Le président Macky Sall est déterminé à redessiner la carte administrative de la région de Dakar. Pour cause, il va procéder en mode Fast-track à un redécoupage de certaines circonscriptions de la région. Les autorités administratives et politiques des localités concernées par ce découpage auraient reçu des notes d’informations ad hoc alors que les conseillers municipaux des localités concernées en procédure d’urgence, à partir de ce jour, vendredi 07 mai. Le département de Rufisque va ainsi donc être profondément remodelé sur le plan administratif et foncier, avec le projet de redécoupage de la région de Dakar. De nouveaux arrondissements seront créés et les territoires des communes de Diamniadio, Yenne, Sangalkam, Bambilor, Tivaouane Peul-Niague et Jaxaay Niacoulrab réaménagés. A quelques encablures des élections locales, la mesure prête à confusion. Raison suffisante pour certains acteurs d’opposer déjà un niet catégorique à la réforme, au même titre que le maire socialiste Barthélémy Dias qui parle lui d’ «agression contre la région de Dakar».
RUFISQUE Les Conseils municipaux convoqués en procédure d’urgence, ce jour
Une nouvelle carte administrative se dessine dans la région de Dakar, et principalement, dans le département de Rufisque, avec un projet de découpage dans le circuit.
Deux nouveaux arrondissements et des réaménagements dans les territoires des communes, tels sont les contours de cette nouvelle carte, objet de la lettre adressée par le sous-préfet de l’arrondissement de Bambilor aux maires concernés pour avis consultatif de leurs différents Conseils municipaux, conformément aux dispositions du Code général des collectivités territoriales.
« Conformément aux dispositions du Code général de collectivités territoriales notamment en ses articles 145, 146, je vous demande de procéder à la convocation du Conseil municipal, en procédure d’urgence, à la date du vendredi 7 mai 2021 à 15 heures », soutient le sous-préfet. Cette rencontre permettra de recueillir l’avis du Conseil sur cette question, conformément aux articles 23, 76, 77 et 78 du Code général des collectivités territoriales qui disposent qu’en cas de suppression, de fusion, de scission, de rattachement d’une partie d’une collectivité territoriale à une autre, l’avis du Conseil des collectivités territoriales est obligatoirement requis. Ainsi, le procès-verbal de consultation doit être reporté au plus tard le lundi 10 mai 2021 », lit-on dans le document suscité. Avec ce projet, le département de Rufisque va se retrouver avec deux nouveaux arrondissements, ceux de Sangalkam et de Diamniadio.
A propos de Diamniadio, l’érection de l’arrondissement vient, d’après le projet, « désengorger l’arrondissement de Bambilor qui couvre la superficie la plus grande la région de Dakar, avec 285 km2 ». Le nouvel arrondissement va polariser les communes de Diamniadio, Sébikhotane et Yenne. La création de ces deux arrondissements va entraîner des changements dans les limites des territoires des communes du département. Ainsi, la commune de Diamniadio va s’aggrandir vers Yenne, en s’adjoignant la localité de Ndoukhoura Peulh. Dans l’ex 4C, la commune de Bambilor va voir son territoire rétrécir, avec la perte des 05 villages de Kounoune, Kounoune Ngalap, Keur Daouda Sarr, keur Ndiaye Lô, Cité Mbaba Guissé, Cité Dabakh, Cité Nouvel Horizon, en plus d’une partie de Ndiakhjirate et la cité Doudou Basse ainsi beaucoup d’autres nouvellement construites dans cette zone.
Ces pertes de territoires vont profiter à la commune de Sangalkam, qui s’agrandit avec ces acquisitions de terres. En effet, toutes ces localités sont désormais rattachées à la commune de Sangalkam dirigée par Oumar Guèye, le ministre des Collectivités territoriales du Développement et de l’Aménagement des Territoires, par ailleurs porte-parole du gouvernement.
Ainsi, la commune de Bambilor va se retrouver avec 14 villages au lieu des 19 qu’elle avait. En réalité, ces villages qui lui sont retirés, étaient séparés d’elle par la commune de Sangalkam. Ce qui était considéré comme une incongruité et une incohérence territoriale par les habitants de ces cités et villages, qui réclamaient leur communalisation. La commune de Jaxaay, Parcelles, Niakoulrab va être aussi affectée par cette redistribution territoriale. En effet, la localité de Niakoulrab qu’elle abritait, va lui être retirée pour être rattachée à la commune de Tivaouane Peul-Niague. La commune et le reste de son territoire se trouvent dans le futur département de Keur Massar.
