Motion de censure : La réponse salée du Premier ministre, Amadou Ba, à la coalition Yewwi askan wi

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Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,

Mesdames, Messieurs les honorables Députés,

Le 12 décembre 2022, je me suis présenté devant cette auguste assemblée pour exposer à la Nation, à travers ses honorables représentants que vous êtes, la déclaration de politique gouvernementale.

Ce rituel républicain que j’ai eu le privilège d’accomplir devant vous m’a permis de vous partager, avec humilité et respect, l’état d’esprit qui anime l’action de ce Gouvernement d’action et de combat pour la satisfaction des besoins de nos compatriotes à travers trois orientations primordiales qui font de notre gouvernement :

  1. un gouvernement de consolidation, en résonance avec les réalisations majeures déjà enregistrées ;
  • un gouvernement en synergie avec les populations, à l’écoute de leurs besoins ;
  • Un gouvernement résolument engagé, qui trace un sillon vers l’émergence.

Aujourd’hui, je reviens avec le même état d’esprit, en compagnie de l’ensemble des membres du Gouvernement, pour sacrifier à un autre rituel démocratique, celui prévu à l’article 86 de notre Constitution qui encadre la motion de censure spontanée introduite par les honorables députés du Groupe parlementaire Yewwi Askan Wi.

Cette motion de censure appelle de ma part quelques observations préjudicielles.

Cette motion de censure a été qualifiée par ses honorables auteurs de (je cite) « motion de défiance à l’égard du Premier Ministre qui n’a pas voulu se soumettre à un vote de confiance des députés » (fin de citation).

Cette qualification inadéquate se fonde d’emblée sur la volonté de transformer en obligation ce que l’article 55 de notre Constitution considère comme une faculté laissée à l’appréciation du Premier

Ministre : (je cite) « Après sa nomination, le Premier Ministre fait sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale. Cette déclaration est suivie d’un débat qui PEUT, à la demande du

Premier Ministre, donner lieu à un vote de confiance (fin de citation). Cette prérogative qui consiste pour le Premier Ministre à provoquer le vote de confiance est différente de la motion de censure qui nous réunit aujourd’hui.

Le fait pour eux d’écrire : (je cite) « Refuser de poser la question de confiance à la suite de sa déclaration de politique générale signifie que le premier Ministre a décidé de bloquer la démocratie par une attitude de défiance à la légitimité du suffrage universel » (fin de citation) constitue, pour ceux qui maitrisent les rouages de la communication, une véritable distorsion du langage. 

Les rédacteurs de ce texte ont transformé une faculté en obligation, ce qui révèle leur niveau de compréhension de l’article 55 de la Constitution, mais au-delà, ils procèdent à une lecture de pensée en ce qu’ils expriment eux, ce que le Premier Ministre a décidé de faire, interprétation qui est bien évidemment totalement erronée. 

Les honorables auteurs de cette « motion de défiance » (comme ils l’appellent eux-mêmes) auraient pu se passer d’établir un lien inexistant entre ces deux dispositions et se satisfaire de celles de l’article 86 qui leur confère un fondement autonome et suffisant. 

La lecture de l’exposé des motifs traduit une rédaction hâtive, au contenu déconnecté de la déclaration de politique générale. Cette motion paraît avoir été rédigée avant ladite déclaration et rattachée artificiellement non à son contenu, mais à leur attente déçue.

L’analyse de ce que ses auteurs qualifient de « motion de défiance » révèle en effet des distorsions et des projections fondées sur des biais cognitifs. Les rédacteurs pratiquent, dans un style trop direct, la pensée sélective en filtrant les informations qui sont en contradiction avec leurs croyances et en ne gardant que les informations qui vont dans le même sens. 

Mieux, par l’autocomplaisance, ils s’attribuent la capacité de restaurer, par leur motion de défiance, « l’intégrité de la fonction parlementaire » en attribuant leurs insuffisances à des facteurs extérieurs. 

