Les leçons critiques d’un scrutin complexe (Par Pr Moustapha Samb)

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Le Sénégal vient d’organiser des élections libres et démocratiques malgré quelques couacs enregistrés par ci et par là. Il faut donc s’en féliciter et rendre hommage à notre système démocratique dans un contexte sous régional instable marqué par une recrudescence des coups d’Etat. C’est donc tout en l’honneur de notre pays, de travailler à la sauvegarde de la paix et de son image comme modèle de démocratie en Afrique

Benno Bokk Yaakaar, depuis l’avènement du Président Macky Sall a toujours remporté les élections au Sénégal.  Cette puissante machine électorale a l’habitude de tout broyer sur son passage. La perte de certaines grandes villes et non des moindres (Dakar, Ziguinchor, Guédiawaye etc.) a été une surprise pour beaucoup d’observateurs. La démocratie n’est pas un processus linéaire, elle est faite de haut et de bas. C’est pourquoi il faut saluer l’attitude de certains hommes politiques qui, après leur défaite confirmée n’ont pas hésité à féliciter leurs adversaires. Cette posture aussi bien du côté du pouvoir comme de l’opposition fait le charme de notre démocratie.

L’opposition, il est clair, a fait une percée significative et un message fort a été délivré par les populations.  En clair, elles veulent un changement de paradigme dans l’orientation de la gouvernance.

  Il est vrai que Benno comptabilise plus de victoires à l’échelle nationale mais il faut reconnaitre que les victoires symboliques dans des villes phares traduisent une percée notoire des forces de l’opposition.

Aujourd’hui, Benno doit impérativement tirer les leçons de ce scrutin. C’est l’occasion pour le Président Macky Sall de revoir les dysfonctionnements dans la gouvernance, le choix des personnes qui aspirent à des postes de responsabilités.  L’absence d’humilité, d’ouverture et de disponibilité fait partie des causes réelles qui expliquent la défaite de Benno dans certaines zones.  Le Président Macky Sall a un très bon bilan à travers les nombreux projets structurants qui sortent de terre : infrastructures de dernière génération, PONTS, AUTOTOUTES A PEAGE, TER et BRT… mais les réalisations, si importantes soient-elles sont rarement suffisantes pour gagner des élections. L’éclatement des forces de la majorité, la COVID 19 et l’augmentation de certaines denrées ont impacté sur le vote et en faveur de l’opposition. Cette dernière est allée en coalitions dispersées mais Benno a fait pire car, non seulement il est éclaté mais ses candidats se sont illustrés dans une rivalité déconcertante. Ces élections ont aussi montré que l’argent a des limites et ne peut tout faire. Elles ont aussi été la négation ou le rejet de certaines pratiques comme la transhumance. Aux yeux des sénégalais, les transhumants font de plus en plus mauvaise presse. Combattre farouchement un adversaire pour ensuite le rejoindre parce qu’il est au pouvoir est de plus en plus banni par la conscience populaire. Le Président Houphouët Boigny disait « que la victoire a beaucoup de papas mais la défaite est orpheline ». Le peuple sénégalais condamne de plus en plus ce phénomène. Au fond, la transhumance peut même desservir et créer un effet boomerang. En effet, si le tranhumant est désavoué par l’opinion, il transhumera certes avec ses partisans mais le capital de sympathie pourrait dégringoler dans l’opinion générale et affecter le parti hôte. Au final, quand on interroge la balance, le solde migratoire est négatif pour l’entité qui reçoit ce transhumant même si, cette dernière nourrit l’illusion de massifier et d’engrager de nouveaux militants alors que la venue de ce dernier pourrait bien provoquer une saignée lors des prochaines joutes électorales.

  Pour la coalition Yéwi Askan wi, Khalifa Sall, le Pur, Sonko, Barthélémy Dias et autres, l’engagement et la détermination ont donné, pour ses élections en tout cas, des résultats significatifs. Il reste à savoir maintenant si cette unité résistera aux appétits des uns et des autres face aux législatives prochaines et surtout aux futures élections présidentielles, avec l’émergence confirmée de nouvelles figures de l’opposition sénégalaise. Le Président Maky Sall doit rectifier le tir pour éviter des surprises à grande échelle pour la coalition Benno lors des prochaines élections au Sénégal. Une première lecture de ces élections montre déjà une volonté de changement exprimée par les populations à travers le rajeunissement progressif de son personnel politique. Macky Sall doit être implacable en sanctionnant, si les preuves sont établies, tous ceux qui sont impliqués ou mouillés par des audits ou malversations, dans le cadre de la gestion des deniers publics. Le Président de la République doit poser des actes forts pour donner un souffle nouveau à son action et redonner espoir à ses partisans, ses alliés mais aussi et surtout  une frange importante de l’opinion qui soutient avec force de conviction, son ambition de faire du Sénégal un pays véritablement émergent.

Pr Moustapha Samb

Docteur en communication Cesti/Ucad

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