Une soixantaine de candidats déjà déclarés pour la présidentielle selon les toutes dernières estimations. Du jamais vu dans l’histoire politique de notre jeune nation.La dernière en date, celle de l’ancien Premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne, une candidature du reste pas banale du tout d’autant qu’elle n’est pas une bonne nouvelle pour la coalition présidentielle actuellement engagée dans une opération -séduction destinée à garder le pouvoir, ses ors, ses paillettes et autres privilèges.
Cette candidature spectaculaire de Boun Dionne est de nature à fragiliser Amadou Ba candidat officiel du pouvoir à la suite des départs tonitruants d’Aly Ngouille Ndiaye et de Mame Boye Diao.Boun Abdallah est-il en phase voire en intelligence avec le Président Sall ? Si oui, quel intérêt pour l’actuel Chef de l’Etat de susciter une telle candidature après avoir choisi le Sherpa des Parcelles assainies ? Peut-être pour maximiser les chances d’un cacique du pouvoir pour l’accession au second tour surtout qu’avec cette profusion de candidatures tous azimuts, il est pratiquement certain qu’aucun Leader ne saurait gagner le scrutin présidentiel au premier tour.
Justement, il faut s’interroger sur ce trop-plein de candidats pour constater que le désistement retentissant du Président en exercice explique un peu cette frénésie des candidats à la candidature. C’est inédit. Et puis pour beaucoup, il s’agit davantage d’une gestion personnelle de leur image et de leur carrière ; ils savent pertinemment qu’ils n’ont aucune chance de glaner ne serait-ce qu’un pour cent des suffrages exprimés mais ils iront malgré tout au casse-pipe.
C’est toute la pertinence du parrainage , un bon filtre pour lutter efficacement contre les candidatures fantoches…Lors de la présidentielle de 2019 , seuls 05 candidats avaient eu la chance de passer le cap fatidique de ce nouvel exercice ( Macky Sall, Ousmane Sonko, Idrissa Seck, Me Madické Niang et Issa Sall)…Avec notamment bon nombre de recalés de renom comme Bougane Guèye Dany, Mamadou Lamine Diallo et tant d’autres. C’est dire que le parrainage se révèle comme un tour préliminaire indispensable pour élaguer et permettre à l’électorat de trier les graines susceptibles de germer en février 2024.
Cette inflation de candidats traduit visiblement la place centrale voire proéminente que la politique a fini de prendre dans le débat national. Nos concitoyens sont convaincus que la politique est devenue le moyen le plus sûr, le plus rapide pour gagner en visibilité, en aura mais aussi en argent. Donc l’aspect matériel prime sur cet immatériel qu’incarne la gouvernance des ressources publiques. Mais qu’on ne s’y trompe pas, pour beaucoup de candidats à la candidature, il s’agit juste de positionnements sans illusion et l’enjeu réside plutôt dans l’optique de se mettre sur les starting –blocks quitte à être recalés par le parrainage et négocier en position de force avec les mastodontes qui auront le privilège de solliciter les suffrages des 17 millions de Sénégalais.
A titre d’exemple ,c’est sans doute l’ambition du groupuscule des Abdou Aziz Diop, Serigne Guèye Diop , Arona Ndoffène Diouf, Ndongo Ndiaye( tous anciens conseillers du Président Sall) mais aussi Anta Babacar Ngom, Siré Sy, Maître Moussa Diop,etc. Sans oublier l’autre groupe, celui des candidats dont l’évocation du nom prête à sourire pour dire le moins. Il en est ainsi de Me Elhadji Diouf, Mouhamed B. Diallo alias ‘‘Mo Gates’’, Ibrahima Datt, Hamidou Thiaw, Jean Baptiste Diouf, Mame Gor Diazaka… Avec de tels profils qui se bousculent au portillon pour accéder à la magistrature suprême, ce pays ressemble à s’y méprendre à un théâtre à ciel ouvert.
Ce nombre incalculable de candidatures est à n’en point douter révélatrice de la pauvreté du débat national et de la boulimie du pouvoir qui caractérise l’Homo Senegalensis. Cela peut paraître paradoxal mais elle reflète aussi une certaine faiblesse de l’offre programmatique perceptible dans les discours de ces prétendants prétentieux d’autant que la quantité n’a rien à voir avec la qualité. Il ne faudrait jamais s’y méprendre, cette inflation ne reflète nullement une quelconque ambition comme semble dire les candidats en question, il s’agit plutôt de préoccupations existentielles exposées à la face du monde au nom de cette démocratie qui a bon dos.
Or, comme le disait récemment l’ancien ministre Papa Abdoulaye Seck dans une tribune partagée dans la presse reprenant Nelson Mandela : « J’avais toujours admiré les hommes et les femmes qui mettaient leur talent au service de la communauté, ces hommes et ces femmes respectés et admirés pour leurs efforts et leurs sacrifices même s’ils n’avaient pas occupé de postes importants au gouvernement ou dans la société civile » In fine, le conseil constitutionnel se prononcera sur les noms des heureux élus et le corps électoral sera convoqué pour qu’on puisse assister à l’élection présidentielle la plus ouverte de l’histoire de notre jeune nation.
Pour le caractère inclusif du scrutin, on pourrait trouver à redire d’autant que la non-participation pour ne pas dire l’ « exclusion » de Sonko l’opposant le plus populaire du pays fait quelque part désordre. Dans un passé récent, Karim Wade et Khalifa Sall avaient connu le même sort. De quoi raviver les soupçons de manipulation du pouvoir judiciaire. « Quand la politique entre dans le prétoire, le droit sort par la fenêtre » dit un bon vieil adage.
En tous les cas, on se dirige visiblement vers une sélection-élection en février 2024 ; ce qui ne sera d’ailleurs pas une première dans ce pays aux ressorts sociologiques assez complexes. L’électeur fera donc avec l’existant. A défaut de grives, autant se contenter de merles. C’est l’état actuel de notre démocratie et tout le monde est obligé de s’adapter.
Il avait raison ce penseur qui répétait à l’envi : « Les peuples n’ont que les dirigeants qu’ils méritent » .Surtout que ces Leaders politiques ne tombent pas du ciel, ils ne vivent pas sur la planète Mars aussi !
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