Ma contribution sur le rapport de la Cour des comptes (Par Ibrahima Hamidou Dème)

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Le rapport sur l’audit de la situation des finances publiques de 2019 au 31 mars 2024, établi par la Cour des Comptes conformément au code de transparence dans la gestion des finances publiques, révèle de graves irrégularités dans la situation du budget de l’Etat et de l’endettement. Mais, au-delà des résultats dudit rapport qui confirment une mal gouvernance chronique et systémique, il faut regretter que son exploitation tendancieuse et politicienne par les tenants du pouvoir et leurs prédécesseurs, ait occulté les véritables enjeux liés à la transparence et à l’efficacité de l’évaluation des politiques publiques d’une part, à l’indépendance et à l’efficacité des institutions de contrôle, mais aussi à la participation citoyenne d’autre part. Il importe en effet de dépasser les clivages pour voir comment remédier aux manquements, anomalies et dysfonctionnements relevés et renforcer ainsi la transparence et la sincérité dans la gestion des finances publiques.  

1. Dépasser l’approche partisane et l’instrumentalisation politique du rapport :

L’instrumentalisation politique et partisane du rapport de la Cour des comptes est contre-productive. La polémique qu’elle a engendrée est inutile dans la mesure où, il reste évident même pour l’esprit le moins averti, qu’un système clientéliste et népotiste qui ne manifeste aucune volonté politique réelle pour une gestion saine des deniers publics ne peut qu’engendrer des irrégularités et des malversations. Par conséquent, il est essentiel de privilégier une analyse objective, dépassionnée et tournée vers l’avenir, pour que la  transparence et . Il va sans dire que les irrégularités constatées qui pourraient être constitutives d’infractions pénales, doivent être traitées par la justice selon les procédures légales en vigueur, mais en toute indépendance.

2. Assurer l’indépendance et l’efficacité des institutions de contrôle, un enjeu majeur

Les irrégularités relevées par la Cour des Comptes dans son audit, remettent en cause son indépendance mais aussi l’efficacité et l’efficience de son contrôle des finances publiques au cours du mandat présidentiel 2019-2024. Le moins qu’on peut dire, c’est qu’elle a failli à sa mission dans le contrôle de l’exécution des lois de finances pendant cette période au regard des disparités constatées entre les contrôles annuels effectués et le contrôle quinquennal du mandat passé. En tout cas, le slogan affiché au fronton de la Cour « La bonne gouvernance et la transparence dans la gestion des affaires publiques impliquent un contrôle efficace, exercé par une institution indépendante » doit devenir une réalité. En effet les juges de la Cour des Comptes doivent exercer leur mission constitutionnelle en toute indépendance, avec l’impartialité, la probité et la diligence que requièrent leur qualité de magistrat. Elle doit en effet, donner l’image d’une institution crédible qui n’attend pas la fin d’un régime pour pouvoir exercer convenablement sa mission. C’est le seul gage pour gagner la confiance des citoyens et pour que ses décisions soient incontestables et acceptées par tous. En outre, puisque la Cour des Comptes exerce sa mission au service des citoyens, elle doit être plus visible et faire preuve de pédagogie en communiquant de manière plus accessible et plus intelligible pour que les populations, destinataires de ses rapports puissent les comprendre et éviter ainsi toute manipulation politicienne.

3. Renforcer les mesures répressives et préventives pour garantir la préservation et la sacralisation du bien public

La lutte contre les infractions économiques et financières nécessite une double approche. D’une part, des mesures répressives fortes, notamment en criminalisant de telles infractions. En effet, dans un pays sous-développé, le détournement de nos maigres ressources qui portent parfois sur des milliards doit être sévèrement sanctionné. D’autre part, il faudra surtout privilégier les mesures préventives en mettant en place des garde-fous qui empêchent le détournement des deniers publics. Il faudra bien traiter les causes pour éviter que le mal ne se reproduise. La mise en place d’une chaine de contrôles aussi bien internes qu’externes dans toute l’administration pourrait réduire sensiblement les manquements observés dans la gestion des finances publiques. Une prévention efficace repose aussi sur une bonne éducation citoyenne et une information permanente des populations pour qu’ils puissent exercer convenablement leur contrôle citoyen.

4. S’armer d’une réelle volonté politique pour impulser des ruptures vertueuses :

Le changement ne se produit pas simplement par de beaux discours et l’adoption de nouvelles lois ou réformes, mais par la mise en œuvre de celles-ci avec une volonté politique forte. « Quand on veut, on peut » dit-on. En effet, les pratiques de prévarication s’adaptent souvent aux nouvelles règles, il est donc impératif de casser le cycle vicieux de la mauvaise gouvernance et d’instaurer une culture de la transparence et de l’intégrité au sein de l’administration publique et dans toute la société. Mais cette volonté politique doit commencer par les plus hautes autorités qui doivent distiller par l’exemplarité, la sacralité du bien public.

5. Promouvoir un rôle plus actif des citoyens, de la société civile et de la presse :

La vigilance citoyenne et l’engagement des acteurs de la société civile et des médias sont cruciaux. Ils doivent jouer un rôle de veille et d’alerte permanent dans l’évaluation des politiques publiques et l’utilisation des fonds publics en exerçant un contrôle constant pour garantir le respect des principes de bonne gouvernance. Dans ce cadre, une presse libre, une société civile engagée et une participation citoyenne plus active sont essentiels pour garantir la bonne gouvernance des finances publiques. Cependant, ce contrôle citoyen ne pourra être exercé efficacement que s’il y a un accès permanent du public à l’information et une publication des rapports périodiques à temps.

Conclusion :

Le débat sur le rapport de la Cour des Comptes et en général sur la gestion de nos finances publiques ne doit pas être l’apanage des seuls acteurs politiques. En effet, la bonne tenue des finances publiques constitue un enjeu primordial au service du développement, de la transparence et de la justice sociale. C’est pourquoi, ce débat doit concerner toutes les forces vives du pays pour s’assurer une vision partagée et un engagement collectif afin de garantir une gouvernance responsable et inclusive, dans l’intérêt de tous les citoyens sénégalais.

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