Rfi et France 24, victimes de leurs intérêts au Mali (par Mame Gor Ngom)

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La suspension de France 24 et de Radio France International (Rfi) au Mali, est une manière de poursuivre la « guerre » contre la France, par « d’autres moyens ».
En s’en prenant à des « médias d’Etat », le pouvoir malien veut donner un autre signal à ses concitoyens, à l’opinion internationale et surtout, à l’Élysée. Ce sont certes des organes de presse qui sont victimes de censure, ce sont des journalistes qui sont atteints, mais la mesure vise avant tout les autorités françaises qui ont déclenché les hostilités. Et le pouvoir d’Assimi Goïta riposte car, estimant que le groupe « France Médias Monde », c’est aussi la « France officielle ». Il réunit France 24, la chaîne d’information, RFI et Monte Carlo Doualiya, la radio en langue arabe. Trois médias qui émettent à l’échelle du monde, en 20 langues, selon des informations disponibles sur leurs sites respectifs.

Rfi et France 24 comptent 9 correspondants au Mali et sont suivis chaque semaine, par plus d’un tiers d’une population de plus de 20 millions de Maliens, indique-t-on. En posant un acte si radical, les autorités veulent indiquer que cette « presse française » présente au Mali, n’est en rien différente des gouvernants français. Et qu’elle est le bras armé de l’Hexagone. De redoutables armes de destruction massive qui peuvent venir à bout de populations anxieuses et souvent, désorientées.

La junte ne veut pas perdre la main. Elle ne veut pas succomber dans le domaine si puissant de la communication, figure emblématique du 21e siècle. Si la société russe Wagner considérée par la France comme étant composée de vils mercenaires, est rendue impopulaire par des médias qui dépendent du Quai d’Orsay, le ministère des Affaires étrangères de la France, des fissures ne vont pas tarder à se faire remarquer. Ce qui pourrait anéantir les efforts de Goïta et de ses camarades, qui ont réussi jusqu’ici à maintenir intacte leur image de défenseurs de la patrie contre des « envahisseurs », qui veulent régenter le Mali à leur guise.

Nos confrères sont donc victimes des turpitudes dans les relations diplomatiques entre le Mali et la France. Sont-ils exempts de reproches ? Difficile de le dire si l’on sait que l’indépendance qu’ils proclament, peut être relativisée. N’est-elle pas de façade ? Eux aussi, ils n’ont pas d’amis. Ils n’ont que des intérêts. Ceux de leur pays. Ils font de la propagande même si celle-ci est douce et subtile.

Le Mali s’est peut-être inspiré de l’Union Européenne (Ue) qui a banni Russia Today et Sputnik. Ils sont considérés comme des « médias d’État russes qui diffusent des mensonges sur la guerre menée par Moscou en Ukraine ». « Russia Today et Sputnik, ainsi que leurs filiales, ne pourront plus diffuser leurs mensonges pour justifier la guerre de Poutine et pour semer la division dans notre Union. Nous développons donc des outils pour interdire leur désinformation toxique et nuisible en Europe », indiquait la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. C’était le 27 février dernier.

Auparavant, le Sénat français avait demandé la suspension «immédiate» de Russia Today en France. Laurent Lafon, le président de la commission Culture de cette institution, a estimé que RT relaie «quotidiennement» les «actions de propagande» du Kremlin, «sans véritable contradiction».

Au Mali ainsi qu’en France, il s’agit donc de la liberté d’expression qui est mise à rude épreuve, pour des considérations géostratégiques évidentes. Les dénonciations contre les «actes anti-démocratiques », sont à double vitesse. Duplicité ambiante !

La logique malienne…

Le gouvernement de transition malien se veut sans ambages. En expliquant la procédure de suspension des deux médias « par une synchronisation de matraquage médiatique savamment préméditée visant à déstabiliser la transition, démoraliser le peuple malien et discréditer les vaillantes forces armées maliennes », il vise avant tout à montrer que la mesure a été prise à l’encontre des dirigeants français. Les « fausses allégations » rapportées par Rfi dans un reportage des 14 et 15 mars 2022, donnant la parole à des victimes présumées d’exactions qui auraient été commises par l’armée malienne et Wagner, relèveraient donc de la désinformation dictée par la posture diplomatique actuelle de la France contre la junte.

Des sanctions qui suivent une certaine logique. Celles enclenchées après les déclarations fracassantes du ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian. Des attaques ciblées contre les nouvelles autorités maliennes, aux premiers rangs desquels se trouve le Colonel Assimi Goïta, qualifié de « dictateur ».

Le renvoi de l’ambassadeur de la France au Mali, les fortes répliques du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, la décision de « chasser » les soldats français du Mali et les manifestations grandioses, sont illustratifs d’une détermination d’en découdre avec une France considérée à tort ou à raison, comme une puissance occidentale qui continue de « mettre le genou sur le cou » d’un pays qui se bat dans des difficultés énormes. La France est peut-être consciente que la cassure s’agrandit. Elle est exposée aux secousses. Quand l’Afrique se réveille…

L’Info

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