Il n’est inconnu d’aucun de nos concitoyens que vous, rédacteurs de cette motion, et vos partisans, avez pris l’engagement de rendre le pays ingouvernable. Vous projetez sur le Premier Ministre les intentions qui sont les vôtres, vous cherchez (comme vous dites vous-mêmes) à bloquer la démocratie par une attitude de défiance à la légitimité du suffrage universel ». Ce suffrage universel par lequel le Président de la République Macky Sall a été élu et qui lui confère le droit constitutionnel de nommer un Premier Ministre pour mettre en œuvre la politique qu’il a définie.

Tous nos compatriotes savent que nous ne sommes pas en cohabitation structurellement impossible dans notre régime politique qui n’est pas un régime parlementaire, mais plutôt un régime dont la clef de voûte est le Président de la République élu du peuple dans son indivisibilité.

L’exercice du pouvoir est très sérieux pour être traité avec autant de légèreté et une quête permanente de coup d’éclat. Lorsque les critiques cessent d’être positives et constructives pour devenir systématiques et automatiques, elles perdent de leur crédibilité et de leur légitimité. 

Votre auguste assemblée, à travers une forte majorité a adopté le budget que notre

Gouvernement lui avait soumis, il y a moins d’une semaine. Cette adoption du budget, à une majorité aussi confortable, constitue en soi, une marque de confiance à l’égard de notre Gouvernement. 

Aussi est-il curieux qu’une motion de censure soit déposée, avant même que ce même budget ne connaisse un début d’exécution, à moins qu’il ne s’agisse d’une volonté de vouloir jeter le discrédit sur nos institutions. Notre pays ne mérite vraiment pas cela.

Venons-en, à présent, au fond ou pour ce qui en tient lieu.

Contrairement à vos allégations, le Gouvernement dont j’ai, par la confiance du Président Macky Sall, l’honneur et la responsabilité de coordonner l’action, est au service exclusif de nos concitoyens.

Vous, comme nous, savez que les Sénégalaises et Sénégalais veulent la rupture :

  • la rupture avec cette manière de faire la politique, fondée sur le blocage systématique des institutions, ce qui rend les populations peu fières ; 
  • la rupture pour aller vers une démocratie apaisée dans laquelle les politiciens ont de la hauteur, et traitent avec respect et bienveillance leurs collègues, les institutions, leurs concitoyens et les pays partenaires du Sénégal ; 
  • la rupture en mettant l’intérêt supérieur du Sénégal au-delà de toute considération partisane, avec intelligence, organisation et méthode et non en cultivant la haine et l’adversité, la colère et les calomnies, les invectives et les médisances, les subversions et les transgressions ;
  • la rupture en consolidant l’État de droit avec une justice qui protège les plus faibles, garantit sans complaisance la sécurité et l’intégrité du territoire ;
  • la rupture pour construire avec conscience et bienveillance une nation prospère et en paix.

La rupture ne signifie pas la cécité volontaire pour refuser de voir des résultats tangibles et patents, des résultats qui profitent à nos compatriotes en matière de santé, de bien-être, de mobilité, de formation, de sécurité et de respect de leur dignité.

La rupture ne signifie pas non plus le fait de se mettre des œillères pour rejeter ou disqualifier tout ce que vous n’avez pas réalisé, parce que vous n’avez pas encore l’opportunité d’avoir des réalisations à votre actif. 

Le peuple attend de nous tous une attitude plus patriotique, plus républicaine, plus démocratique, une attitude plus intelligente.

Le peuple vous observe, nous observe mais vous préférez peut-être rester sourds à ses alertes incessantes face aux nouvelles pratiques que vous avez introduites dans le champ politique et dans lesquelles le peuple ne se retrouve point. 

Libérez le peuple, Yewwi lène askan-wi, de la désinformation, de la manipulation et de l’arrogance comme mode de communication politicienne. 

Libérez le peuple, Yewwi lène askan-wi, de la violence verbale, morale et physique comme moyen de pression politique. 

Libérez le peuple, Yewwi lène askan-wi, de l’impertinence, de l’intempérance et de la communication nébuleuse.

Libérez le peuple, Yewwi lène askan-wi, du discours de haine et de xénophobie à l’endroit des pays frères et amis partenaires du Sénégal qui contribuent à notre effort de développement.

