Recrudescence des drames de l’émigration irrégulière : Qui ou quoi pour mettre fin à l’hécatombe ?

Partager l'article

Alors que l’on n’a pas fini d’épiloguer sur les centaines de migrants disparus en mer ces dernières semaines, un autre drame est survenu hier à Ouakam où une pirogue qui convoyait des candidats au périlleux voyage a échoué, faisant plus d’une quinzaine de morts. Malgré les nombreuses mises en garde et les dangers encourus, les jeunes n’en ont cure et continuent de fuguer dans des embarcations de fortune vers un ailleurs qu’ils croient meilleur. Finalement, qui ou quoi pour mettre fin à cette hécatombe ?

Pourquoi, malgré les nombreuses mises en gardes et les drames récurrents de la migration irrégulière et tous les risques encourus, les jeunes continuent-ils de braver la mer pour fuguer vers un ailleurs qu’ils croient meilleur ? Aujourd’hui, cela devrait tous nous faire réfléchir, car pour beaucoup de jeunes aujourd’hui, la seule issue pour assurer leur avenir, c’est de fuir leur pays. La première explication semble être que ces jeunes sont affamés, car il est communément admis que celui qui est rassasié n’a pas besoin d’aller jouer au pique assiette.

Et aujourd’hui, si les jeunes fuguent par groupes entiers engagés, c’est parce qu’ils sont affamés ; ils ont faim de travail, ils ont faim d’une bonne politique de jeunesse, ils ont faim d’une vie décente, ils ont faim de reconnaissance, ils ont faim de considération, ils ont faim d’un cadre de vie agréable etc. Rien de tout cela ne leur est accessible, c’est pourquoi ils partent dans l’espoir d’une vie meilleure. Et ce qui est le plus incompréhensible dans cette situation est le fait que le pays dispose d’assez de ressources humaines et naturelles de qualité pour se tirer d’affaire. Au moment où les populations triment pour s’en sortir, alors que leur pays dispose de millions de terres arables, de l’eau à suffisance, de soleil, d’or, de zircon, de 750 km de côtes poissonneuses, de fer, de phosphates etc., les jeunes qui devaient être la locomotive qui tirerait le pays vers un cap de croissance globale, sont livrés à eux-mêmes, laissés en rade, sur le quai, sur le côté et sans vie en mer. Dans nombre de familles, ce sont les retraités qui continuent de nourrir leur progéniture. Finalement, se sentant inutiles, gagnés par l’oisiveté et ruminant leur frustration, ces jeunes sont prêts à tout, l’essentiel étant de tirer leur épingle du jeu.

Et il convient de reconnaître que si les jeunes ont autant de problèmes aujourd’hui, c’est en grande partie à cause d’une mauvaise politique ou de l’inexistence d’une politique de jeunesse intégratrice, à cause de la mal gouvernance pratiquée, des inégalités sociales vécues, à cause des voraces pilleurs de la République, qui, à y regarder de près, sont plus dangereux que les passeurs et autres organisateurs de ces voyages à risque, si l’on sait que leurs méfaits portent préjudice à toute la nation en la privant des ressources humaines et de bras valides qui pourraient contribuer à améliorer le sort quotidien des gens et parfaire leur existence propre. Mais pire…! Ils hypothèquent la paix et la stabilité de la communauté, voire même sa survie. À propos de survie, nombre de jeunes partent aussi parce que les navires étrangers pillent éhontément nos ressources halieutiques, avec la complicité de certaines autorités qui leur délivrent des licences dans des conditions douteuses.

Ce qui les prive de leur gagne-pain. D’ailleurs, aujourd’hui la plupart de ces candidats au voyage habitent dans les quartiers des pêcheurs. Combien de fois a-t-on vu ces pêcheurs dénoncer à travers les médias la raréfaction du poisson due à la concurrence déloyale que leur menaient ces bateaux étrangers ? Sans espoir, sans perspective, tenaillés par une soif inextinguible de reconnaissance et de réussite, ces jeunes jouent leur va-tout. Pourtant en empruntant les pirogues, ils s’exposent à tous les dangers, non seulement ils risquent d’y laisser leur vie et même s’ils échappent à la mort, ils sont loin d’être tirés d’affaire.

Car, étant entrés de manière illégale en Europe, tout peut leur arriver ; c’est comme un étranger, qui, au lieu de passer par la porte saute le mur. Une fois dans la maison, il peut soit être victime de sévères représailles, soit il peut susciter la compassion du maître des lieux qui peut lui tendre une main secourable. Et c’est à peu près la même situation que vivent ces migrants sénégalais. Mais comme l’Europe est aussi actuellement en crise, ils font l’objet de représailles et d’ostracisme, car considérés comme des envahisseurs. L’Europe n’est plus cet Eldorado tant rêvé, et malgré les nombreuses mises en garde lancées aux jeunes, ces derniers n’en ont cure et continuent de braver le danger, l’essentiel pour eux étant de réussir ou périr.

Pris au collet par le chômage et la pauvreté, en quête d’un devenir meilleur, laissés à eux-mêmes, il est impossible de leur faire entendre raison. Ventre affamé n’a point d’oreilles, dit-on. Et la plupart du temps se sont des jeunes marchands ambulants sans formation, sans instruction, poussés par le désir de réussite qui prennent les sens interdits, leur seule finalité étant de sortir de la galère. Un pari périlleux. Ce qui est regrettable dans cette situation, c’est l’incapacité du pouvoir à trouver la bonne formule pour faire revenir l’espoir chez ces jeunes qui représentent l’avenir du pays. Et aujourd’hui, face à ce drame sans fin, il est temps que le gouvernement cesse d’adopter la politique de l’Autruche pour regarder la vérité en face et essayer de trouver les solutions adéquates pour maintenir les jeunes dans leur terroir. Aujourd’hui, les jeunes sont pris entre deux feux : supporter le mal vivre, le chômage, la pauvreté et l’injustice qui sévissent dans leur pays ou aller jouer à la loterie avec leur vie. Pour éviter que ces jeunes ne fuguent, il faut leur proposer une issue de secours pour qu’ils puissent encore croire en eux-mêmes. Et cela est fort possible, à condition de leur offrir des projets motivants et innovants qui ne soient pas que des slogans creux et lénifiants.

El Hassane Sall

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*