Dans un entretien accordé au journal L’Evidence quotidien, Mamadou Dieng, Président du parti politique Ëlëg sibiir/Arc en ciel, le président Macky Sall doit comprendre que son pouvoir est fini. Cet économiste financier est également revenu sur la situation économique difficile.
Quels enseignements tirez-vous des dernières élections législatives
Ce sont les élections les plus compliquées de l’histoire politique du Sénégal. En effet c’est la première fois qu’on organise des élections et que par des tours de passe-passe, plusieurs principaux leaders politiques sont écartés. C’est la première fois aussi que les titulaires de la liste des Députés de l’opposition sont invalidés et remplacés par leurs suppléants. Or par ce vote compliqué, on a donc voulu piéger les sénégalais mais le Peuple a fait preuve d’une grande maturité et a fait un vote que l’histoire retiendra.
Comme membre de l’opposition, êtes-vous satisfait malgré tous des résultats obtenus ?
L’opposition devait gagner ces élections parce que le Peuple a adhéré comme jamais auparavant et malgré la machine de corruption et de débauchage déployée. Dans mon bureau de vote du centre Abdoulaye Yakhine à Thiès par exemple, l’opposition n’avait même pas de représentant et pourtant nous avons gagné largement. C’était une affaire du Peuple donc il faut que les nouveaux Députés élus arrêtent de bomber le torse et de jouer aux narcissistes. Ils risquent de tout faire capoter s’ils persistent dans des querelles de prééminence de chapelle. Qu’ils évitent les querelles inutiles sur la Présidence de l’Assemblée nationale, Macky Sall et ses alliés ne leur laisseront jamais ça !
Vous étiez un haut fonctionnaire de l’Assemblée nationale, quelle analyse faites-vous des difficultés de la majorité à composer le nouveau Bureau ?
Là aussi il y a un fait d’histoire car c’est la première fois dans l’histoire politique du Sénégal que les Députés de la majorité se réunissent à huis clos pendant tout un week- end dans un hôtel, pour faire les réglages de Bureau. Ils ont voulu « acheter » un Député de l’opposition pour conforter une majorité fragile mais la sortie des jeunesses socialistes a jeté du sable dans le cous cous et ils ont bien raison. Cela pose encore l’éternel problème de la transhumance politique au Sénégal ! On a vu les cas les plus incroyables avec parfois des arguments risibles de risque de blocages de salaires des fonctionnaires alors que tout le monde sait que le budget est voté pour 12 mois. Les jeunes ne nous croient plus, c’est pourquoi ils votent d’ailleurs pour d’illustres inconnus qu’ils croient plus combatifs, plus dignes de confiance et ça peut être une porte ouverte à toutes les aventures, tous les périls.
Quelles explications donnez-vous aux contre-performances de la « coalition Benno Bokk Yakaar » ?
Non ce n’est pas « Benno » qui est en cause, c’est le Président Macky Sall lui-même. C’est son échec personnel qui découlent des mauvaises politiques appliquées avec continuité et persévérances depuis qu’il est arrivé au pouvoir, les règlements de compte…. Les jeunes n’ont pas d’emplois, le cout de la vie est intenable, les systèmes de santé qui font que les hôpitaux sont actuellement des mouroirs pendant qu’eux et leur coterie, se font soigner à l’étrangers. Le pays est actuellement dans un désarroi total et ce n’est pas les revenus de substitution comme les bourses de sécurité familiale ou les 80 000 francs orange money qu’il distribue qui va régler le problème. Le mal est plus profond.
Ne pensez-vous pas qu’il faudra alors envisager un gouvernement ouvert à l’opposition parlementaire ?
Cela peut être une solution parce que le pays est actuellement très abimé ! Quand les cimenteries arrêtent leurs machines, que la Sonacos est en quasi faillite et que la « Poste » risque de déposer bilan parce que le Directeur sortant a mis tout l’argent dans la politique, c’est qu’il y’a de gros soucis économiques. Mais la question qui se posera c’est sur la base de quel programme et sur quelle durée envisage-t-on ce gouvernement ? Il faut que Macky Sall croie en Dieu et comprenne que c’est fini, the game is over ! Nous sommes dans une phase transitoire aussi bien pour l’Assemblée nationale que pour le gouvernement. Tout ce qu’on peut lui souhaiter c’est une sortie honorable et qu’il n’écoute pas ses laudateurs qui le conduisent dans le précipice. Nous en avons assez des politiques de renoncement qui font que les dirigeants n’ont plus l’ambition du rang. Tous les pays sont passé devant nous sur les questions économiques et de sécurité, d’éducation…. D’environnement.
Que pensez-vous des multiples candidats déjà déclarées dans les rangs de l’opposition et quelles perspectives voyez-vous pour le pays
Il faut une candidature plurielle. Je pense même qu’il y a un consensus à « Yéwi askanwi ». C’est la meilleure manière à mon avis d’amener Macky Sall au second tour le cas échéant et de le battre. Le Sénégal dispose actuellement d’une nouvelle génération de leaders aimée par les populations et qui semble avoir de l’ambition pour ce magnifique pays. Vivement 2 024 pour qu’on tourne la page rapidement. Car le pays est actuellement gouverné par des clans et des lobbies. C’est la rançon quand le pouvoir dure entre des mains peu expertes. Des groupes de griots, des politiciens sans aucune base et des cercles maraboutiques « doorkatt » ont pris le pays en otage. C’est aussi l’ère des Chefs d’entreprises qui n’exercent plus aucune activité économique et qui ont transformé les syndicats patronaux en cabinet de courtage d’affaires. On ne peut pas développer ce pays avec ça.
Sheikh Mamadou Dieng
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