à se recevoir : donner ce que l’on est, ce que l’on a et recevoir des autres ce qu’ils sont et ce qu’ils ont ; se donner avec foi, entièrement, passionnément, courageusement et généreusement pour la mission, et se recevoir de Celui qui, seul, peut tout nous donner : Jésus Christ, Pasteur par excellence, au cœur brûlant d’amour, de miséricorde et de compassion envers tous, sans exception de race, de religion, d’ethnie, d’âge, de rang social, de langue et de culture.
Foi et entièreté, passion et compassion, zèle et générosité pastorale, témoignage et charité, justice et vérité ; sacrifice et abnégation ; n’est-ce pas, là, un véritable compendium des traits caractéristiques de l’apôtre Paul, auteur de la deuxième lecture que nous venons d’entendre ? En effet, Paul, témoin infatigable du Christ, après sa bouleversante conversion, rappelle à son fils spirituel, Timothée, la gravité du don merveilleux qu’il a reçu et qui ne saurait se déployer sans les dispositions précitées : « Fils bien-aimé, je te rappelle que tu dois réveiller en toi le don de Dieu que tu as reçu. Car ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de raison. N’aie pas honte de rendre témoignage de notre Seigneur […], mais avec la force de Dieu, prends ta part de souffrance pour l’annonce de l’Évangile
[…]. Tu es le dépositaire de l’Évangile ; garde-le dans toute sa pureté grâce à l’Esprit Saint qui habite en nous[3]. »
Excellence, Monseigneur Jean-Baptiste,
Ces conseils de Saint Paul vous seront certainement très utiles dans l’exercice de votre fonction d’évêque, aux implications multiples et variées. À ce propos, le directoire pour le ministère pastoral des évêques rappelle les trois devoirs principaux de l’évêque : être le maître de la foi, annoncer la Parole de Dieu et être sanctificateur du peuple chrétien.
Je ne doute nullement de vos qualités de pasteur. Théologien, curé de paroisse, formateur, professeur d’anthropologie, responsable de la Pastorale d’ensemble et chargé de la mise en œuvre de votre synode diocésain, jusqu’à votre nomination comme nouvel évêque de Ziguinchor, vous avez certainement eu le privilège et le temps de prendre la pleine mesure des réussites et des échecs, des joies et des peines, des interrogations et des aspirations, mais aussi des défis pastoraux qui sont ceux du diocèse dont il a plu au
Seigneur de vous confier le gouvernement pastoral. Vous ne l’ignorez pas, cette « portion du peuple de Dieu » attend et espère beaucoup de vous. Elle attend de vous bien plus que vous n’avez déjà donné à travers vos différentes responsabilités diocésaines.
Elle espère de vous que vous soyez un père à l’écoute attentive et compatissante, un pasteur bon, vigilant et miséricordieux, un rassembleur ; en somme un pater familias, un père pour la grande famille diocésaine que l’Église vous confie. N’y perdez surtout pas le bel humour et la simplicité, qui vous caractérisent et vous donnent d’aborder les personnes, les choses et les situations avec simplicité, sans pour autant les vider de leur complexité. Qu’il plaise au Seigneur que vous sachiez toujours garder cet équilibre. Le diocèse de Ziguinchor, que vous avez tant aimé et servi, compte sur vous pour le conduire vers les verts pâturages d’une Église forte, autonome, unie, solidement attachée au Christ ; une Église à bâtir ensemble et où il fait bon vivre.
