Avec les élections municipales et départementales de dimanche, le Sénégal va, enfin, clore une longue période d’incertitudes. Que de rendez-vous manqués des élus locaux avec leurs électeurs ! Comme si le bilan des premiers redoutait la sanction des seconds ! La phobie du suffrage populaire ? Il faut le dire : pouvoir et opposition, pour des intérêts paradoxalement convergents pour une fois, ne se sont jamais empressés d’aller à ces élections territoriales toujours renvoyées aux calendes… sénégalaises. Ce 23 janvier au soir, on va savoir qui pèse quoi dans quelle ville, commune ou dans quel département. Il était temps. Il était même plus que temps de mettre fin aux interminables mandats des maires du Sénégal. Et pendant ce temps, ils distribuaient des terres et privaient, abusivement, les administrés de la mer. De reports en reports, leur mandat de 5 ans, entamé en 2014, s’est transformé en septennat, puis en « octonnat ». Huit ans de mandat sans élections locales, notre pays a fini par inventer un nouveau « modèle » démocratique. A ne surtout pas perpétuer. Encore moins dupliquer. En effet, sur une bonne partie du continent ce qui se fait ici en matière démocratique est souvent copié ailleurs. Que l’image reflétée soit bonne ou mauvaise, la vitrine sénégalaise continue d’inspirer.
Disons-le nettement : nos maires qui vont remettre en jeu leur mandat longtemps épuisé, avaient fini par se retrouver avec une légitimité douteuse à force de différer le face-à-face avec l’électorat. La démocratie, considérée à tort ou à raison comme « le moins mauvais de tous les systèmes », ne se réinvente pas. Elle se nourrit du respect du rendez-vous sans cesse renouvelé avec le peuple. Notre Constitution l’ordonne clairement : « La souveraineté nationale appartient au peuple sénégalais qui l’exerce par ses représentants ou par la voie du référendum. Aucune section du peuple, ni aucun individu, ne peut s’attribuer l’exercice de la souveraineté. » Les représentants du peuple ne peuvent dès lors se prévaloir de ce titre que s’ils ont le mandat du peuple qui s’exprime régulièrement par la voie des urnes. De ce point de vue, il est préférable que la rue soit une exception sans perdre de vue qu’en l’absence d’élections démocratiques, la rue devient un recours et un moyen d’expression à courte vue. Bonjour la chienlit ! L’élection est nécessaire à la démocratie quand bien même elle ne saurait être suffisante. Dans les dictatures aussi, on vote. La différence entre la démocratie et la dictature réside dans le pluralisme qui enrichit l’une et qui fait défaut à l’autre.
Citoyens, aux urnes donc, dimanche ! Un scrutin local, des enjeux nationaux. Le premier enjeu national tient à la proximité des élections législatives prévues dans six petits mois sans oublier la Présidentielle qui va intervenir deux ans plus tard, presque jour pour jour. De là à faire du scrutin local du 23 janvier 2022 le premier tour avant l’heure du scrutin présidentiel du 25 février 2024, il n’y a qu’un pas que franchissent désormais allègrement certains acteurs politiques. Et projection pour projection, le retour déjà acté du poste de Premier ministre que le président de la République compte nommer après les Locales, ne fait qu’ajouter du piquant au vote de dimanche. Un autre enjeu national à prendre en considération. Entre des enjeux nationaux clairement affichés et ceux visiblement cachés, il y a fort à craindre que les urgences locales soient sacrifiées. Pour important que soit l’agenda national, il ne doit pas étouffer l’enjeu du Développement local. Monsieur ou Madame le Maire, transforme d’abord ta ville et ton village, et le pays suivra. Il ne faut pas se tromper d’élection et d’ambition.
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