« De l’éducation de son peuple dépend le destin d’un pays ». Je cite Benjamin Disraeli. C’est donc aux artisans de l’avenir du Sénégal que tu t’es amusé à insulter et à jeter à la vindicte populaire, à charcuter devant une opinion déjà friande de la chaire d’enseignant. Tu as usé d’un clavier sur lequel sont inscrites des lettres alphabétiques et alphanumériques que des enseignants t’ont pourtant appris à lire et appuyer dessus.
En résumé, tu as lancé une fatwa « au travail » à des personnes que tu qualifies de « paresseux ». Il n’y aurait pas une contradiction là ? Tu as bien rappelé que 500.000 élèves (sur les plus de trois millions) candidats doivent retourner en classe le 02 juin. Et tu juges que « la Fédération nationale des parents d’élèves est d’accord pour cette réouverture des classes à la date indiquée » mais que les élèves et enseignants qui s’y opposent.
Visiblement ! Des joueurs qui mouillent le maillot et les Président des supporters d’un club de football, qui est le mieux placé pour apprécier la qualité de la pelouse ? Les footballeurs ou le Président des fans ? Tu déplore que les enseignants « demandent de tenir compte de l’hivernage et de ses effets sur les abris provisoires des écoles de brousse ». Tu voulais qu’ils fassent dans l’irresponsabilité comme toi en ne tenant pas compte de ces aspects ?
Tu tranches que « les enseignants font tout pour ne pas reprendre le travail », exigeant « attendre que le coronavirus ne tue plus dans notre pays pour qu’enfin ils consentent à faire pourquoi ils sont payés ! ». Tu as poussé ton illogique raisonnement jusqu’à t’interroger sur le pourquoi ils n’attendent pas la fin du paludisme avant de reprendre leur travail. Que de préjugés et d’approximations !
Faisons quand même le lien ! Quelle maladie a provoqué, dans le monde, « la suspension des activités économiques et professionnelles, notamment commerciales », la fermeture des frontières de presque tous les pays du monde, la suspension de vols commerciaux, le confinement des milliards de citoyens du monde et autres ? Si le paludisme en fait partie, merci de nous dire quand et dans quels pays.
« Les enseignants, ou le bataillon de la peur ! », as-tu menti. Tu as évalué que « dans la fonction publique de ce pays […], les enseignants constituent le plus gros bataillon suivi par celui des forces armées puis les personnels de santé ». Tu voulais plus de FDS que d’enseignants au Sénégal ? S’il devait avoir plus de personnels soignant que d’enseignants, ce serait à l’honneur des mêmes enseignants qui les ont formés.
« Eh bien, ces deux derniers bataillons sont sur le front ! Hélas, en ces temps de guerre contre la pandémie, nos enseignants, eux, ont déserté le front ». Quel préjugé ! Tu n’as pas pu démontrer que dans la monde, le Sénégal est le seul pays où les « enseignants ont déserté les écoles ». Tu n’as pas informé qu’au Sénégal, les écoles ont été fermées à la demande des enseignants et non une mesure prise par le gouvernement.
Qui est l’enseignant sénégalais ? Prenons mon seul exemple. En 2004, j’ai opté partager l’amour de la langue anglaise, comme d’autres me l’ont transmis. Par dévotion et par vocation. « Parmi les meilleurs d’entre vous, il y a ceux qui apprennent et transmettent le savoir », nous a appris Mouhammad (saws). Je savais qu’un proverbe anglais disait que :”One must learn before one can teach” (il faut apprendre un savoir avant de l’enseigner) ».
J’ai bravé le concours de l’Ecole Normale, devenue Fastef, où j’ai été reçu. Après formation, j’ai été envoyé à Ziguinchor. Deux des règles de base me sont restées en mémoire: la Ponctualité et l’Assiduité. Dans l’administration sénégalaise, l’enseignant est le seul ou l’un des rares à « ouvrir une porte de l’école » avant l’heure » et « ferme une prison », si l’on en croît à l’écrivain français Victor Hugo.