Vous pouvez ne pas être d’accord avec notre politique parce que peut-être vous pensez pouvoir en faire autant ou mieux. Vous en avez le droit certes mais ce n’est pas une raison pour renoncer à l’appréciation lucide et clairvoyante. Peut-être qu’un jour, vous élaborerez et mettrez en œuvre votre politique pour le bien de notre cher pays.  

En levant le filtre sur vos observations, vous constaterez que les préoccupations des populations sont largement prises en compte par notre gouvernement, en matière de lutte contre la faim et la pauvreté, d’amélioration de la performance de l’Administration, de gouvernance transparente, d’éducation et de formation, de santé et de bienêtre, de satisfaction des préoccupations des Sénégalais de l’extérieur, de gestion concertée de nos ressources naturelles.

En définitive, il s’agit bien d’un gouvernement à l’écoute des besoins des populations et résolument engagé vers l’émergence.

Honorables députés, 

L’exposé des motifs de la « motion de défiance » qui est soumise est plus un discours de campagne électorale réchauffé. 

La relecture de la déclaration de politique générale vous permettra en effet de vous apercevoir du décalage qui existe entre votre texte et la réalité du discours qui vous a été proposé.

Comme je l’ai dit lundi dernier, (je cite) « la configuration actuelle de l’Assemblée nationale nous lance un énorme défi de conscience, de responsabilité et nous invite à cultiver l’art du dialogue contradictoire. Autant que cela sera nécessaire, les lois et décisions d’importance cruciale seront prises à ce que je pourrais appeler “la majorité responsable et consciente”. Je pense à cette majorité qui a la capacité de s’élever pour transcender les clivages crypto personnels, les divergences partisanes, l’adversité gratuite et les intérêts éphémères, pour mettre au-dessus de toute considération en vue de le faire triompher, l’intérêt supérieur du Sénégal » (fin de citation).

Vous êtes interpellés dans votre conscience pour laisser le Gouvernement continuer son travail sous votre contrôle vigilant et l’évaluer sur la base de ses promesses, comme vous y invite la Constitution.

Notre pays est à la croisée des chemins. Le temps est celui de l’engagement et de l’action intelligente au regard des enjeux économiques, environnementaux, socioculturels qui défient tous les États du monde. Le peuple attend de nous plus de clairvoyance et de responsabilité pour consacrer notre temps à faire œuvre utile pour le bien de l’ensemble des populations.

Nous devons démontrer, encore une fois, que nous sommes un grand peuple ; que nous sommes capables de mobiliser nos énergies, de rassembler nos forces pour servir les intérêts de notre cher pays. Quelles que soient nos opinions et nos divergences politiques, nous devons pouvoir nous rassembler autour de l’essentiel. Il nous faut marcher ensemble, la main dans la main, pour maintenir et consolider la cohésion sociale de notre cher pays et redonner à la jeunesse sénégalaise espoir et confiance en son avenir.

J’en appelle à la conscience et à l’engagement responsable des honorables représentants du peuple pour rejeter purement et simplement cette motion de défiance inopportune. Ce serait la meilleure façon de confirmer la confiance que le peuple avait déjà manifestée à l’endroit de la déclaration de politique gouvernementale.

Je vous remercie, honorables députés de notre mouvance pour votre engagement constant et votre soutien indéfectible. Je remercie également les députés de l’opposition républicaine qui ne voteront pas cette motion de censure. 

Dans cet hémicycle, il y a des députés, qui, bien qu’étant de l’opposition, sont des démocrates conscients et responsables ; qui critiquent objectivement les actes du Gouvernement, mais qui contribuent à la construction de notre cher pays ; des députés qui savent mettre l’intérêt supérieur de la nation au-dessus de l’intérêt partisan.

Aucun de nous n’est là pour lui-même, tout ce que nous faisons aujourd’hui sera fait par d’autres demain, nous sommes ici pour les Sénégalais, et pour eux, nous devons nous élever dans notre intérêt commun.

Je vous remercie pour l’opportunité et l’honneur que vous nous offrez au passage, pour dialoguer à nouveau avec nos compatriotes et leur renouveler notre engagement à les servir sous la haute autorité du Président de la République Macky Sall.

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