Raffinage de notre pétrole par la SAR : un bond en avant qualitatif pour le Sénégal

Partager l'article

Depuis ce vendredi 6 février, la Société Africaine de Raffinage (SAR), fondée en 1961, a franchi une étape historique en raffinant, pour la première fois, du pétrole brut extrait d’un gisement national. Jusqu’à présent, la SAR traitait exclusivement du pétrole importé. Désormais, le brut national sera transformé en produits finis à destination du marché local, marquant ainsi un tournant décisif pour nos stratégies énergétiques, industrielles ainsi que pour notre balance commerciale.

Rappelons que le Nigeria, premier producteur de pétrole d’Afrique, exploite son pétrole depuis 1958. Cependant, il n’a commencé à raffiner de manière significative que très récemment, notamment avec la mise en service de la raffinerie Dangote en octobre 2024. Des décennies durant, ce paradoxe a empêché l’économie du Nigeria de tirer pleinement profit de ses ressources pétrolières, rendant le pays vulnérable aux fluctuations des cours mondiaux et aux crises de devises. En effet, l’absence d’infrastructures de raffinage suffisantes obligeait le pays à exporter son brut, puis à réimporter des produits raffinés à un coût bien plus élevé, ce qui pesait lourdement sur sa balance commerciale, fragilisait sa monnaie et impactait négativement son économie.

Il ne suffit pourtant pas d’avoir contourné cet écueil pour crier victoire. La réussite de cette première étape ne doit pas nous faire perdre de vue les défis qui restent à relever pour pérenniser cet acquis et éviter d’autres déséquilibres structurels dans notre secteur énergétique.

Le Gabon, autre pays producteur de pétrole, a quant à lui lancé son industrie pétrolière en 1961. Sa principale raffinerie, la SOGARA, ne traite qu’une fraction de la production nationale, obligeant le pays à dépendre d’importations coûteuses en devises pour couvrir ses besoins internes. Face à cette réalité, le Gabon a récemment envisagé la construction d’une nouvelle raffinerie d’une capacité de 700 000 tonnes par an, dans l’objectif de réduire sa dépendance aux importations et d’améliorer sa souveraineté énergétique.

C’est en cela que le Sénégal réalise une avancée majeure en mettant en place, dès le début de son exploitation pétrolière, un circuit de raffinage local. Contrairement au Nigeria et au Gabon, qui ont longtemps peiné à valoriser leur production, nous évitons by design ces écueils en ayant mis en place une capacité de raffinage suffisante, adaptée à nos besoins.

S’ouvre alors un boulevard d’opportunités pour notre économie nationale. En réduisant notre dépendance aux importations de carburants et de produits pétroliers raffinés, nous stabilisons, tout au moins, considérablement notre balance commerciale et notre balance des paiements, tout en réduisant nos besoins en devises pour les importations. Cela se traduit non seulement par des revenus supplémentaires pour l’État grâce aux taxes et aux exportations, mais aussi par la création d’emplois directs et indirects, par une dynamique d’investissement favorisant le développement d’une chaîne de valeur locale autour du raffinage et de la distribution des produits pétroliers. Ainsi, le Sénégal entre dans une nouvelle ère où l’exploitation de nos ressources énergétiques contribue directement au développement économique et social du pays.

Cependant, il est essentiel que l’État demeure vigilant pour éviter de reproduire les erreurs observées ailleurs. Après avoir évité le cas nigérian, où l’absence d’infrastructures de raffinage suffisantes a conduit à une dépendance aux importations de produits pétroliers, nous devons veiller à ne pas tomber dans une situation similaire à celle du Gabon. Ce pays, malgré sa production pétrolière, n’a pas su ajuster dynamiquement sa capacité de raffinage à ses besoins énergétiques locaux, le rendant ainsi dépendant des importations pour satisfaire sa demande intérieure. Il est donc crucial de monitorer et d’ajuster en permanence la capacité de la SAR à nos besoins énergétiques nationaux. Cela implique une évaluation continue de la production et de la demande, ainsi qu’une planification stratégique pour anticiper les évolutions du marché énergétique. Nous encourageons les autorités à travailler dans ce sens. Car la capacité de raffinage actuelle de la SAR est de 1,5 million de tonnes alors que nos besoins se chiffrent à environ 3 millions de tonnes par an. Aussi, la SAR envisage de créer un deuxième site de raffinage avec une capacité additionnelle de 4 millions de tonnes annuel, portant ainsi la capacité totale à 5,5 millions de tonnes. Contrairement au syndrome gabonais, cette expansion accompagnée d’un switch de nos centrales du Oil to power vers le Gas to power permettra non seulement de satisfaire la demande nationale, mais aussi d’explorer des opportunités d’exportation vers les marchés régionaux.

De manière similaire, l’intégration de la stratégie “Gas to Power” est tout aussi primordiale. Cette initiative, qui vise à utiliser le gaz naturel domestique pour la production d’électricité, réduira ainsi notre dépendance aux combustibles importés et contribuera à une production énergétique plus propre et plus efficace. En optimisant l’utilisation de nos ressources gazières pour la génération d’électricité, nous pouvons non seulement répondre à la demande énergétique croissante, mais aussi soutenir le développement économique du pays en fournissant une énergie plus abondante, plus régulière et plus compétitive pour les industries locales. Cependant, il est important de noter que le développement de la capacité de conversion du gaz en électricité doit être équilibré avec les plans relatifs aux énergies renouvelables, afin d’assurer une expansion optimale et durable du secteur énergétique.

Ces avancées ne sont cependant qu’un premier jalon sur la route de notre autonomie énergétique. Il est impératif de poursuivre ces efforts afin de garantir une sécurité et une maîtrise totales de nos approvisionnements. La structuration d’un secteur énergétique robuste et souverain nous permettra non seulement d’exporter nos excédents électriques à un prix compétitif vers nos voisins, mais aussi d’accroître la valeur ajoutée nationale en développant des unités de transformation dans des domaines stratégiques tels que la chimie, la pétrochimie et l’agroalimentaire.

En définitive, la gestion proactive et stratégique de nos capacités de raffinage, combinée à une mise en œuvre judicieuse de la stratégie “Gas to Power”, n’est qu’une première étape qui permettra au Sénégal de renforcer sa souveraineté énergétique, d’équilibrer sa balance commerciale et de poser les bases de son industrialisation. Le véritable enjeu consistera à mettre en place des mesures incitatives de nature à favoriser des investissements endogènes fléchés vers des unités de transformation à forte valeur ajoutée, notamment dans les secteurs de la production énergétique, de la chimie, de la pétrochimie, de la pharmacie et de l’agroalimentaire. Notre position géographique, la qualité de nos ressources humaines ainsi que notre sens inné de l’innovation nous ouvrent d’innombrables perspectives qui nous permettront de stimuler notre développement économique au bénéfice de nos concitoyens.

Mohamed LY

Président Think Tank IPODE

Pour le Think Tank IPODE

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*