De la Générosité des enseignants
En décembre 2005, après deux mois de service, je me suis confié à mon Principal pour me prodiguer des conseils. Parce que des élèves demandaient des pièces d’argent à leurs professeurs, moi y compris, pour acheter de quoi grignoter. Dans mes cours de psychopédagogie, j’avais retenu qu’il fallait beaucoup se méfier des enfants, notamment les jeunes filles. Je voulais éviter trop de relations avec elles donc.
Le principal, après m’avoir écouté, me dit : « M. Ba, je vous remercie de la confidence. Vous avez fait preuve de responsabilité. Je vous encourage à donner quelque chose à ses enfants si vous pouvez le faire. Parmi ceux et celles qui vous demandent, il y’en a qui n’ont pas pris un diner de quantité. S’il est de quantité, il n’est pas de qualité. Pour le petit déjeuner, n’en parlons pas. Donc, donnez dans un total désintérêt ».
Je compris que mon champ d’actions ne se limiterait donc pas à dispenser des cours et disparaître de l’espace scolaire. Il fallait assister ces enfants. Je ne peux pas évaluer, en huit ans dans les classes, combien de stylos, de crayons, de cahiers et autres fournitures j’ai payé et donné à mes élèves. Je suis convaincu que la moitié de l’effectif global des enseignants du Sénégal ont agi comme moi. Je vais te dire pourquoi.
L’enseignant transmet un savoir, un message à des êtres fragiles et surtout divertis. Il a donc besoin de « l’attention » de l’apprenant pour transmettre le savoir. L’élève qui demande un stylo à son camarade et l’élève à qui ce service a été demandé sont tous divertis à ces moments. L’enseignant « donne » pour « disposer » de l’attention de ses élèves. Sinon, « ces moments » d’inattention grignotent son emploi du temps.
L’enseignant, substitut des parents biologiques de ses élèves
En 2008, une de mes élèves s’est absentée pendant deux cours successifs. Quand j’ai interrogé son frère (que j’avais en classe de 4ème), il m’a informé qu’elle était alitée. Il m’a passé le numéro de téléphone de la maison. J’ai appelé pour m’enquérir de son état et souhaiter un prompt rétablissement. Son papa et sa maman étaient si contents qu’ils se sont déplacés pour venir me remercier du geste. Pour moi, c’était ordinaire.
Quand un élève se sent mal en classe, l’enseignant est le premier secours. Soit en le mettant à la disposition de l’administration pour référencement ou l’amener lui-même à l’hôpital. J’en ai bénéficié au primaire, en classe de CM2. Merci à M. Coly. Un de mes cousins en a bénéficié au primaire. Son institutrice l’a amené au centre de santé, elle a payé l’ordonnance et l’a porté au dos jusqu’à la maison. Environ 2 km de parcours à pieds.
En 2011, une de mes élèves est tombée en classe et a momentanément perdu connaissance. On l’a amené à l’infirmerie de l’école. J’apprendrai qu’elle indisposait. Elle était chétive. Elle souffrait donc d’une anémie passagère. Je l’ai porté sur ma moto pour la ramener chez elle. Au rond-point Kande Baneto, elle m’a indiqué la maison. Il y’avait une boutique à côté. Je l’ai acheté 2 canettes de Vimto pour qu’elle puisse reprendre ses forces.
J’ignore le nombre d’enseignants qui le font par année. Le nombre d’enseignants qui transportent leurs élèves à bord de leurs motos ou vélos vers une structure de santé parce le temps presse et que toute seconde perdue est un risque pour l’enfant. Les enseignants le font pour éviter d’accumuler les absences. Parce que « chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne […] », selon Victor Hugo.
