Coordonnateur du Programme des domaines agricoles communautaires (Prodac) depuis bientôt six mois, Djimo Souaré fait le point dans cet entretien accordé au « Soleil ». Il estime que le Prodac est « sur la bonne voie », citant l’opérationnalisation des Dac de Sefa et de Keur Momar Sarr et la réalisation à 80% de ceux de Keur Samba Kane, Sangalkam et d’Itato. Concernant l’affaire « des 29 milliards FCfa », qui défraie actuellement la chronique avec le procès Ousmane Sonko-Mame Mbaye Niang, il dit n’avoir pas « eu connaissance de l’existence d’un rapport » faisant état de malversations.
Le Prodac fait l’actualité avec l’affaire des 29 milliards de FCfa opposant le ministre Mame Mbaye Niang à l’homme politique Ousmane Sonko.
Quel commentaire en faites-vous ?
Nous n’avons pas de commentaire particulier à faire sur cette affaire. En ce qui concerne le Prodac, depuis ma prise de fonction, je n’ai pas connaissance d’un rapport faisant état de malversations. Par rapport à la gestion des anciens coordonnateurs, nous faisons confiance à la Justice dans la mesure où un procès a lieu. Et nous pensons que le droit sera dit au bout du processus. Maintenant, nous restons solidaires avec l’ancien coordonnateur.
Est-ce à dire que le rapport n’existe pas ?
Personnellement, je n’ai pas connaissance, aujourd’hui, en tant que coordonnateur du Prodac, de l’existence d’un tel rapport.
Qu’en est-il des Domaines agricoles mis en service ?
Tout se passe bien, nous avons réceptionné deux domaines agricoles communautaires à Sefa, dans la région de Sédhiou, et à Keur Momar Sarr, dans la région de Louga. Ces deux premiers Dac ont été inaugurés en 2015 et en 2021 par le Chef de l’État. Il y a trois autres Dac à Keur Samba Kane, à Sangalkam et à Itato qui sont achevés à 80%. Ce sont les Dac de la première génération. Pour ceux de la deuxième génération, financés par la Banque islamique de développement, d’un montant de 59 milliards de FCfa, ce sont des Dac plus améliorés qui ont dépassé aujourd’hui la phase d’étude de toutes les procédures administratives, les passations de marchés… Nous sommes réellement dans la phase de réalisation. Les entreprises qui ont gagné les marchés ont reçu, il y a trois semaines, les ordres de services de démarrage. Et les travaux vont bientôt être lancés.
À l’heure où le Sénégal affirme son ambition d’une souveraineté alimentaire, quelle peut être la contribution du Prodac ?
Ce sera une grande contribution si toutes les infrastructures vont à terme. D’abord, de par son maillage du territoire car le Prodac est un programme extrêmement intéressant. Ce sont des milliers d’hectares de terres aménagées, la disponibilité de l’eau, d’infrastructures de dernière génération. Le Prodac est un projet unique, à l’image des pays ancrés dans l’agriculture moderne avec des productions intenses. Nous avons prévu un partenariat avec le ministère de l’Agriculture, de l’Équipement rural et de la Souveraineté alimentaire pour lancer une vaste campagne hivernale. L’objectif est de produire des milliers de tonnes de produits alimentaires. Chaque année, le Sénégal importe plus de 400 000 tonnes de maïs. Cette année, dans le cadre de cette campagne hivernale, nous avons prévu de produire du maïs en grande quantité dans les Dac existants et futurs. Ainsi, nous pourrons réduire les importations.
Quels sont les objectifs en termes de production ?
Dans le cadre de cette campagne hivernale, nous avons prévu la production de 3 600 tonnes de maïs.
Qu’en sera-t-il de la transformation des produits cultivés pour plus de valeur ajoutée ?
Le Prodac évolue sur toute la chaîne de valeurs de l’agriculture, de la production à la transformation en passant par la distribution. Nous avons des centres d’incubation qui permettent de former des jeunes sur toute la chaîne de valeur économique et agricole. Nous avons aussi des partenariats avec d’autres structures de l’État car les programmes doivent être complémentaires.
C’est le cas avec l’Anida, la Der, le Fongip, etc.
Le Prodac fête ses dix ans d’existence. Quel bilan tirez-vous de ce programme ?
