Prolégomènes sur la sortie du Fcfa vers l’Eco (Par Khaly Moustapha Lèye)

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«Ayons le courage d’avancer, de bâtir un partenariat décomplexé avec nos partenaires. Avec la réforme du Franc Cfa, nous faisons un grand pas pour écrire une page nouvelle de notre relation avec l’Afrique.» Emmanuel Macron.

La forme empruntée est toujours respectable, surtout quand on y met les formes pour arrondir les angles et remettre en cause l’existence du Franc Cfa, qui nous a le plus longtemps soudé aux autres pays qui l’utilisent. Comme ce fut le cas à l’annonce de la mort du Cfa ce 21 décembre, ou mentionné dans le communiqué du gouvernement ghanéen signifiant son adhésion à la monnaie Eco que viennent de mettre à jour les 8 pays de la zone franc-Bceao-Umoa, dans l’espace Uemoa.

Mais ce qui est sûr et certain, le sentiment de rupture reste profondément perçu comme un vrai-faux départ, et de l’Eco, et de la France des instances décisionnaires de la Bceao («elle sera libre de placer ses avoirs dans les actifs de son choix»), surtout que l’on sait ce que voulait dire Cfa (communauté financière d’Afrique), mais qu’on ignore tout de la signification de cette nouvelle monnaie Eco, qui n’est pas encore une référence d’accroche aux éléments vitaux et culturels de la nation Ecowas-Cedeao. Elle-même est loin de pouvoir exister en se constituant entité géopolitique d’États anglophones, lusophones et francophones, sans les fondements culturels, politiques, économiques de cet futur État fédéral de l’ouest africain. Un État multinational qui n’est pas encore à l’ordre du jour, pour comprendre un seul exécutif, une chambre haute du Congrès et une chambre basse des Parlements nationaux et des Sénats régionaux des États membres et pays frontières.

Que faut-il nous reprocher d’autres si ce n’est qu’on ait mal à notre intelligentsia peu efficace, et dans la fuite permanente des cerveaux vers l’occident et l’Afrique du Sud ? Nous voulons quoi ? Une nouvelle monnaie. Nous la pensons comment ? À taux de parité convertible, flottante ou fixe, par rapport à un panier de devises. Nous comptons la produire où ? En France toujours, à l’imprimerie de la Banque de France à Chamalières, dans le Puy-de-Dôme, où les 8 États membres de l’Uemoa avaient l’habitude de confectionner leur monnaie commune, le Franc Cfa et qu’ils sont prêts à abandonner pour l’appellation nouvelle dite Eco, monnaie unique des 15 États de la Cedeao. Selon les experts en monnaie, c’est pour booster l’avancée en profondeur des pays qui traînent le pas dans l’application des critères de convergence établis pour en faciliter son avènement. Ces critères de convergence se résument à observer un solde budgétaire de base rapporté au Pib nominal, pour conserver un déficit public en dessous du seuil de 3% du Produit intérieur brut ; maintenir le taux d’inflation annuel moyen entre 3 et 10% ; et faire valoir un encours de la dette publique totale rapportée au Pib nominal avec une dette inférieure à 70% du Pib. Ce qui suppose d’éponger les arriérés de paiements intérieurs et extérieurs et de surveiller la non-accumulation d’arriérés de paiement supplémentaires en milliards.

Dernière question au chapitre de ces mêmes prolégomènes, sur qui et qui va-t-on pouvoir compter pour garantir cette monnaie ? Les pays partenaires essentiels qui se porteraient garants de la libre convertibilité de la monnaie Eco à taux fixe ou au change sur le marché des principales devises mondiales, dont le dollar, l’euro, la Livre Sterling, le franc suisse, le dollar canadien et le yuan chinois, des monnaies qui commercent avec leurs principaux partenaires économiques en Afrique de l’ouest, et dont leur taux en cours du jour est variable, sauf l’Euro. Car d’après l’Élysée, «si la Bceao fait face à un manque de disponibilités pour couvrir ses engagements en devises, elle pourra se procurer les euros nécessaires auprès de la France». Est-ce suffisante ou même pérenne comme garantie si Paris conserve son rôle de garant financier des 8 pays de l’Uemoa en ayant quitté l’Union monétaire de l’ouest africain (Umoa) ?

Une simple ligne de crédits aux importations ne suffira pas pour assurer la garantie d’une monnaie laissée en chute libre sur les places boursières, chahutée par ses clients usagers et dépréciée au niveau des bureaux de change formels et informels. N’en déplaise à Alassane Dramane Ouattara qui indique qu’«avec le maintien de cette garantie, en attendant l’Eco, nous voulons éviter la spéculation et la fuite des capitaux». Nul ne pouvant être retenu ou coincé dans cette voie-là.

Voilà les vraies questions qui appellent une nécessaire réforme de la Bceao pour la faire appartenant entièrement à la Cedeao avec ses réserves de change intégralement possédées pour pouvoir inciter le Ghana et le Nigeria, la Guinée et la Sierra Leone, la Gambie et le Liberia, le Cap Vert et les populations (350.000.000) de la Cedeao, à adhérer à cette version, nouvelle formule de l’Eco, sous tutelle partielle française au sein de l’euroland. La voulons-nous ainsi notre Cedeao sans le «one man, one woman, one vote», principe de base de l’Ujjama True democracy (communauté de base de démocratie) ? La ministre des Finances du Nigeria Zainab Shamsuna Ahmed, dont le pays, avec 70% du Pib dans la Cedeao, est un poids lourd économique régional et continental, avec sa propre monnaie, le Naïra, a estimé que la mise en œuvre de l’éco en 2020 n’était «pas certaine», jugeant qu’il restait «encore du travail à faire pour répondre aux critères de convergence». C’est à croire que ce changement ne vise qu’à désamorcer les critiques qui font de la France le principal acteur du diktat décisionnel sur les questions monétaires via ses représentants, dans les instances de décision.

Nous devons penser autrement notre devenir monétaire dans un monde atypique où nul n’est certain de ses accords passés avec l’autre partie, ni des lendemains incertains que l’autre partie nous réserve intentionnellement et de façon volontariste ; comme Alassane Dramane Ouattara et Emmanuel Macron l’ont préfiguré, pour contenter le Géant Nigérian, qui exigeait qu’une monnaie commune ouest-africaine soit déconnectée du Trésor français. Sont-ce là les prolégomènes de la rupture d’échelle par un nouvel accord passé entre l’Union économique ouest-africaine (Uemoa) et la France pour une profonde réforme du franc Cfa ? Wait and see.

Monsieur LEYE Khaly Moustapha (Ras Staf)

Consultant correcteur de presse à quotidien Tribune (Groupe Dmedia),

Coordonnateur Mouvement Farafina Dambé pour la Renaissance africaine au 21ème siècle

+221.77.850.66.12 ; cradif.bgom@hotmail.com, mfdafdaoras21@gmail.com,

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