L’enseignant, agent économique
L’enseignant, dans son perpétuel déplacement, utilise du carburant pour sa moto ou son véhicule (ils sont rares à en disposer malgré qu’ils le méritent). Pour chaque litre d’essence ou de gazole payé, il y a au moins 10 ou 15 F qui vont dans les caisses de l’état. Multiplie par le nombre d’enseignants (du préscolaire au Supérieur) et fais-toi une idée sur la participation des enseignants dans le budget du Sénégal.
« Contestataires et grévistes en diable, ils multiplient les chichis de vieille dame pour ne pas avoir à retourner en classe ! », tu as honteusement affirmé !
Mamadou Oumar Ndiaye. Tu imagines le nombre élevé d’enseignants qui attendent d’avancer dans la fonction publique sénégalaise ? Tu sais combien de dossiers d’enseignants sont perdus entre des Ministères? Tu as une idée du nombre d’enseignants qui attendent qu’on leur paie des rappels d’intégration ou d’avancement ? Voici des sujets de reportages qui auraient pu t’intéresser et t’inciter à les traiter avec rigueur et objectivité.
Les enseignants paient des impôts. Combien tu verses en un an ? Ce serait trop gentil de ta part. Tu préfères plutôt déverser ta puante bave contre tes maîtres qui t’ont fabriqué depuis l’âge où tu avais encore besoin de te faire accompagner pour te soulager et t’aider à relever ta culotte. Ne serait-ce que pour avoir su pondre de telles bêtises sur eux à travers une plume, ils méritent une petite reconnaissance. Non, ce serait trop Saint de ta part.
Pervers intellectuel que tu es ! Ton rôle aurait été de consolider la santé mentale de ces guerriers sans fusils ni trompettes. Et non les agresser psychologiquement. Ce qu’ils attendent de toi, c’est un minimum de gratitude. A défaut, un atome de respect pour eux. Mouhammad (saws) nous apprend que « celui qui ne peut remercier son bienfaiteur ne saurait rendre grâce à Dieu. Celui qui ne rend pas grâce à Dieu a une foi amputée ».
Il faut aller au Cesti par exemple et exploiter les résultats des concours des 10 dernières années et ressortir, pour le concours professionnel, combien de reçus ne sont pas enseignants. Fais de même pour l’ENA pour te faire une idée sur ceux que tu juges paresseux. Toi le vaillant, tu pouvais prouver ton dynamisme en enquêtant auprès des syndicats d’enseignants et répertorier le nombre d’enseignants qui meurent d’attaques psychologiques par an.
Tu aurais pu enquêter et alerter sur le nombre d’enseignants qui sont au bord de la déprime, tenaillés qu’ils sont entre la préjudiciable lenteur administrative qui plombe leur carrière et la violence financière que les banques n’infligent impunément pas qu’aux enseignants. Il y’en a tellement des sujets de reportages, d’enquêtes sur la vie et le parcours élogieux, ponctué de peines innommables, de ces citoyens modèles.
En lieu et place, tu as préféré vouloir te soulager sur ce brave corps. Quel mauvais score! La Rancœur semble être ton seul sort. Tu t’es rabaissé à un niveau de pissoir d’un porc. Vois-tu? L’impudeur sort par tous tes pores. Tu as honteusement transmis le flambeau de l’ingratitude à la jeune génération de journalistes. Tu leur as dit qu’ils peuvent prendre le relais et insulter ceux qui leur ont appris à écrire et lire. Sublime imbécilité!
Par ton incorrection, les enseignants vont prier pour les journalistes desquels tu reçois des copies pour correction. Ils ne te méritent pas. […] Les enseignants ne sont pas à insulter. Ils sont à féliciter. Mieux, ils sont à consulter, à défaut d’être vénérés. […] Mais ça, c’est pour les gens dotés d’un « morceau pur » dans la poitrine et non d’un « caillou corrompu » par un excès d’amnésie. Avis d’un « Témoin » reconnaissant !
Mamadou Lamine BA
Soyez le premier à commenter