Un programme, c’est un processus, une dynamique. Il est prévu au Sénégal la création de douze Dac. Actuellement, neuf ont reçu des financements. Il s’agit notamment des Dac de la première génération, exécutés avec Locafrique. Il y a également les Dac de la deuxième génération en partenariat avec la Banque islamique de développement. Il y a aussi trois autres projets de Dac à Matam, à Noto Diobass et récemment, le Chef de l’État a instruit pour la réalisation d’un domaine agricole communautaire à Tambacounda. Pour ces trois Dac, nous sommes à la recherche de financement avec l’aide de notre ministère de tutelle. À ce niveau-là, le Prodac va jouer un rôle important dans l’accès à l’emploi des jeunes, surtout en milieu rural et pour la souveraineté alimentaire.
Quid de la création d’emplois ?
Des milliers de jeunes sont formés dans les domaines agricoles communautaires de Sefa et de Keur Momar Sarr. Dans le Dac de Sefa, nous avons envoyé, la semaine dernière, une équipe de jeunes en incubation.
Au bout d’une année de stage d’incubation, ils seront assez bien formés pour être déployés au niveau des unités autonomes d’exploitation ou accompagnés dans le cadre de projets individuels dans leurs localités d’origine. C’est le même cas de figure aussi à Keur Momar Sarr.
Quelles innovations comptez-vous apporter dans la gestion des Dac ?
Nous sommes dans une phase de consolidation des acquis dans les domaines agricoles communautaires, en partant de l’existant. Il y a des terres qui ont été aménagées, l’eau est également disponible et l’expertise est présente. Notre objectif, c’est de poursuivre la mission que nous a assignée le Président de la République et de terminer déjà les Dac qui ne sont pas encore achevés. Nous allons démarrer les domaines agricoles communautaires de la deuxième génération et rechercher des financements pour ceux de la troisième génération. Pour ce qui est des Dac de la première génération, avec notre budget et les bailleurs, nous allons réaliser le maximum d’unités autonomes d’exploitation parce que c’est grâce à elles que nous pourrons créer des emplois.
En plus des Dac, on parle de création de domaines agricoles familiaux. Quelle sera la complémentarité entre ces deux projets ?
C’est l’essence même du projet. Le cœur de métier du Prodac, c’est l’incubation, la formation et l’accompagnement de futurs entrepreneurs. Les jeunes qui sont incubés dans les domaines agricoles communautaires peuvent, après, être déployés dans les unités autonomes d’exploitation. Ils peuvent aussi se regrouper sous forme de groupement d’intérêt agricoles (Gia) ou retourner dans leurs localités d’origine pour développer des exploitations familiales, en complément avec ce que font des structures comme l’Anida ou le Secrétariat à la souveraineté alimentaire.
Certains Dac n’ont pas donné les rendements escomptés. Comment comptez-vous y remédier et lancer la machine à plein régime ?
Nous avons des défis à surmonter. Un programme, c’est une dynamique, un processus.
Et à ce niveau, le Prodac est sur la bonne voie. Nous allons travailler à pallier les quelques problèmes que nous rencontrons.
Nous comptons d’abord sur nos compétences et l’accompagnement de l’État qui, je l’espère, nous dotera de moyens supplémentaires pour maximiser le rendement des Dac existants, parce que je pense que si nous avons des Dac complets avec des unités d’exploitation, nous allons participer à la lutte contre le chômage au Sénégal.
Le Prodac adresse trois questions fondamentales qui sont l’équité territoriale, le chômage et la sécurité alimentaire. Investir des milliards dans différentes zones permet de créer un écosystème pour beaucoup d’entreprises travaillant dans le domaine de l’agriculture. Pour une approche participative de communication fluide et de transparence, nous allons travailler à mobiliser tout le personnel du Prodac autour de l’objectif qui nous est assigné, notamment la création rapide de 2 000 entreprises agricoles avec 30 000 emplois décents et des centaines de jeunes incubés. D’ici la fin de cette année, nous voulons, avec la campagne hivernale, créer au moins 16 000 emplois temporaires.
Avec la mise en place des unités autonomes d’exploitation prévues dans le plan d’investissement de cette année, il est prévu également la création de 2 500 emplois.
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