
Il y a, dans le tumulte de l’actualité sénégalaise, des silences que l’on voudrait imposer, et des vérités que certains s’efforcent de maquiller. Depuis quelques jours, une agitation suspecte s’est emparée de certains cercles, remettant en cause le travail rigoureux de l’Inspection générale des finances (IGF) et la certification de la Cour des comptes sur la situation financière de l’État laissée par l’ancien régime. Face à cette tentative de brouiller les faits par le vacarme, il est de notre responsabilité citoyenne de répondre avec calme, mais avec fermeté.
Car ce moment n’est pas anodin. Il n’est pas une séquence parmi d’autres. Il marque une rupture profonde dans notre histoire politique. Une rupture épistémologique, portée par un projet de refondation — celui du Pastef et de ses alliés — qui inverse les rapports établis entre le pouvoir et le peuple, entre les gouvernants et les gouvernés.
Le Sénégal entre dans une ère nouvelle, où le citoyen ne délègue plus aveuglément. Il surveille. Il questionne. Il exige. L’administration n’est plus un pouvoir abstrait, retranché dans ses privilèges. Elle est un outil de service, soumis à une obligation de justification permanente. Cette révolution silencieuse transforme radicalement le rapport entre administrateurs et administrés : le peuple est désormais comptable des comptes publics, au nom de la souveraineté populaire.
Dans cet esprit, l’Inspection générale des finances et la Cour des comptes n’agissent pas seulement en tant qu’organes techniques. Elles deviennent des instruments démocratiques essentiels, garants de la sincérité des actes de gestion, relais d’une exigence citoyenne d’honnêteté et de transparence.
Et ce qu’elles ont révélé est grave : des dettes massives contractées sans autorisation légale, des engagements budgétaires dissimulés, des déséquilibres financiers maquillés. Ce n’est pas une crise comptable. C’est une crise éthique. Une crise de confiance. Un naufrage du respect dû aux contribuables.
Ce que certains cherchent à contester aujourd’hui, c’est le nouveau logiciel politique qui s’installe. Car la reddition des comptes en temps réel n’est plus une option morale ; elle est une norme républicaine non négociable. Le peuple sénégalais, désormais éveillé et organisé, n’acceptera plus jamais d’être tenu à l’écart des chiffres qui le concernent, des budgets qui le représentent, des dettes contractées en son nom.
Face à la gravité des faits relevés — endettement non autorisé, déséquilibres dissimulés, engagements illégaux — l’État ne peut rester silencieux. Il doit affirmer hautement que la gestion publique n’est plus une zone grise protégée par les titres ou les réseaux, mais un champ régi par la loi, la transparence, et la responsabilité.
L’imputabilité doit être assumée à tous les niveaux : ministres, directeurs, ordonnateurs, conseillers techniques… Nul ne doit échapper à l’examen de ses actes. Car il ne s’agit pas de vengeance, mais d’un impératif de vérité historique et de justice durable.
Et la justice, justement, doit passer. Juste, ferme, et exemplaire. Non pour humilier, mais pour rétablir un cap. Non pour punir à l’aveugle, mais pour poser les fondements d’une administration nouvelle, au service du peuple.
Ceux qui contestent aujourd’hui les chiffres n’ignorent pas leur réalité. Ils la redoutent. Ils savent qu’elle signe la fin d’un monde. Mais nul vacarme ne saurait masquer les faits. Nul écran de fumée ne saurait contenir la soif de justice et de rigueur exprimée par les Sénégalais.
Le Sénégal nouveau s’est levé, non pour revendiquer une alternance de façade, mais pour initier une rupture fondamentale : celle d’un État qui rend des comptes, d’un pouvoir qui assume, d’un peuple qui veille.
Et dans ce combat pour une démocratie adulte, les institutions républicaines ne doivent pas plier. Elles doivent éclairer. Elles doivent tenir. Pour aujourd’hui, et pour demain.
Par Abdoulaye Ahmed SEYE
Ancien Inspecteur Général des Finances
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