Macky joue double

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Les élections législatives de juillet 2022, dernières consultations nationales avant la grande ruée vers le palais présidentiel en 2024, risquent d’être un véritable défi pour le président Macky Sall, engagé à redonner le blason de sa coalition majoritaire.

Les élections législatives de juillet 2022, dernières consultations nationales avant la grande ruée vers le palais présidentiel en 2024, risquent d’être un véritable défi pour le président Macky Sall, engagé à redonner le blason de sa coalition majoritaire malmenée aux Locales de mars dernier. Dans ce «mortal kombat» avec l’opposition, Macky Sall use de moult stratégies ayant pour noms réassemblage/unité, débauchage, parrainage, liste nationale…

Organisées dans un contexte général d’affaiblissement de Bennoo Bokk Yaakaar aux dernières élections locales, tenues dans le premier trimestre de l’année en cours, les élections devant renouveler l’Assemblée nationale sont parties pour être de véritables primaires avant la présidentielle qui se profile, nonobstant l’intention que certains prêteraient au président en exercice de vouloir se représenter. Et cette donne, le chef de l’Etat et patron de la majorité semble l’avoir bien compris. C’est dans cette dynamique qu’il jette toutes ses forces dans la bataille pour remporter haut la main les Législatives et s’assurer par conséquent une majorité confortable à l’Assemblée nationale. Histoire de se prémunir de toute cohabitation qui serait fortement préjudiciable à l’exécution des politiques publiques dont il est le pilote en vertu de ses prérogatives régaliennes de chef de l’Etat. Dans cette volonté de relever le défi des Législatives, Macky Sall use de toutes les stratégies pour contenir une opposition ragaillardie par ses victoires dans les grandes villes du pays, aux dernières joutes locales.

A l’instar de Dakar, Thiès, Ziguinchor, Rufisque, Bambey, Diourbel, Kaolack tombées dans l’escarcelle du camp anti pouvoir. Pour contrecarrer ainsi cette spirale de victoires de l’opposition, le président Macky Sall a tenu à imposer avant tout à son camp la dynamique d’unité et/ou de réassemblage des forces. Sitôt après les Locales, des délégations de la majorité présidentielle, fortement représentées aussi bien par le parti présidentiel (Apr) que les partis alliés (Afp, Ps, Ld…) ont ainsi sillonné le pays pour recueillir toutes les contradictions internes recensées au niveau de la base. Cet exercice piloté par le président lui-même se fixait pour but de prendre les devants afin d’éviter toute liste parallèle aux Législatives. Il faut dire que ces listes parallèles, synonymes de vote-sanction, ont fortement handicapé la majorité présidentielle au point de lui faire perdre certains bastions électoraux lors des Locales de mars dernier.

LE PARRAINAGE CITOYEN, EN RENFORT

Le Président Macky Sall ne s’est pas limité là. Dans sa volonté de réduire les forces de l’opposition, il a eu encore recours à sa grande trouvaille dite parrainage. Cette sorte de tamis électoral sans pitié qui lui avait permis, lors de la présidentielle de 2019, de restreindre le nombre de candidatures à cinq. Sur la multitude de dossiers de candidature déposés devant le Conseil constitutionnel, seuls cinq avaient en effet été retenus dont celui du président sortant. Cette fois encore, le pouvoir en place remet le pied dans l’étrier en imposant le modèle du parrainage citoyen aux élections législatives. Cela, en dépit de la sommation de la Cour de justice de la Cedeao, visant à supprimer ce mode de tamis, dans son application actuelle au Sénégal. Pour rappel, dans un arrêt rendu le 28 avril, la Cour de justice de la Cedeao avait estimé que le système de parrainage adopté pour la présidentielle de 2019 violait «le droit de libre participation aux élections».

Conséquence : le Sénégal disposait de six mois pour le supprimer, selon la Cour de de justice de la Cedeao qui avait été saisie en décembre 2018 par l’Union sociale libérale (USL), un parti présidé par l’avocat Abdoulaye Tine. Le pouvoir n’a eu cependant cure de la directive de la Cedeao. Le parrainage citoyen était bien maintenu pour les Législatives, malgré également les cris d’orfraie de l’opposition dont certains acteurs évoquaient même l’idée de boycott des joutes de juillet, en guise de protestation contre le parrainage. A l’instar d’Abdoul Mbaye, l’ancien Premier ministre et chef de l’Alliance pour la citoyenneté et le travail (Act).

