Quelques mots pour notre chère République (Par Habib Léon Ndiaye)

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« Il n’y a rien de si puissant qu’une république où l’on observe les lois non par crainte mais par passion comme le fit Rome. »

Montesquieu 

De sa naissance dans la Rome antique pour mettre fin à la monarchie, la République, dans sa forme actuelle, a connu une marche et une évolution qui l’ont menée dans les différentes parties du globe terrestre de sorte qu’elle a fini par être le système politique le plus répandu.

« Res publica », « chose publique ou affaire publique », telle est la traduction/définition toute simple qu’on lui donne, mais qui n’en revêt pas moins une puissance agissante dans la gestion de la cité et de ses institutions.

Dans la philosophie d’action et la vision qui sont siennes, la République est cette soupape, ce socle du vivre-ensemble. Elle incarne un idéal de solidarité, de justice et d’égalité qui transcende les différences individuelles, communautaires, identitaires, confessionnelles et politiques pour former une communauté unie, une nation soudée visant un destin partagé.

Elle est le moteur de la réussite sociale qui promeut la méritocratie, offrant à chaque citoyen, quel que soit son origine ou son statut, d’aspirer à s’élever par le travail, le talent et la persévérance. 

Au hasard des naissances, elle substitue l’optimisme de l’égalité des chances. 
A l’orphelin, au fils du paysan comme à celui du milliardaire, au train de vie dispendieux, elle offre la possibilité d’accéder à l’éducation, à la santé et aux diverses opportunités, tout en veillant à leur assurer un cadre de vie où règnent la loi, l’équité et la justice sociale.

Je ne suis point naïf, toutefois, car je sais bien qu’en dépit des bonnes règles qui la régissent, elle développe des exceptions qui soumettent à rude épreuve sa bienveillance à l’endroit de ses filles et fils. 

Je pense aux effets ou produits du capital culturel ou encore aux pernicieux mécanismes de la reproduction sociale qui maintiennent, voire accentuent, les inégalités sociales entre plusieurs de ses composantes humaines. 

Mais, que voulez-vous, comme tout système, la République a ses imperfections !

Dans notre cher pays, où nous expérimentons ses bienfaits en essayant de contenir ses effets pervers, je me réjouis de pouvoir vivre sous son toit protecteur.
Avec sa consœur la démocratie, notre cher Sénégal fait d’ « Un Peuple-Un But-Une Foi », tente, bon an mal an, d’éclairer, tel un phare, sa marche résolue vers le progrès et la justice.

Notre République aura pourtant connu tant de soubresauts et de secousses internes qui auront fini de faire douter plus d’un. 
L’opposition Senghor-Dia, mai 68, le conflit Casamançais, le naufrage du Joola, les émeutes de l’électricité de 1998 et 2011, les crises électorales de 88, 93 et celle politique de 2011, la crise sanitaire du Covid-19, les émeutes de 2021 et 2023, sur fond de tensions politico-sociales et la crise politico-institutionnelle de 2024 avec leurs lots de morts. 
Je ne suis pas exhaustif, je le sais. 
Mais, ce n’est qu’une illustration des balafres et autres estafilades que notre chère République a connues des indépendances à nos jours. 

Ces crises et périls polymorphes, sur fond de clivages politiques, de tensions sociales et communautaires, d’instrumentalisation des différences identitaires et culturelles ont, par moments, menacé l’équilibre de notre société, lézardé notre consensus social et fracturé notre cohésion nationale. 

À ces crevasses de notre tissu social, il faut rajouter la déliquescence de notre administration, affaiblie par des dérives telles que la corruption, la concussion, le népotisme, l’inefficacité des services publics, le recul et la constante agression, notamment dans l’espace public, des valeurs civiques et de notre socle axiologique commun.

On ne saurait oublier les fortes incidences de la conjoncture économique et sociale sur la jeunesse dont pleins d’espoirs ont fondu sous le soleil de nos tropiques.

Survint alors, notamment au courant des années 2000, le drame de l’émigration clandestine qui continue d’exposer des milliers de jeunes de notre pays et par- delà de l’Afrique subsaharienne à une aventure incertaine et périlleuse. 
Ces jeunes, souvent poussés par un manque de perspectives et de moyens, désenchantés par des promesses mirobolantes et sans lendemain de nos hommes politiques, choisissent de quitter leur patrie, nous privant ainsi de leur potentiel de développement pour la nation. 

Plutôt que de devenir des artisans du progrés national, ils s’engagent sur des routes parsemées d’embûches, défient la folie rageuse des vagues de l’Atlantique, et Dieu sait que nombreux sont ceux qui n’atteindront jamais les rivages espérés. 
Cette fuite des talents et des vigoureux bras affaiblit non seulement notre société, mais elle ébranle aussi les fondements et la vocation mêmes de la République, qui se montre alors incapable de retenir ses enfants et de leur offrir un avenir digne de leurs aspirations.

