L’ÉTHIQUE ET L’HONNÊTETÉ INTELLECTUELLES À L’ÉPREUVE DES INTÉRÊTS POLITIQUES

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L’observation du débat public en cours dans notre pays permet de constater que lorsque des crimes ou des délits sont commis, provoqués ou incités par des politiciens du bord de l’opposition, des intellectuels, des journalistes, des professeurs et enseignants, et parfois même certains dignitaires de confréries leur trouvent toujours des excuses et des états de nécessité. Pour justifier leurs prises de position, ils font souvent état du recul des acquis démocratiques et des libertés au Sénégal.

Et pourtant, récemment, la faculté des lettres de l’université Cheikh Anta Diop a été saccagée et incendiée, des magasins et des supermarchés ont été pillés, des domiciles et des véhicules de citoyens sénégalais ont été vandalisés ou incendiés, deux jeunes âmes ont été brûlées vif et sont mortes calcinées, des actes de sabotage ont été tentés ou perpétrés sur des édifices publics stratégiques pour le Sénégal ; on peut en citer des centrales hydrauliques, électriques et téléphoniques, des voies et moyens de communication et de transport. Les attaques et sabotages du BRT, du TER, des bus de Dakar-Dem- Dikk et des bus Tata peuvent aussi être pris comme exemple.

Autrement dit, pour atteindre leurs objectifs politiques, des personnes planifiaient, au Vu et su de tout le monde, des actes répréhensibles pour rendre le Sénégal ingouvernable, voire pour renverser les pouvoirs démocratiquement élus par le peuple sénégalais. Quid de nos représentations diplomatiques, consulats et ambassades, qui ont été pris d’assaut par des hordes de sénégalais de la diaspora qui se réclament militants de l’opposition.

En d’autres termes des acteurs politiques ont fait recours à la violence et à la terreur pour atteindre leurs objectifs. Dans le sillage, ils ont clairement commis des appels et incitations au meurtre et à la violence contre des autorités administratives, judiciaires et gouvernementales, sans compter les appels récurrents à l’insurrection, les injures publiques et les menaces de mort proférées çà-et-là et même contre le Président de la République. Notre cher Sénégal était devenu le théâtre d’une furie politicienne destructrice.

Et voilà que des chantres de la démocratie, des libertés publiques et des droits humains, des intellectuels de renom, parmi lesquels d’éminents universitaires, essayent subitement de faire passer par pertes et profits tous ces palpables délits et crimes avérés. Ce faisant, ils favorisent l’irresponsabilité pénale et civile des personnes interpelées dans le cadre de la recherche et de l’arrestation des instigateurs, des auteurs et des complices des actes répréhensibles ci-dessus énumérés. Dans cette dynamique, ils exigent la libération et la fin des poursuites des mis en cause qu’ils présentent à l’opinion publique comme étant des détenus ou otages politiques.

Ces intellectuels se prononcent apparemment comme si au Sénégal, la qualité d’opposant offre une immunité qui leur confère le droit de tout dire et de tout faire, dès lors que c’est contre le pouvoir démocratiquement élu. Le constat est simple : plus l’opposant est dans la virulence et les excès politiques, plus ils se montrent disposés à le supporter. Ils légitiment, d’une manière on ne peut plus surprenante, la dynamique et la logique d’anarchie politique adoptées par une frange de l’opposition sénégalaise. Or, cet état de fait est incompatible avec l’ordre public, la stabilité sociale et la sûreté de l’état si nécessaires à la consolidation de la démocratie, des libertés et de l’Etat de droit au Sénégal.

La posture de ces intellectuels pose, par ailleurs, aux sénégalais des équations d’éthique et de morale. En effet, leur démarche se heurte le plus souvent à la morale et fait aussi grief au code d’honneur. En voulant être à tout prix contre le gouvernement, ils ont défendu et soutenu des opposants qui se sont empêtrés dans des scandales de toute nature. En des termes plus explicites, ils ont avalisé, aux yeux des sénégalais, la faillite morale de certains personnages politiques membres de l’opposition.

Pourtant, ailleurs dans le monde, dans les contrées moralement plus civilisées ou plus évoluées, en termes d’éthique, des personnalités politiques se seraient volontairement retirés du débat public ou auraient démissionné de gré pour moindres reproches de l’opinion publique à leur encontre. La censure et la réprobation collectives dans ces grandes démocraties sont d’un niveau très élevé. Sous ces cieux, aucun intellectuel ne prendrait le risque de justifier les manquements et les errements d’ordre moral de personnalités politiques.

Ainsi pour dire, qu’au Sénégal, la crédibilité de certains intellectuels qui se prononcent sur le débat public se serait renforcée si ces derniers affichaient le même niveau de censure et de réprobation à l’encontre de tous les bords politiques. Sous ce rapport, Ils auraient pu échapper à la critique formulée par certains sénégalais à leur encontre, selon laquelle, ils ne condamnent jamais de manière tranchée les exactions commises, lors des émeutes, par les sympathisants d’une certaine opposition, mais plutôt qu’ils seraient prompts à prendre à partie sévèrement le gouvernement à la moindre occasion. Ce semblant de manque d’équilibre dans leurs prises de position pourrait valider une certaine opinion publique qui croit, à tort ou à raison, que certains intellectuels sénégalais dans le débat public seraient dans une logique d’investissement en vue de subsides politiques ultérieures.

Le Sénégal est incontestablement une grande démocratie et un Etat de droit. Cette réalité ne peut nullement être niée. Notre pays n’a rien d’une dictature. En effet, la liberté d’expression et de manifestation pacifique au Sénégal n’est pas un rêve mais plutôt une réalité. Les sénégalais ont libre accès à l’information plurielle grâce à une presse diversifiée et à l’internet. Le système judiciaire sénégalais est indépendant et aucune personne n’est détenue dans ce pays sans un titre judiciaire dûment pris par un magistrat dans le cadre de poursuites d’auteurs ou de complices d’infractions. Enfin, des élections libres et transparentes sont régulièrement organisées dans les délais légaux afin de permettre aux citoyens sénégalais de faire valoir leur droit de choisir leurs représentants au niveau des différentes institutions et fonctions électives.

Dans un tel pays, les intellectuels devraient certes fustiger naturellement les actions gouvernementales constitutives de dérives ou d’atteinte à la démocratie mais aussi inversement, pour être honnêtes, montrer un ferme rejet de la violence et de la terreur impulsées par l’opposition radicalisée. Ils leur incombent alors d’être dans leur rôle naturel de critique équilibrée pour l’éveil de la conscience citoyenne sans laquelle les sénégalais ne pourraient participer adéquatement à la consolidation de la démocratie et de l’Etat de droit dans leur pays. Il n’est pas attendu des intellectuels sénégalais de ne pas appartenir à des bannières politiques ou de ne pas avoir des préférences de cet ordre, mais c’est à juste raison que les sénégalais exigent de leur part un effort d’honnêteté et de probité dans leurs prises de position publiques, surtout dans le débat politique en cours.

Me El Hadji Ayé Boun Malick DIOP,
Secrétaire général national du SYTJUST

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