DEBAUCHAGE SANS RETENUE DES MAIRES DE L’OPPOSITION

Le recours au parrainage citoyen n’est vraisemblablement pas la seule arme souterraine utilisée par Macky Sall pour endiguer le regain d’opposition. Le débauchage méthodique de maires élus sous la bannière de l’opposition semble participer du même mouvement. A Dakar comme à l’intérieur du pays, de plus en plus de chefs d’exécutifs municipaux sont en train de franchir le Rubicon et de rejoindre le Macky. Alors même qu’ils ont été élus par des suffragants en rupture avec le pouvoir incarné par le chef de l’Etat. Ce fut le cas de Bamba Fall, le maire de la Médina élu de la Coalition Gueum sa bopp, du maire réélu de Biscuiterie, membre de Wallu Sénégal, Djibril Wade, pour ne citer que ceux- là parmi le ralliés de la capitale sénégalaise.

A l’intérieur du pays, des cas notables sont relevés avec l’édile de Diourbel, Malick Fall, candidat de Wallu Sénégal. A Tambacounda, le maire de Bala, Amadou Ba, de la coalition Yewwi Askan Wi a également rejoint le président Macky Sall, après une audience au Palais de la République. Tout comme Ismaïla Kaba, l’édile de Kothiary, tête de liste de Wallu Sénégal lors des Locales. En gros, c’est pour le moment plus d’une dizaine de maires de l’opposition qui ont tourné casaque, sous la dictée d’arrhes assez conséquentes, prétendent certains esprits. Reste maintenant à savoir si ce débauchage piloté par le pouvoir en place sera d’un gain électoral réel aux élections législatives.

COUP DE JARNAC SUR LES DEPUTES DE LA LISTE NATIONALE

La modification apportée au Code électoral portant augmentation avortée du nombre de députés à l’Assemblée nationale pourrait être rangée dans la même catégorie des actions mises en place par le régime pour contenir l’opposition. Pour cause, alors qu’au début, le pouvoir en place portait lui-même la volonté d’augmenter 7 députés de plus sur les 165 de la treizième législature, celui-ci a décidé de ne pas activer sa majorité mécanique à l’hémicycle pour imposer le projet de loi portant modification du Code électoral.

Paradoxalement, ce sont des amendements de cette même majorité parlementaire qui vont figer le nombre de députés à 165, comme voulu par l’opposition, tout en réduisant le nombre d’élus sur la liste nationale pour l’Assemblée nationale. Le coup de Jarnac ne sera compris que bien plus tard par l’opposition. D’où la saisine en annulation déposée devant le Conseil Constitutionnel par 17 députés de l’opposition concernant la modification de la loi L.150 votée le vendredi 15 avril, en séance plénière. Peine perdue.

Le Conseil Constitutionnel a décidé de rejeter la requête, sous argumentaire que «l’article L.150, alinéa premier de la loi adoptée sous le numéro 16/2022 du 15 avril 2022, modifiant la loi n 2021- 35 du 23 juillet portant Code électoral, n’est pas contraire à la Constitution».

Le juge Pape Omar Sakho et les autres «Sages» ont mis en avant le fait que « le moyen tiré de l’irrecevabilité de l’amendement parlementaire, qui n’est pas fondé sur un grief des articles 82 et 83, doit être rejeté». Dans la foulée de la décision du Conseil Constitutionnel, le président Macky Sall a accéléré la cadence en signant, le 03 mai, le décret portant répartition des sièges des députés.

En application des dispositions de l’article L. 151 du code électoral, la nouvelle loi porte à quatre-vingt-dix (97) le nombre de députés à élire au scrutin majoritaire départemental à l’intérieur du pays. Les députés élus sur la liste nationale sont réduits au nombre de 53, alors que pour les députés de la diaspora, leur nombre est figé à 15. Et quand on sait que lors des dernières élections locales, le pouvoir en place avait gagné la grande majorité des départements du pays quoiqu’ayant perdu les grandes villes du pays, il est aisé de relever que cette réduction de la liste nationale est loin d’être un acte isolé de la part du camp de Macky Sall. C’est dire, à quelques encablures des Législatives de juillet, à quel point le président Macky Sall fait de ces joutes une affaire de survie de sa coalition. Etant bien entendu que les champs de mines dressés devant l’opposition sont loin d’être exhaustifs. A charge maintenant pour Ousmane Sonko et Khalifa Sall de Yewwi Askan wi, Abdoulaye Wade et la Grande Coalition Wallu Sénégal, voire Bougane Guèye Dany de Gueum sa Bopp de surmonter ces guêpiers s’ils veulent vraiment imposer une cohabitation à l’Assemblée nationale !

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