Il y aurait, ici, à revisiter la définition que le décret Christus Dominus, sur la charge pastorale des évêques dans l’Église, donne du diocèse : « Un diocèse est une portion du Peuple de Dieu confiée à un évêque pour qu’avec l’aide de son presbyterium, il en soit le pasteur : ainsi le diocèse, lié à son pasteur et par lui rassemblé dans le Saint-Esprit grâce à l’Évangile et à l’Eucharistie, constitue une Église particulière en laquelle est vraiment présente et agissante l’Église du Christ, une, sainte, catholique et apostolique[4]. » Il s’agit d’une « portion du peuple de Dieu », avec tout ce qui lui donne un visage singulier, l’histoire qui l’a façonné, sa géographie, la situation sociale et économique et tous les problèmes humains qui marquent la vie d’un peuple. Chaque diocèse a vraiment une physionomie propre. Un évêque l’épouse avec ses joies, ses dynamismes mais aussi ses difficultés […]. En outre, l’évêque n’est pas un manager qui déciderait et conduirait une stratégie de développement dont il serait le seul responsable. Il est le serviteur d’une action de Dieu qui, aujourd’hui encore, vient à la rencontre des hommes et des femmes [de notre temps], touche les cœurs, met en route et accompagne. Ce service de l’évêque est éminemment pastoral. Comme dit saint Augustin, les évêques sont invités à être pasteurs « pour le Christ et dans le Christ[5]. » L’évêque n’est donc pas au-dessus de son Église particulière. Il est en elle.
Il vit avec tous les baptisés l’aventure de la vie chrétienne et est au service de la sanctification de la portion du peuple qui lui est confié[6]. C’est dans ce sens que Saint Augustin dira : « pour vous, je suis évêque, avec vous, je suis chrétien[7].» Le lien profond et intrinsèque entre le pasteur et son peuple, qui constituent ensemble une Église particulière, s’en trouve largement mis en évidence. C’est donc au service de l’édification de cette Église particulière comme Église du Christ que se situe le ministère épiscopal. Cependant, ce ministère éminemment personnel n’est pas un ministère exercé individuellement.
Excellence Monseigneur Valter,
Qu’en exerçant la triple charge du ministère épiscopal, qui consiste à enseigner, sanctifier et gouverner le peuple de Dieu qui vous est confié, vous sachiez le faire dans un esprit synodal, c’est-à-dire par des méthodes inclusives qui promeuvent une Église où chacun joue pleinement sa partition et où la voix de tous et de chacun compte comme dans une merveilleuse symphonie, où la diversité est au service de l’harmonie et de l’unité du chœur. Ne craignez pas les fausses notes, mais employez-vous plutôt, avec l’humilité du bon Pasteur, à les reconnaître et à les transformer en notes de passage vers des mélodies encore plus justes et plus majestueuses, sur les routes de votre croissance en Église-famille de Dieu.
Synodalité, symphonie, harmonie, coresponsabilité, unité dans la diversité, le synode diocésain de Ziguinchor, voulu par votre prédécesseur, Monseigneur Paul Abel MAMBA, et le synode de l’Église sur la synodalité, convoqué par le Pape François, ne nous y invitent-ils pas, chacun à leur manière ?
Le Diocèse de Kolda, né en l’an 2000, du démembrement de celui de Ziguinchor, par ma voix, vous renouvèle toute sa gratitude pour votre apport considérable au bon déroulement de son tout premier synode, auquel vous avez généreusement pris part en tant qu’expert.
Vous avez su nous montrer vos qualités d’annonciateur du message évangélique, une mission qui revêt un caractère particulier pour l’évêque que vous êtes devenu.
En effet, « annonciateur de l’Évangile, l’évêque est également chargé d’un ministère de vigilance de la foi du peuple de Dieu. Il a un rôle de guide pour faire entrer celui-ci plus profondément dans la compréhension du dessein de Dieu, dans l’accueil de ce que Dieu est pour l’homme et de ce que l’homme est pour Dieu. Il est amené à déployer une juste intelligence de la foi de l’Église. Il doit également porter sur les événements et les questions de société un regard éclairé par cette approche de l’homme qui est celle de la foi. Il sait que pour connaître l’homme, il faut connaître Dieu et que pour connaître Dieu, il faut connaître l’homme. L’évêque vit cette responsabilité de docteur de la foi et de premier catéchète de son diocèse à travers de multiples prises de parole : homélies, catéchèses, conférences, articles, livres, participation à des débats publics, émissions de radio ou de télévision[8]. » Vous conviendrez avec moi que c’est une bien lourde charge que nul ne saurait exercer seul.
