Lettre ouverte du Dr Abdourahmane Diouf sur le Ter : « publiez ce que vous signez ! »

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Objet : Train Express Régional, publiez ce que vous signez !

À

M. Mansour Faye, Ministre des infrastructures et des transports terrestres,
M. Abdoulaye Daouda Diallo, Ministres des Finances et du Budget,
M. Amadou Hott, Ministre de l’Economie, du Plan et de la Coopération
M. Mountaga Sy, DG de l’APIX,
M. Abdou Ndéné Sall, DG de la SENTER,
Frédéric Bardenet DG de la SETER,
M. Ibrahima Guèye, DC de la DCMP,
M. Saer Niang, DG de l’ARMP.

Le Sénégal a inauguré le 27 décembre 2021 le Train Express Régional (TER), sous la présidence effective du Président de la République Macky Sall. Ce projet nous a été présenté comme une avancée majeure en termes d’infrastructures et de prise en charge des transports de masse. Nous espérons que les sénégalais en feront un usage utile et civique. Cependant, au-delà des polémiques sur le coût du Projet, son montage juridique pose des questions non encore élucidées à ce jour. Des indices graves et concordants révèlent ce qui pourrait être un scandale financier hors norme au préjudice des sénégalais et des générations futures.

Sur la procédure d’appel d’offres et d’octroi du marché, sur le montage juridique, sur le cadrage institutionnel, sur les dispositions de transfert de technologie et sur la gestion des impactés du TER, subsistent des nébuleuses et des incohérences qu’une grande nation comme le Sénégal ne peut se permettre. A ce stade, nous en sommes à la présomption de fautes et de légèretés impardonnables. Par cette présente, nous interpellons les autorités citées, pour leur donner l’opportunité de communiquer au peuple sénégalais les documents d’utilité publique qui sont à la base de ce projet, au nom de l’intérêt supérieur de la nation. Le parti AWALÉ et les citoyens sénégalais concernés se réservent le droit d’initier tout recours pour assurer une bonne gouvernance de nos ressources financières et ferroviaires.

Appel d’offres.

Le TER et toutes les dépenses afférentes ont coûté au contribuable sénégalais la bagatelle de 780 milliards. En plus de ces investissements initiaux, l’exploitation du TER va brasser des sommes colossales en termes de chiffres d’affaires et de dividendes à redistribuer à des privés. L’exploitation du TER est un marché public qui postule un appel à concurrence. Or, à ce jour, aucune information n’est fournie au public sénégalais sur les conditions d’octroi d’un tel marché. Le site internet de l’APIX mentionne un Marché dénommé M6, relatif à la « Maintenance et l’exploitation du TER » au cours de l’année 2018. Nous n’avons vu aucune trace de la passation de ce marché qui, vraisemblablement, est en train d’être exécuté par la Société privée SETER.

Le marché de l’exploitation a-t-il été effectivement attribué à la SETER. Quand est ce que le Dossier d’Appel d’Offres a été publié ?

Quelles étaient les sociétés soumissionnaires ?

Quelles sont les offres techniques et financières qui auraient permis à la SETER de gagner le marché du TER ?

Montage juridique.

Le gouvernement du Sénégal dispose de moyens juridiques divers pour gérer son investissement et ses infrastructures dans un secteur aussi stratégique que les chemins de fer. Il peut y aller sous la forme d’une Régie, à travers une gestion directe de ce service public. Mais cela n’est de toute évidence pas la formule choisie. Il peut choisir de faire une concession à une société privée, ce qui suppose que la société concessionnaire participe aux investissements initiaux et au financement de la pré-exploitation. Or, rien dans le montage financier qui a été rendu public ne mentionne une participation financière de la SETER qui est en instance de gérer le TER. Il reste la formule de l’affermage qui postule un contrat suivant un appel d’offres.

Existe-t-il un contrat d’affermage triangulaire entre l’Etat du Sénégal, la SETER et la SENTER ? Pour quelle durée et suivant quelles modalités ?

