C’est dans un contexte politique très tendu marqué un processus électoral contesté, des candidats inéligibles sauf amnistie, des arrestations tous azimuts, des procès d’opposants et d’activistes à n’en plus finir, une troisième candidature incertaine mais à polémiques…que le chef de l’État Macky Sall a tendu la main aux forces vives de la Nation pour un dialogue.
Si au départ cette invite du président de la République annoncée dans son discours à la Nation du 03 avril et réitéré après la prière de l’Aïd El Fitr puis l’après-midi même à travers une émission de radio n’a pas eu tout de suite de réponse favorable, force est de constater que les choses commencent à prendre une autre tournure depuis.
C’est d’abord le PDS qui a donné le ton en disant dans un communiqué qu’il est prêt à aller répondre à l’appel du chef de l’État non sans définir les points sur lesquels il souhaiterait discuter avec lui. La formation politique de l’ancien maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, pourrait emboîter le pas à l’ancien parti au pouvoir.
En effet, selon des responsables de Taxawu Dakar, la décision de prendre part au dialogue fera l’objet d’une large consultation depuis la base et ce n’est qu’à l’issue de ce processus qu’une position définitive sera donnée. Mais déjà, les « khalifistes » de localités comme Tambacounda et Pikine se sont exprimés en faveur de la participation de leur leader siéger à ces assises. C
omme Karim Wade, Khalifa Sall est pour le moment inéligible à la présidentielle de 2024. Ces deux acteurs de la scène politique et pas des moindres ont été condamnés à des peines privatives de droits électoraux. Dès lors, leur sort est entre les mains du chef de l’État seul détenteur du pouvoir de les réhabiliter par une amnistie ou une révision du code électoral en ses articles L29 et L30 d’où leur intérêt à aller répondre à l’appel du président Sall.
Toute la question est dès lors de savoir si Karim et Khalifa pourraient avoir gain de cause à l’issue de ce dialogue avec l’assurance de pouvoir prendre part à la prochaine élection présidentielle. Sur cette question, il y a lieu d’être optimiste si on s’en tient à la déclaration du président de la République dès sa réélection en 2019. S’exprimant au cours d’un Conseil des ministres, ils’est dit favorable à la réhabilitation des candidats sous le coup d’une condamnation judiciaire.
D’ailleurs, selon le Pr Ismaïla Madior Fall, ministre de la Justice, ce dossier dont il était en charge a été finalisé et remis au chef de l’État. La seconde raison qui nous conforte dans notre optimisme est le rapprochement qui se manifeste de plus en plus entre le PDS et la mouvance présidentielle à travers des actes posés par les partisans de Karim Wade.
Il s’agit du boycott de la plateforme anti-3ème mandat M24, du vote de l’exclusion de Mme Aminata Touré de l’Assemblée nationale et le refus de voter la motion de censure de Yewwi Askan Wi (Yaw) après la déclaration de politique générale du Premier ministre Amadou Ba.
Des positions qui font soupçonner un « deal » entre les deux partis libéraux que sont le Pds et Rewmi. Enfin, le Dialogue procèderait d’une stratégie visant à éviter une alliance entre Ousmane Sonko et Khalifa Sall au cas où ce dernier serait recalé. C’est dans ce sens que le président Macky Sall a tout intérêt à diviser les deux plus importantes composantes de Yaw qui n’excluent pas d’unir leurs forces en 2024 si les circonstances l’exigent.
Les risques de fragiliser l’opposition…
Dès l’appel du dialogue du président de la République, la réplique de la coalition de l’opposition la plus radicale, à savoir Yaw, ne s’est pas fait attendre. Elle a posé des préalables à sa participation dont l’engagement du président Macky Sall à ne pas être candidat à la présidentielle de 2024 et la libération de tous les détenus politiques.
Toutefois il ne faut pas être surpris de voir des formations de cette entité se démarquer de cette position officielle de la grande coalition de l’opposition. En effet, au-delà de ces deux conditions, il y a des points non moins importants qui devraient être discutés au coirs de ce conclave. Il s’agit entre autres du parrainage, de l’audit du fichier électoral, de la prolongation de la période de révision des listes électorales, de la nomination d’une personnalité neutre pour superviser l’organisation de la présidentielle etc.
A moins de dix mois de la tenue de cette importante élection, l’opposition a une belle occasion de régler définitivement ces questions qui lui tiennent à coeur. Au cas où elle parviendrait à obtenir gain de cause sur l’ensemble de ces doléances, elle sortirait vainqueur du Dialogue.
D’abord, en convainquant l’opinion de sa démarche républicaine et aussi du fait qu’elle respecte la plus grande institution de notre pays. Last but not least, elle aura réussi à obtenir des garanties pour des élections libres et transparentes. Toutefois, s’il y a des chances pour l’opposition de décrocher des acquis, dont les moindres ne seront pas l’amnistie des deux « K », des craintes existent quant à la possibilité d’un aboutissement heureux à cette main tendue. Le principal blocage peut être constitué par l’épineuse question de la candidature du président Sall. Si elle est défendue par la majorité présidentielle, l’opposition pourrait mettre sur l’autre plateau de la balance l’exigence de la participation d’Ousmane Sonko à cette échéance.
En attendant que les prochains jours nous édifient sur l’issue de cet épisode du bras de fer entre Macky Sall et Ousmane Sonko, vu par certains comme le duel le plus féroce de l’histoire politique du Sénégal, il y a lieu de se poser des questions. L’appel au dialogue du chef de l’État est-il motivé par une volonté sincère d’aboutir à des conclusions consensuelles et sincères pour apaiser le climat politique ? Ne cache-t-il pas une manœuvre visant à diviser l’opposition pour mieux déroulersa stratégie pour faire passersa troisième candidature ? Fin du suspense puisque Ousmane Sonko, le principal opposant au régime en place, a fait savoir hier qu’il ne prendra pas part à ce dialogue.
Le Témoin
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