C’est dire que, même si la responsabilité de l’évêque est personnelle, il a nécessairement besoin de prendre conseil, de se faire guider et éclairer sur des questions cruciales qu’il doit trancher ; mais c’est lui qui, en dernier ressort, décide. Devant des décisions graves à prendre, il est seul devant Dieu, qui siège dans sa conscience.C’est à ce moment qu’il fait l’expérience de la solitude d’un évêque, au milieu de toutes les joies d’un si beau ministère. Cependant, Excellence, n’ayez pas peur. En vérité, pour l’homme de foi, que vous êtes, cette solitude n’est qu’apparence. Vous ne serez jamais seul. L’Esprit Saint, qui inspire, guide et soutient l’Église et ses pasteurs, sera toujours avec vous. De plus, vous ne manquerez pas du secours de la Vierge Marie, Mère de l’Église et notre Mère, des Saints et Saintes de Dieu, dont la vie et la mort ont crié Jésus Christ sur les routes du monde, de l’assistance de vos collaborateurs et de votre saint Patron, Jean-Baptiste, le Précurseur, suffisamment décrit dans l’Évangile, et qui a passé sa vie à préparer la venue de celui qui est, qui était et qui vient, Jésus Christ, Dieu parmi nous, Dieu avec nous et Pasteur des pasteurs.
Monseigneur Jean-Baptiste Valter MANGA,
Demain, le Nonce Apostolique, Son Excellence Monseigneur Waldemar SOMMERTAG, dont nous nous réjouissons de la présence parmi nous, vous installera officiellement sur le Siège épiscopal de Ziguinchor. Vous prendrez, alors, possession du siège qui vous revient de droit. Que, par Saint Antoine de Padoue, Patron de votre
Cathédrale, ce jour béni soit l’annonce d’un ministère épiscopal fécond, épanoui et épanouissant, au milieu de vos frères évêques, de votre presbyterium et du peuple de Dieu.
« Dieu fait grâce » :une devise épiscopale qui, puissante et sobre à la fois, dit un grand nom et de belles promesses divines : Jean-Baptiste, votre Saint Patron et l’œuvre du Seigneur dans sa vie. Comment ne pas y voir une disposition intérieure à vivre votre ministère épiscopal sous le signe de la grâce ?
Oui, « Dieu fait grâce. » Et vous, presbyterium de Ziguinchor, religieux, religieuses et fidèles laïcs de cette enchanteresse partie de la si belle Casamance, que vous reste-t-il à faire ? Soyez avec votre nouvel Évêque et autour de lui. Engagez-vous à être pour lui de véritables collaborateurs, qui rivalisent de créativité, de générosité pastorale et d’optimisme. Aimez-le, soutenez-le sans réserve et n’ayez de cesse de prier pour lui, afin qu’il soit chaque jour davantage un pasteur selon le cœur de Dieu. Alors, l’Église grandira ; elle se fortifiera et s’étendra, et d’elle s’exhalera le doux parfum du Maître, Jésus Christ, présent au milieu de nous tel un compagnon fidèle qui marche avec nous sur nos routes quotidiennes et nous appelle à faire Église.
« Dieu fait grâce » ! Qu’il nous fasse grâce aujourd’hui, demain et pour les siècles des siècles. Amen !
Mgr Jean-Pierre BASSÈNE
Évêque de Kolda
Consécrateur
[1] Lc 1, 13.
[2] Cf. Ez 34, 11-16.
[3] Cf. 2 Tm 1, 6-14.
[4] CONCILE VATICAN II, Christus Dominus, Décret sur la charge pastorale des évêques, Cité du Vatican, 2 octobre 1965, n. 11.
[5] RICARD J.-P., Vivre le ministère épiscopal aujourd’hui, Transversalités n. 130, 2014, p. 7-25.
[6] RICARD J.-P., Ibid.
[7] AUGUSTIN, Sermon 340, 1.
[8] Ibid.
Soyez le premier à commenter