De ce côté de l’Atlantique la presse, avec ses excès, continue d’abriter et d’arbitrer le débat à distance entre les deux candidats à la Présidence en attendant la face à face Trump-Harris du 10 septembre. De l’autre côté de l’Atlantique, notre Premier Ministre, toujours dans ses excès, continue sa guerre perdue d’avance contre la presse. En lançant sa section d’assaut d’avocats sur notre confrère Madiambal Diagne, notre Premier Ministre confirme deux évidences : sa fragilité et sa peur mais aussi et surtout le caractère nazi de Pastef car les nazis aussi avaient une section d’assaut du Droit. Contrairement à ce que veut nous faire croire le pool d’avocats, le Premier Ministre n’est pas indiffèrent aux remarques, il a peur. Quand je compare le projet nazi à celui projet Pastef, les fédayins et autres nervis intellectuels de Sonko poussent des cris d’orfraie. Naturellement, la finalité des deux projets est différente mais les méthodes et les trajectoires sont les mêmes. Le projet nazi : populisme, tentative de coup d’Etat raté, prison pour Hitler (9 mois), libération anticipée pour des raisons politiques, élections, pouvoir. Le projet Pastef : populisme, insurrection ratée, prison pour Sonko (9 mois), libération politique (amnistie), élections, pouvoir.
Quand Hitler est sorti de prison, pour détruire la démocratie, il lui a fallu supprimer la presse et domestiquer la magistrature transformée en section d’assaut du Droit au profit du projet nazi. Après sa prise du pouvoir, Hitler a fait taire la presse par la terreur physique et la violence de la Gestapo. Aujourd’hui au Sénégal, le Projet Pastef a substitué la section d’assaut du Droit à la violence physique largement utilisée pour terroriser la presse comme lors des émeutes de 2021. L’Etat Pastef dont parle Alioune Tine, si on n’y prend garde sera une résurgence de l’Etat nazi qui était un Etat-Parti grâce à la section d’assaut du Droit à l’origine de la loi du 02 janvier 1937 qui disait « Le fonctionnaire est l’exécutant des volontés de l’Etat incarnation du parti national socialiste ». Cette loi avait nazifié légalement l’Etat allemand. La notion d’Etat de Droit née de la volonté des juristes allemands de soumettre l’Etat de Bismarck au Droit venait de disparaitre avec cette loi qui a été l’œuvre d’éminents juristes qui avaient sacrifié le Droit à l’autel de l’idéologie. Depuis le 02 avril, nous assistons à la Pastefisation de notre Etat dans tous les secteurs avec, comme le dit si bien Badara Gadiaga, des « magistrats du Projet », des « journalistes du Projet » et bientôt des ambassadeurs du Projet…
Le Projet nazi était fondamentalement et essentiellement manichéen. Le Projet de Pastef l’est aussi et l’exil des magistrats qui avaient rendu des jugements défavorables à Sonko dans l’opposition le prouve. Un Dernier rappel : quand Hitler arrive au pouvoir, il n’est que le numéro 2 car il est nommé chancelier par le Président Hindenburg le 30 janvier 1933. On connait la suite. Il finira par se faire voter légalement les pleins pouvoirs détruisant ainsi l’Etat de Droit au profit d’un Etat purement légal. L’histoire montre que l’ascension de Hitler n’était pas une fatalité. Celle de Monsieur Sonko l’est encore moins parce que pour continuer son ascension, il lui faut gagner la guerre contre la presse. Ce qui est impossible. Donc la presse qui a été le tremplin de Sonko est aujourd’hui le dernier rempart de notre démocratie. Hitler avait gagné sa guerre contre la presse parce qu’à l’époque la presse se résumait à la presse écrite, à la radio et à la télé qui était encore balbutiante. C’était facile de la bâillonner. Aujourd’hui le monde a changé avec Internet et les réseaux sociaux. La censure est non seulement anachronique mais impossible. C’est une erreur pour les Sénégalais de penser que le combat de la presse doit être seulement celui des journalistes. C’est un combat de tout le monde car la liberté de presse conditionne toutes les autres libertés. Et la liberté et sa pluralité de la presse sont un des piliers de l’exception sénégalaise. Vouloir détruire cette exception sénégalaise est une preuve supplémentaire d’une volonté manifeste de la négation du Sénégal et de ses valeurs.
