Pourquoi une jeunesse se révolte contre un pouvoir politique ?

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La réponse à cette question est très simple et ne nécessite pas une formation académique ou universitaire. La jeunesse se dresse contre l’Etat si et seulement si les conditions suivantes sont réunies: une mauvaise gouvernance caractérisée par l’injustice et la politisation de l’administration et des institutions, la corruption à grande échelle, un chômage massif et une faim chronique dans les familles.
C’est aussi lorsque l’inquiétude et la peur s’installent dans les quartiers populaires à cause du coût élevé de la vie et un manque d’espoir. Dès qu’elle prenne conscience qu’une minorité est en train de pilier les ressources du pays par une gestion familiale, frauduleuse et politicienne ; la résistance s’organise pour déclencher un processus révolutionnaire afin de changer l’ordre établi.

La jeunesse n’aime pas que l’Etat soit « une organisation de la violence destinée à mater une certaine classe » c’est-à-dire ses propres citoyens. Les jeunes veulent être écoutés, considérés et associés aux politiques publiques. Ils réclament plus de liberté, plus de transparence, plus de justice sociale.

L’Etat a tout intérêt d’être en phase avec les aspirations de cette population jeune et de comprendre aussi que la marche de l’histoire est pointillée de luttes pour des transformations révolutionnaires. Les Etats doivent autoriser au nom de la démocratie participative la liberté de manifester et de s’exprimer librement sur la vie politique. Ne pas avoir peur de la foule, il faut lire les écrits de Léon Trotski pour savoir que la foule n’est pas un danger qui crée l’insurrection.

« L’insurrection est une machine, il faut des techniciens pour la mettre en mouvement et seuls des techniciens peuvent l’arrêter. L’insurrection ne se fait pas avec les masses populaires, mais avec un poignet d’hommes prêts à tout, exercés à frapper rapidement, durement les centres vitaux de l’organisation technique de l’Etat. »

Le journaliste écrivain italien Curzio Malaparte l’a bien analysé dansson livre « la technique du coup d’Etat ». Philosophe, ethnologue, anthropologue, sociologue et écrivain, ce brillant Professeur à la Sorbonne qui a dirigé « les cahiers internationaux de sociologie Georges Balandier » disait en avril 1966 dans le Monde diplomatique :

« Les coups d’Etat militaires s’expliquent par le désir des jeunes de changer la situation. »
La revendication juvénile est universelle mais très régulière en Afrique. La jeunesse africaine est déterminée à stopper l’exploitation de l’or, coltan, bauxite, gaz, méthane, pétrole, bois, diamant dont détient le continent par les sociétés étrangères et tracer une voie originale de son développement.
Cette posture est tout à fait légitime sachant que « la révolution est la locomotive de l’histoire » comme disait Marx.

Il faut bien comprendre que la révolte des jeunes est loin d’être politique, elle est citoyenne, économiquement liée à une conquête de souveraineté adossée à une bonne gouvernance. C’est un sentiment d’affirmation relatif à leur âge. C’est surtout le chômage et le manque de travail décent qui favorisent les conditions des révoltes. Les jeunes veulent du travail pour garder leur dignité et fonder une famille.

Déjà en 2015, le rapport de la Banque Mondiale « Toward solutions for youth employment » indiquait clairement ce qui suit : « La croissance mondiale des prochaines décennies dépendra de la jeunesse actuelle. Combattre la crise chronique de l’emploi des jeunes exige des efforts globaux et une action déterminée. » Tout le monde a intérêt à éviter l’effondrement des institutions de la république et des principes démocratiques universels. Pour cela il faut un débat national sur la jeunesse, comment la faire participer à la conception des politiques publiques pour une appropriation collective.

Les Etats doivent écouter attentivement leur jeunesse pour comprendre leurs attentes. L’Etat n’est pas la propriété d’une personne, il est une puissance publique. La jeunesse n’aime pas les violations manifestes de la constitution et se dresse souvent violemment et légitiment contre toute forme d’injustice. Je termine cette modeste contribution sur les causes de la révolte des jeunes en citant le journaliste et écrivain naturaliste Emile Zola dans sa lettre à la jeunesse en 1897 suite à l’affaire du capitaine Dreyfus :

« O jeunesse, jeunesse ! Je t’en supplie, songe à la grande besogne qui t’attend. Tu es l’ouvrière future, tu vas jeter les assises de ce siècle prochain, qui, nous en avons la foi profonde, résoudra les problèmes de vérité et d’équité posés par le siècle finissant. »

Alpha Youm Spécialiste de Gestion publique
et Président de l’APC/Sénégal

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