Avec ce projet du côté de Diamaniadio, on semble applaudir et on parle d’une correction d’une injustice administrative qui les rattachait à l’arrondissement de Diamniadio, alors que Sendou et Sébikhotane dépendaient directement de la préfecture de Rufisque.
De même, ce projet règle en même temps un contentieux avec la commune sœur de Yenne, à qui elle disputait la localité de Ndoukhoura Peul. De l’autre côté vers Bambilor, c’est tout à fait le contraire, avec le collectif des 05 villages de Kounoune, Kounoune Ngalap, Keur Daouda Sarr, keur Ndiaye Lô, Cité Mbaba Guissé, qui souhaitaient être détachés de la commune de Bambilor pour être érigés en commune.
D’APRES BATAILLES EN PERSPECTIVE
A quelques encablures des élections municipales et départementales reportées à quatre reprises et dont la date définitive reste encore un mystère, la décision du chef de l’Etat de redécouper la région de Dakar, conformément à l’Acte III de la décentralisation, risque d’ouvrir d’autres fronts aussi bien avec les acteurs locaux, que l’opposition de manière générale. Ainsi en est-il déjà de Barthélémy Dias, qui y voit une « agression » contre Dakar.
Interpellés de fait sur le projet de redécoupage, des responsables de ce collectif des 05 villages de Kounoune restent fermes et refusent tout rattachement à la commune de Sangalkam. Ce qui augure d’autres batailles politiques en perspective. Mariama Sarr, conseillère municipale à la commune de Bambilor, cadre de l’APR et résidant à Keur Ndiaye Lô, rappelle ainsi le slogan « Plus de Bambilor, jamais de Sangalkam, c’est assez clair. On veut quitter Bambilor mais on ne veut pas être rattaché à Sangalkam.» C’est le même discours chez un autre responsable local de l’Apr, conseiller municipal à Bambilor, habitant Kounoune Ngalap : « Ce projet de découpage, tout le monde l’attendait mais malheureusement, il vient de tomber et contre la volonté des populations », explique Ousseynou Diallo.
Le responsable apériste reconnaît les incohérences et incongruités de l’ancien découpage en porte-à-faux avec l’esprit de la décentralisation, mais ne veut pas entendre parler d’un rattachement à Sangalkam, refusant que les localités en question soient victimes d’une « guéguerre entre Sangalkam et Bambilor ». C’est pourquoi, il avertit : « c’est une réforme qui ne passera pas ou quand elle va être imposée, les populations montreront à tout le monde, qu’elles savent prendre leurs responsabilités ».
Pour sa part, le président du collectif estime que c’est une mesure politique qu’ils combattront par tous les moyens. « Nous considérons qu’on ne rectifie pas une erreur ou une injustice, en créant une autre injustice. Nous sommes prêts à battre le macadam pour protester vivement contre cette mesure inique, discriminatoire », a lancé Ibrahima Ndoye. Pour sa part, Barthélémy Dias, le maire socialiste de Mermoz Sacré-Cœur et second de Khalifa Sall, n’a pas caché sa colère face à cette volonté affichée par le pouvoir, de reconfigurer la carte de la région de Dakar.
Sur sa page Facebook, celui qui est pressenti comme appendice de Khalifa Sall à la mairie de Dakar, pour les prochaines élections, fait remarquer, en s’attaquant par ailleurs à certains de ses pairs de l’opposition : « L’histoire retiendra que cette agression contre Dakar se fait avec la complicité d’une certaine opposition et dans les jours à venir, nous prendrons nos responsabilités. Tous les problèmes du Sénégal sont liés aux « calculs» des dealers de l’opposition. Seule la lutte libère».
En tout cas, force est d’admettre que cette volonté du pouvoir en place de réinventer la carte de Dakar, va pousser à supputations. Certains esprits ne semblent pas ainsi loin de se demander si cette initiative de redimensionner la carte de la région de Dakar, n’est pas une autre « tactique » du camp au pouvoir, à fort relent politique et en rapport aux Locales, après la mise au frigo temporaire de l’idée de suppression de la ville de Dakar.
Leral
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