Chaque fois que je viens aux Etats Unis, je plonge dans les écrits d’un des pères fondateurs de la grande République américaine qui s’est positionnée comme une nouvelle Jérusalem ( City upon the Hill) et une nouvelle Rome. Pour ces vacances, la compagnie de Benjamin Franklin (dommage que cet esprit supérieur ne soit pas devenu Président) a intellectuellement très enrichissante. Ce grand esprit dont l’image orne le billet de cent dollars dit « Nul ne prêche mieux que la fourmi et elle ne parle pas ». Notre Premier Ministre qui se comporte comme la Cigale des Fables de Jean de la Fontaine devrait s’en inspirer. L’autre fourmi parmi les pères fondateurs est Alexander Hamilton qui a posé les fondements de la puissance économique américaine pour avoir compris très tôt la centralité de l’économie et la nécessité d’une administration neutre et permanente qui transcende les alternances politiques. Ce qu’ignore le duo Diomaye Sonko qui veut pastefiser notre administration.
Le Sénégal n’a ni un problème politique, ni institutionnel encore moins un problème administratif mais un problème économique. Malheureusement toutes les décisions prises par Diomaye-Sonko depuis le 02 avril qui visent à satisfaire le ressentiment, l’esprit de revanche de l’aile radicale de Pastef ont déstructuré notre économie. En 1992, un certain Bill Clinton, gouverneur de l’Arkansas est sorti du néant pour battre Georges Bush auréolé de gloire d’avoir gagné la guerre froide, d’avoir libéré le Koweït, géré la dislocation de l’URSS et réussi la réunification de l’Allemagne. « It is the economy stupid » avait dit Clinton. Les américains l’ont élu parce que convaincu qu’effectivement l’essentiel est dans l’économie. Au Sénégal aussi, l’essentiel est dans l’économie qui est traitée comme une question accessoire ignorant cette sagesse de Franklin qui veut que « quand vous achetez superflu, vous vendrez bientôt le nécessaire ». Le duo Diomaye-Sonko achète le superflu de la tension permanente pour alimenter l’industrie du ressentiment de la base radicale. Bientôt ils devront acheter à prix fort des solutions pour avoir négligé la question essentielle de la demande sociale. Nous avons besoin d’un Premier Ministre qui prêche comme la fourmi et non qui chante comme la cigale. La fourmi prêche par l’exemplarité et notre Premier Ministre par ses excès dans l’opposition et au Pouvoir est loin d’être exemplaire. Quand on a demandé aux jeunes de prendre d’assaut le palais pour transformer notre Président en Samuel Doe, insulté les magistrats, menacé les Généraux, accusé nommément le Président du Conseil Constitutionnel de corrompu, il est difficile de prêcher le civisme et le respect des valeurs de la République. Pour l’exemple et pour une fois, on n’attend encore qu’il sorte le rapport sur le Prodac dont il a dit détenir un exemplaire sur son bureau. C’est parce qu’il ne l’avait pas présenté qu’il avait été condamné pour diffamation.
Le populisme, comme les révolutions française et américaine, est devenu transatlantique. Le populisme est une menace pour la République car il cherche à détruire ou à contourner le système représentatif d’où les subterfuges de Sonko pour ne pas se présenter à l’Assemblée Nationale. Ce populisme, devenu transatlantique, a le visage de Sonko au Sénégal en croisade contre la presse, Trump aux USA, stigmatisant le mainstream media et Nigel Farage en Grande Bretagne. Ce populisme triangulaire est soluble dans les instituions de ces trois grandes et vielles démocraties car les populistes s’ils peuvent conquérir le pouvoir ont rarement un projet de gouvernance. Cela a donné le projet nakhembaye au Sénégal et les regrets des britanniques après le Brexit car les Farage et compagnie n’avaient pas de projet le jour d’après Brexit alors qu’aux Etats Unis, Trump réduit le projet à sa personne qui a mobilisé « plus de personnes que Martin Luther King » lors de l’assaut contre le Capitole. Naturellement, c’est du Fake mais c’est de bonne guerre pour mobiliser sa base qui croit encore que l’élection de 2020 a été volée à Trump. Le populisme est une forme de maladie de la vieillesse de certaines grandes démocraties qui dégénèrent dans ce nihilisme politique. Si les Britanniques ont suivi des aventuriers comme Farage dans le Brexit, les américains, qui ont le plus nombre de nobels, ont élu Trump, les Sénégalais ne doivent pas culpabiliser d’avoir élu Pastef. L’intermède insurrectionnel a été fermé par les forces de l’ordre qui ont démontré, ce vendredi à Ouakam que le maintien de l’ordre n’a pas de couleur politique d’où le nécessité encore une fois de ne pas introduire le populisme dans les casernes. L’intermède insurrectionnel de Pastef étant fermé, il reste maintenant à fermer l’intermède Pastef démocratique lors des législatives en imposant une cohabitation au Président Faye qui comme le Président Hoover aura suscité l’espoir avant l’échec dans un mandat unique.
Dr Yoro Dia, Politologue, ancien Ministre
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