Face à ces multiples défis et pour permettre à notre République de se fortifier davantage, il me paraît essentiel, au-delà de réaffirmer, avec force et conviction, notre attachement aux principes et valeurs républicains, de renforcer les institutions qui en sont les gardiennes et les moteurs et de promouvoir une culture du dialogue sincère et du respect mutuel. 

La République ne peut survivre et se solidifier que si elle reste vivante dans le cœur de ses citoyens, si elle continue de porter haut l’étendard de la méritocratie, et si elle parvient à surmonter les divisions pour consolider notre vivre-ensemble. 
C’est en cultivant cette exigence commune de justice, de solidarité et de responsabilité que nous pourrons préserver la République et assurer son rôle de pilier inébranlable de notre société, tout en offrant à nos jeunes l’espoir et les opportunités dont ils ont besoin pour bâtir un avenir meilleur au sein de leur propre pays.

Il faudrait pour y parvenir que nos gouvernants fassent preuve, en toute circonstance, de responsabilité et d’altruisme dans la conduite des affaires publiques, que nos administrations et ceux qui les animent soient le reflet, dans leur posture quotidienne, du projet de société que nous voulons et que nous souhaitons transmettre aux jeunes générations.

Notre pays est à la croisée des chemins, au confluent d’une opinion publique davantage exigeante (et c’est tant mieux) en termes de transparence, de reddition dans la gestion des ressources publiques et de justice distributive et d’une classe politique en recomposition.

Mais, au-delà des gouvernants, nous devons, nous citoyens, acteurs centraux de la vie démocratique et républicaine, faire preuve de responsabilité et de discernement pour ne pas servir de véhicules à la prolifération de discours clivants et haineux, surtout dans ce contexte de développement fulgurant des réseaux sociaux avec leurs lots de fake news. 
Soyons des artisans de paix et de développement pour bâtir la forteresse qui servira de rempart aux multiples assauts contre notre cohésion nationale.

La presse devra nous aider à y parvenir. Pour cela, elle devrait s’affranchir des intérêts politiques ou partisans et s’attacher à informer, éduquer et éclairer les citoyens de manière impartiale et rigoureuse. 
Une presse libre et intègre est le garant de la transparence et de la démocratie, permettant aux citoyens d’avoir des informations fiables afin de prendre des décisions éclairées et de participer activement à la vie publique. 

Elle doit dénoncer les abus, soutenir les réformes nécessaires et encourager un débat public constructif qui favorise l’unité nationale plutôt que les divisions. Sans se soustraire à ses obligations, elle doit aussi bénéficier du soutien de l’Etat pour lui permettre de mener convenablement sa mission de service public.

Je terminerai par les trois pouvoirs qui servent de trépied à la République et assurent sa pérennité. 
Le fléchissement ou la fracture de l’un entraîne forcément le déséquilibre et la fragilité, voire la faillite de cette même République. 

La justice, comme le sang qui irrigue les veines de la République se doit d’être indépendante, impartiale et accessible à tous, garantissant ainsi à chaque citoyen le bénéfice de ses droits et de la protection de la loi. 
Elle est le rempart contre l’arbitraire et les abus de pouvoir et doit œuvrer à rétablir la confiance des citoyens en l’État. 
Rendue au nom du peuple, elle ne devrait point varier comme les saisons de l’année, avec un rythme et une intensité qui découleraient de la rotation et de l’inclinaison de cette institution autour de l’astre politique.

L’exécutif chargé de la définition de la politique nationale et de sa mise en oeuvre a la responsabilité de veiller à ce que les services de l’État répondent aux besoins des citoyens, tout en incarnant l’exemplarité. 
Il doit œuvrer à bâtir une gouvernance transparente, intègre et réactive, avec une doctrine de gestion mettant en avant, plus que tout autre aspect, la performance et la vertu, afin de restaurer la crédibilité des institutions, d’attirer les investisseurs et de fidéliser les partenaires au développement.

Le législatif, enfin, creuset de la représentation nationale et lieu de débat et de construction de la loi, devrait refléter la diversité de la nation tout en s’attachant à œuvrer pour la défense et la promotion des intérêts vitaux de la Nation. 
Les parlementaires ont la responsabilité d’élaborer des lois justes qui répondent aux aspirations des citoyens, qui protègent les droits de tous, qui attirent les investisseurs, renforcent l’attractivité du pays et soutiennent et le développement national dans ses diverses composantes.

Montesquieu disait qu’« une chose n’est pas juste parce qu’elle est loi ; mais elle doit être loi parce qu’elle est juste ».

Vive la République !
Vive le Sénégal !
Habib Léon NDIAYE – Administrateur civil

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