3. Les morts vous donnent la clé de vos vies : les raisons d’une électrocution de masse
Je sais que comme moi dans ma tombe, vous gens de Ndoumbélane sur terre, devez avoir vraiment honte d’être gouvernés par une pareille souillure. Il paraît qu’il ne fait bon de vivre ces temps-ci à Ndoumbélane. Vos soupirs et vos complaintes perturbent le sommeil des morts : la coupable, c’est la vie chère, la chute vertigineuse du pouvoir d’achat des travailleurs. Tout le monde est donc fatigué de courir derrière la déesse Fortune qui, semble-t-il, se plait à jouer au cache-cache avec vous. Il paraît que vous vous battez contre la hausse du prix de l’électricité : c’est déjà bien, mais j’ai peur que vous ne fassiez fausse route. La question de droit que vous devriez vous poser est : comment expliquer que la compagnie d’électricité de Ndoumbélane soit subitement passée de gratte-ciel à château de cartes ? La première revendication d’un peuple robuste et résolu devrait être la démission du ministre de tutelle. Et ce, d’autant plus qu’il ne doit son ascension qu’au mensonge sur la santé juvénile qu’il aurait miraculeusement redonnée à cette compagnie. De deux choses l’une : soit ce ancien directeur avait raison, mais qu’il a oublié que les fluctuations du marché et les charges de la compagnie ne sont pas maîtrisées, soit il a menti de façon ingénieuse.
Dans le premier cas, il doit être vite démis de ses fonctions pour incompétence manifeste, car c’est quoi un gouvernant qui ne sait pas faire dans la planification et la prospective ? Et c’est ce type qui a en charge votre or noir ? Vous devez certainement être des damnés ou des sujets d’un roi tyran atteint d’une cécité intellectuelle et morale incurable. Ce type qui ne savait pas que ses promesses exaltées de baisse de l’électricité étaient suspendues aux aléas structurels de la compagnie dont il avait la charge ne mérite même pas de conduire une harde de porcs. Votre État vous vampirise vous payer le coût de ses débauches : s’il doit des milliards à la compagnie, c’est qu’il a menti sur sa politique énergétique.
Dans le second cas, il a tout simplement commis un parjure et mérite par conséquent des poursuites judiciaires en plus de sa démission immédiate. Vous devez vous mobilisez pour chasser hors de Ndoumbélane ces conduites bougainvillieristes : coupez les bougainvilliers avant qu’ils ne vous colonisent la vie ! Il faut vous battre, vous sacrifiez, pour que le mensonge ne soit plus un tremplin pour gravir des échelons à Ndoumbélane. Le faux est l’ennemi secret de la paix et du progrès : une société où le faux gouverne est vouée à la décadence et à la mort certaine. Rebiffez-vous !
Ces gens s’inspirent des vieilles pratiques dégueulasses par lesquelles mon parti a gouverné ce pays. Ecoutez attentivement mon histoire et vous comprendrez le mode opérateur de ses apprentis du diable. J’étais directeur de société avant d’être ministre et devinez comment je me suis assuré une ascension fulgurante au sommet de l’État de Ndoumbélane ! J’étais un peintre, un virtuose de la peinture politique. Pire que les peintres dont Platon voulait se débarrasser dans son utopie de cité idéale, je suis l’initiateur de la politique de la peinture qui permis à mon parti de remporter beaucoup de joutes électorales.
Je suis allé un jour voir le chef et je lui ai exposé le tableau fidèle de la situation désastreuse de Ndoumbélane et de la gravité de la colère qui ne cessait de gronder surtout dans les grandes villes. Et puis, comme un magicien, j’ai sorti de mon chapeau de sortilèges la stratégie de la peinture : quand le réel est profondément abimé et qu’on ne peut pas le refaire, il faut se contenter de le peindre. C’est ce que nous avons appliqué ! Pour redonner de l’espoir aux villes, on a déposé un peu partout des tonnes de gravas, de la latérite, du ciment,… pour faire croire que nous étions en train d’exécuter un plan de construction de routes urbaines. Dans les villages, j’ai demandé que partout où il y avait à peine vingt maisons qu’il soit implanté un robinet (sans aucun raccordement !) avec la promesse que le branchement au forage du village-centre était imminent. Dans d’autres localités, nous avons défriché des terres pour prétendument construire des collèges, des centres de santé et des écoles. N’insultez surtout pas Machiavel, ce génie patriote qui aimait tellement sa patrie qu’il lui a préférée son âme. Ce que nous avons mis en œuvre comme méthode de gouvernance et qui est en train d’être perpétué, c’est du cynisme, pas du machiavélisme.
Une fois la campagne passée, c’est nuitamment que le ciment et certains produits ont été enlevés, laissant les terres défrichées et les robinets à la critique ravageuse de la corrosion. Les morts ne mentent pas : allez dans certains villages du centre et de du nord, faites une petite enquête, on vous montrera les vestiges de mes sortilèges maléfiques. Pour un homme politique sans grandeur, mentir est une forme de grandeur, car il permet de réussir, c’est-à-dire d’accéder au pouvoir. Les grands hommes font du pouvoir un moyen tandis que les petits esprits qui rêvent de grandeur en font la fin suprême.
Le prix de votre électricité va flamber et ne croyez pas que c’est la fin du supplice pour vous. Pourquoi ont-ils attendu le mois de décembre pour augmenter le prix de l’électricité selon vous ? Vous croyez vraiment qu’ils l’ont fait de manière ingénue ? Que non ! À cause du froid, vous ne sentirez presque pas la hausse et dans le ménages de Ndoumbélane où la crédulité est une pandémie mortelle (l’opinion est tellement frivole et flexible chez vous !) on supputera sur l’insignifiance de la hausse. Tout le monde fera le dos rond et laissera couler la ciguë espérant échapper au supplice ; ce en quoi tout le monde se trompe, car elle vous brulera le corps entier. De façon insensible, la hausse sera effective sans peser sur les ménages, mais dès les premiers jours d’été vous verrez l’enfer de l’impécuniosité s’abattre sur vous. (À suivre)
Transmis par le casse-pieds de Ndoumbélane
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