Qui pour défendre l’école et l’université sénégalaise ? (Par Ousseynou Thiam)

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Paix à l’âme des disparus !
Au Sénégal, l’école et l’université sont dans un tourbillon indescriptible, victimes d’une politisation calculée et nuisible de leur espace en si peu de temps. Sans doute, l’école et l’université ont toujours été des espaces politiques. Mais les derniers évènements constituent des pages sombres où l’on peut lire à la fois un passé politique conscient et progressiste et un présent politique immature et rétrograde.
Les évènements de mai 1968 avec la protestation des étudiants contre la réduction des bourses, la contestation gagnant l’ensemble des établissements scolaires et universitaires, la solidarité avec le monde ouvrier avaient des raisons scolaires et universitaires d’être car l’enjeu était d’améliorer les conditions de vie étudiantes. Il était advenu une revalorisation des bourses des étudiants, une construction d’un campus social et surtout une réforme du système universitaire.
Les évènements du 1 juin 2023 sont de tout autre ordre. Après le verdict d’un procès opposant deux citoyens sénégalais, le leader politique monsieur Ousmane Sonko et la masseuse madame Adji Sarr, l’école et l’université, comme boucliers, sont prises à partie. Politisé à outrance, ce procès, qui génétiquement n’a aucun lien avec l’école et l’université, est malheureusement utilisé comme l’occasion d’une déconstruction physique et symbolique des systèmes pédagogiques et andragogiques.
A la faveur des engagements aux niveaux communautaire, continental et mondial l’État du Sénégal s’est donné les moyens de développer son école et son université pour le bénéficie de la jeunesse. Des efforts considérables et soutenus ont été consentis par le Président Macky Sall depuis plusieurs années. Dans la mise en œuvre du Plan Sénégal Émergent (PSE), du Programme d’Amélioration de la Qualité, de l’Équité et de la Transparence du secteur de l’Éducation et de la Formation (PAQUET-EF), de la Concertation Nationale sur l’Avenir de l’Enseignement Supérieur 2013 (CNAES), du conseil présidentiel avec ses onze décisions, des réformes de l’UEMOA, l’Agenda 2063 de l’Union Africaine, de la Stratégie continentale de l’éducation de 16-25, de la Stratégie 2024 pour la Sciences, la Technologie et l’Innovation pour l’Afrique, du Programme 2030 des Nations-unis, du Cadre d’action pour l’atteinte de l’objectif de développement durable 4 (ODD4), l’État a fait des investissements de grande nature, transformant visiblement et en profondeur le visage de plusieurs structures scolaires et universitaires.
La multiplication des collèges et lycées de proximité, l’implantation démocratique des lycées d’excellence, les classes préparatoires scientifiques, l’élargissement de la carte universitaire, la création et le développement des Instituts Supérieurs d’Enseignement Professionnel (ISEP), l’amélioration des conditions de vie étudiante, le développement des infrastructures, l’acquisition de matériel de laboratoire, l’augmentation des salaires, la construction d’un campus social de standing international à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, l’acquisition de bus, de mini bus ou autres matériels roulants pour les facultés, écoles et instituts, la démarche constructive du Ministère en charge de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ont sorti l’école et l’université du chemin caillouteux pour atteindre l’autoroute de l’accomplissement.
Ces institutions sont précipitamment attaquées et gravement atteintes. Mais à qui profitent ces attaques ? Plusieurs écoles ont été fermées, l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar au centre, l’Université Assane Seck de Zinguinchor au Sud, l’Université Gaston Berger de Saint Louis au Nord… ont été vandalisées. La violence physique de cette attaque a détruit tout sur son passage. Des infrastructures en chantier pillées, des bus universitaires et voitures appartenant à des travailleurs incendiés, des bibliothèques brûlées, des archives calcinées… La violence symbolique a semé la peur faisant quitter les étudiants des campus, les travailleurs invités à rester chez eux, les populations grandement inquiètes de la scolarisation et de la poursuite des études scolaires et universitaires de leurs enfants. Les investissements de l’État, l’abnégation d’une nation, les sacrifices des travailleurs sont réduits en cendre par des jeunes qu’il convient d’appeler « ennemis » de l’école et de l’université, partant, de la société sénégalaise.
L’engagement des forces de défense et de sécurité et des agents de sécurités a fait face au mutisme de certains les intellectuels.
Heureusement et courageusement ! Le Bureau National du Syndicat Autonome de l’enseignement Supérieur (SAES) assumé sa responsabilité devant la nation sénégalaise et devant l’opinion international. Il a sorti un communiqué pour défendre son outil de travail, pour décrier « le saccage tous azimuts des infrastructures pédagogiques », dénonçant « la situation politique nationale délétère ». Monsieur Boubacar Siguiné Sy, Ministre conseiller du Président de la République et Enseignant Chercheur à la Faculté des Sciences et Technologies de l’Éducation et de la Formation a posé justement la question « Faudra-t-il fermer les écoles et les universités du Sénégal » ? Deux rares exemples d’intrépidité et dévouement à l’école et à l’université.
Cette école et cette université ont formé de brillants intellectuels installés au Sénégal et ailleurs, qui n’ont pas le droit de se taire ou de divertir l’opinion pendant que les institutions qui ont permis leur ascension sont fermées ou brûlées. Ne serait-ce que pour le devoir d’Alumni, sans convoquer ce que le savoir représente pour eux, ils doivent défendre ces institutions qui ont participé à leur éducation et/ou formation. Pour l’honneur dû aux deux parrains des deux universités les plus touchées, les Professeurs Cheikh Anta Diop et Assane Seck qui ont participé activement à la construction de l’école et de l’université sénégalaises, nous devons dire, avec fermeté, tout notre mécontentent face à ces actes déconstructifs des institutions scolaires et universitaires dont le récent visage attirait les étudiants du monde entier.
Le monde des ressources humaines de qualité sénégalaises ou étrangères fait la fierté de l’école et de l’université au Sénégal. Par conséquent, nous devons nous offusquer de ces agressions foudroyantes de l’école et de l’université. Gardons toujours à l’esprit qu’être un intellectuel, c’est aussi le résultat de grandes institutions scolaires et universitaires ! Avons-nous le droit de nous taire ou de divertir le peuple ! Non ! Non ! Non !
Ousseynou Thiam
Enseignant-Chercheur
Université Cheikh Anta Diop de Dakar

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