Existe-t-il un contrat de concession entre l’Etat du Sénégal et la Société nationale SENTER ? Cela aurait pu être un préalable à un contrat d’affermage avec la SETER. Nous sommes enclins à penser que la réponse à cette question est négative compte tenu du fait qu’au terme de la Loi qui l’a créée, la SENTER est l’autorité concédante déléguée qui agit au nom et pour le compte de l’Etat du Sénégal.

Dès lors, et indépendamment d’un nécessaire contrat d’affermage, existe-t-il un contrat de gestion et/ou de performance entre la SENTER et la SETER ? Pour quelle durée et suivant quelles modalités ?

En outre, nous constatons que si la SENTER est l’autorité concédante déléguée, sa mise en place doit répondre à un principe d’antériorité vis-à-vis de la société fermière ou concessionnaire, en l’occurrence la SETER. Or, la SETER a été créée le 9 novembre 2018. La SENTER a été autorisée par l’Assemblée nationale en procédure d’urgence le 3 juin 2019, créée par décret le 10 juin 2019 et enregistrée le 29 novembre 2019. Ce dispositif semble accréditer l’octroi illégal du marché du TER, en amont, et une tentative de légitimation à postériori. La SENTER est le mandant. L’exploitation du TER est le mandat.

La SETER est le mandataire.

Quelles justifications pouvez-vous donner au fait que le mandataire, créée à l’effet exclusif de l’exploitation du TER (Voir son acronyme et son objet mentionné dans son acte constitutif), soit antérieur à la création du mandant ?

La SENTER n’est-elle pas le faire-valoir qui couvre les nébuleuses dans les procédures conduites par l’APIX à titre de maitre d’ouvrage délégué ?

Cadrage institutionnel

Le Sénégal dispose d’un ministère des infrastructures et des transports terrestres. Il dispose aussi de la Société Nationale des chemins de fer du Sénégal. Il y a donc un bloc institutionnel préexistant en mesure de gérer le projet du TER. Le 27 Mai 2016, le ministère des transports, maitre d’ouvrage de droit, a signé une Convention de maitrise d’ouvrage délégué avec l’APIX qui a finalement géré tout le processus. Dès lors, l’APIX semble être un monstre institutionnel, logé à la présidence, qui opère en dehors des procédures agréées de passation des marchés et des exigences de transparence vis-à-vis du contribuable sénégalais.

Quels sont les justifications à cette substitution institutionnelle ?

L’APIX dispose-t-elle d’un cadre juridique dérogatoire dans la mise en œuvre des grands projets de l’Etat ? Le cas échéant, quelles en sont les bases juridiques ?

Transfert de technologie

Si le marché M6 relatif à la « Maintenance et l’exploitation du TER » reste un mystère, nous constatons que le marché M1 sur les infrastructures est exécuté par Eiffage/CSE/YM ; le marché M2 sur les systèmes est exécuté par Engie et Thales ; le marché M3 sur la voie métrique est exécuté par TSO ; le marché M5 sur le matériel roulant est exécuté par Alstom. Le Sénégal se veut ambitieux et doit travailler à une souveraineté technologique sans faille, au bénéfice des générations futures.

En amont du projet du TER, quelles sont les dispositions de transfert de technologies prévues dans les contrats avec Eiffage, Engie, Thales et Alstom, pour que le Sénégal puisse espérer construire ses propres trains dans les années à venir ?

Dans la mise en œuvre du projet du TER, quelles sont les dispositions d’assistance technique qui sont prises pour que le TER puisse être sous management exclusivement sénégalais, dans un délai raisonnable ?

Impactés et victimes du TER

La mise en œuvre du Projet du TER a requis des sacrifices énormes pour des milliers de familles sénégalaises. Elles ont dû être déplacées pour des raisons d’intérêt national. Mais elles n’ont pas toutes reçu la juste indemnité escomptée. Certaines d’entre elles sont spoliées, snobées, humiliées et dépossédées par l’APIX. Quel est le bilan que vous pouvez nous faire de la gestion des impactés du Projet du TER qui ne trouvent plus d’interlocuteurs au niveau de l’Etat et qui ont payé le prix fort ?

En espérant avoir de vos nouvelles, nous vous prions, Messieurs, d’agréer nos sentiments distingués.

Le Président du parti

Dr Abdourahmane Diouf”

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