Lettre ouverte à Macky Sall (Par Mamadou Lamine Ba)

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M. le président de la République. Recevez mes sincères salutations et permettez que je m’adresse à vous via cette lettre ouverte. Il me plaît d’espérer que vous la recevrez, vous la lirez et vous prendrez des mesures pour apporter des réponses concrètes aux maux que je m’en vais vous exposer. Il s’agit de maux dont souffrent nos compatriotes éleveurs de la localité. J’ai espoir que leur appel va trouver oreille attentive.

Il y a quelques semaines, j’ai représenté un ami, résidant à Paris, parrain d’une finale de football, à Fadiounghar, village de la commune de Baghère, dans le département de Goudomp, région de Sédhiou. Je me suis entretenu, comme à l’accoutumée, avec les sages, les jeunes et les femmes du village pour m’enquérir de la situation dans la zone. Le village étant à quelques kilomètres de la frontière Bissau-guinéenne.

Dans les discours, il est ressorti une complainte collective des populations : le vol de bétail transfrontalier. Pire, les populations s’offusquent du fait que « les voleurs tuent maintenant les éleveurs » avant de s’accaparer de leurs biens ou après le forfait et disparaissent dans la nature. Le prétexte est que récemment, un de leurs a été froidement assassiné pendant qu’il poursuivait son bœuf volé en brousse.

M. le Président, l’élevage est une solution au chômage. Mieux, c’est un travail décent permettant à son acteur de subvenir à ses besoins et celles de sa famille. Vous conviendrez avec moi que le vol de bétail est donc une contrainte au développement de ce secteur stratégique dans le plan Sénégal émergent. Il est une atteinte à la sécurité alimentaire qui vous tient à cœur. Il menace la quiétude et la cohésion en milieu rural, comme le nôtre

Malheureusement, ce n’est pas nouveau par ici. Il y a quelques mois, une exaspération pareille s’est produite dans le Balantacounda. Des voleurs s’emparent des bêtes des éleveurs. Ces derniers, à la recherche de leurs biens, tombent sur des malfaiteurs armés et sont victimes de tirs, souvent mortels. Monsieur le président, la douleur des populations est profonde, l’irritation est palpable et la tension est ambiante.

Un de mes jeunes interlocuteurs m’a confié que les villageois pensent à mettre en place des « comités de surveillance et de défense ». Ce qui me paraît inquiétant parce que « la sécurité des personnes et de leurs biens relève des forces de défense et de sécurité ». Je conviendrai avec vous qu’aucun gouvernement ne peut mettre un policier, gendarme ou militaire à chaque coin du pays pour sécuriser tout le monde.

Cependant, il me semble important et essentiel de ne pas laisser les initiatives de protection des personnes et biens en milieu rural à des individus exaspérés par la violence. Il y va de notre sécurité collective. Les éleveurs se sentent abandonnés à leur sort. Ils ne comprennent pas qu’ils soient laissés à la merci des voleurs-armés, prêts à tuer. Ils ne comprennent pas que, malgré la présence de militaires, de gendarmes et de policiers dans la zone, qu’ils soient victimes de vols et d’agressions récurrents.

Un autre de mes interlocuteurs m’a amèrement interpellé sur ces mots : « pourtant, si on appréhendait et tuait un ou des voleurs, on serait arrêté et traduit devant la justice pour meurtre ». Une triste réalité. En tant que cadre de la localité, de surcroît membre du parti au pouvoir, je ne peux rester insensible à cette situation qui menace tout le monde. Il me semble important de panser ces plaies avant qu’il ne soit tard.

M. Le Président, il nous faut éviter que des citoyens s’arment pour assurer leur propre sécurité et celle de leurs biens. Ce serait une défaite de l’Etat et une brèche à des dérives. Connaissant la mentalité locale et les traditions de certaines personnes, un petit malentendu ou conflit entre deux individus armés peut se transformer en drame. Des règlements de compte entre deux individus rivaux, deux adversaires ou des prétendants ne sont pas à exclure.

M. Le Président, la Loi Numéro 2017-22 du 22 Mai 2017 modifiant la Loi Numéro 65-60 du 21 juillet 1965, portant Code pénal, peut aider le législateur à lutter contre le vol de bétail avec des peines d’emprisonnement lourdes. Seulement, elle est inefficace face aux vols répétitifs, maintenant armés. Les éleveurs sénégalais réclament des actions en amont, pas seulement en aval. Ce serait trop tard, surtout avec des vies perdues.

Quelle solution alors, quand on ne peut pas mettre des agents de sécurité partout, tout le temps ? Je propose, humblement, des « clôture communes » en fer, démontables, pour abriter les bêtes de différents éleveurs avec des compartiments, avec une certaine hauteur. L’éleveur A peut attacher ses bêtes dans le compartiment A, celui B dans le compartiment B, etc… Le matin, avec une bonne organisation, tout le monde peut amener son cheptel au pâturage.

L’autre solution est d’aménager des surfaces cultivables, encourager la culture fourragère avec comme prétexte la sécurité des bêtes et la quiétude des propriétaires, afin que le cheptel ne s’éloigne pas des villages en saison sèche. Enfin, forer des points d’eaux à quelques centaines de mètres des villages pour éviter que les bêtes aillent s’abreuver loin des habitations et s’exposer à des voleurs.

Mamadou Lamine BA

Journaliste consultant en Médias et Communication

Responsables de l’APR dans la commune de Baghère

Tel : 76 611 39 40            Email : ballamine@gmail.com

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