Législatives et dissolution du fétichisme des 54% (Par Dr Yoro Dia)

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La propagande devient tragique quand ceux qui en sont à l’origine finissent par la prendre pour la réalité. C’est ce qui arrive à Pastef avec les 54 % de la Présidentielle de mars 2024 qui sont devenus un véritable fétichisme politique. Rappelons quelques règles de bon sens.

Primo il n’y a pas deux peuples sénégalais. C’est le même peuple qui a avait réduit le candidat Diomaye Faye à sa plus simple expression à Ndiaganiao lors des locales de 2022 qui va l’élire Président au premier tour en 2024. C’est le même peuple qui avait plébiscité Wade en 2000, l’a congédié démocratiquement 2012. C’est le même peuple qui avait plébiscité Macky Sall en 2012 avec 65% et 58% en 2019 qui a refusé la continuité en votant Diomaye. C’est le même peuple qui avait élu Sonko en 2017 avec le déshonneur démocratique du plus fort reste, qui lui a donné des scores honorables lors des législatives et des locales de 2022. Etant donné que c’est ce même peuple qui élit et qui déchoit, la démocratie se fonde sur des évolutions de l’opinion.

Secundo. C’est aussi une règle de bon sens démocratique, quand un parti arrive au pouvoir, il ne gère plus des déclarations ou des vœux pieux mais plutôt des problèmes humains et il n’y a jamais de solutions définitives aux questions humaines d’où le relativisme qui est consubstantiel à la démocratie mais aussi et surtout un score électoral qui s’érode naturellement avec l’exercice du pouvoir. Les partis de grands hommes d’Etat comme Senghor, Mandela, De Gaulle, Churchill, n’ont pas échappé à cette loi d’airain de la politique. L’exemple le plus cruel est celui de Winston Churchill qui gagne la 2e guerre mondiale le 8 mai 1945 et devient le « plus grand britannique de l’histoire » mais perd les élections générales le 05 juillet 1945. En moins de 60 jours l’opinion avait évolué en tournant la page de la guerre. Donc en novembre 2024, Pastef aura été au pouvoir depuis 7 mois et l’opinion aura naturellement évolué. L’opinion évolue chaque fois que notre Premier Ministre prend la parole. Kou wakh fegn comme disent les rappeurs. Le point de départ du décrochage de l’opinion a été le 24 avril 2024 quand le communiqué du conseil des Ministres a confirmé que le Projet dont on nous parlait depuis 10 ans était un projet nakhembaye. Le 12 septembre sera aussi un autre décrochage de l’opinion parce que après le Projet Nakhembaye nous entrons dans l’ère de la gouvernance présidentielle nakhembaye avec un Président qui sacrifie la sacralité de la parole présidentielle pour sauver son Premier Ministre.

Malheureusement, le Président de tous les sénégalais devient le fusible de son « guide suprême » : Darius Sonko. De fait nous avons basculé dans le modèle iranien avec Sonko, le guide suprême au-dessus du Président de la République et des institutions. Il aura été ainsi le seul Premier Ministre à n’avoir pas fait sa DPG avec la complicité d’un Président de la République qui sert de bouclier à ce gladiateur qui n’a eu le courage de se présenter au parlement. Dans notre histoire politique, il n’y a jamais rien eu d’aussi pathétique politiquement et d’indigent intellectuellement que l’argument du manque de légitimité politique du parlement pour ne pas faire sa DPG.

Comme je l’ai rappelé au début du texte, c’est le même peuple qui a élu Diomaye qui avait élu les députés parce que la démocratie se fonde sur les évolutions de l’opinion. Mais aujourd’hui au Sénégal comme en France du temps de François 1er, le bon plaisir du Guide suprême Sonko est devenu la loi mais Pastef aurait dû trouver des arguments intellectuellement moins indigents. En convoquant les députés le 13 septembre pour la DPG pour finalement dissoudre l’assemblée le 12, le Président de la République a procédé à une dissolution pour satisfaire dans la forme une convenance personnelle de son Premier Ministre. La pouvoir de dissolution qui est un héritage de la monarchie a été pendant longtemps une ligne de démarcation entre monarchie et République. Dans la République, ce pouvoir est conféré au Président parce qu’il est la clé de voute des Institutions et par conséquent aux dessus des partis et de la mêlée.

Faire du nakhembaye pour éviter au Premier Ministre une DPG est la preuve que le Président est dans la mêlée et perd ainsi son statut d’arbitre. C’est peut-être pourquoi les pères fondateurs des Etats Unis dans leur grande sagesse ont proscrit la dissolution parce que le Président de la République, comme le parlement qui représente légitimement le Peuple doit être permanent et intangible comme le dit le chapitre 1, article 5 de constitution française du 03 septembre 1791« le corps législatif ne pourra être dissous par le roi ». Si même dans les monarchies, on reconnait la légitimité du parlement, surtout sa permanence et son intangibilité, la République qui se fonde sur le système représentatif ne devrait pas être en reste avec ou sans pouvoir de dissolution. Les français depuis qu’ils ont essayé la Cohabitation y reviennent souvent. Le Sénégal aussi va découvrir ses vertus de la cohabitation qui se fonde sur l’équilibre des pouvoirs, le dialogue permanent mais aussi sur le contrôle mutuel et réciproque entre les acteurs politiques. En tout cas la France a été aussi rarement bien gérée que lors des 5 ans de cohabitation Chirac-Jospin. Vox populi, vox dei, le 17 novembre, le peuple, le seul arbitre, va trancher après avoir examiné le rapport de stage de Pastef. Pour moi, il est globalement négatif et les législatives sont l’occasion unique de faire un demi-tour démocratique en imposant à Diomaye 1er Roi d’Angleterre une cohabitation pour limiter les dégâts qui sont énormes surtout sur le plan économique et sur la politique extérieure où le Sénégal s’enferme chaque jour un peu plus dans un « splendide isolement ». La cohabitation est la seule solution pour ne pas perdre 5 ans avec Diomaye 1er qui va continuer de régner comme un Roi d’Angleterre mais nous épargnera la torture de l’amateurisme du gouvernement de stagiaires. En plus la cohabitation sera plus douce pour le Président que celle qu’il subit avec un Premier Ministre excessif, incompétent et encombrant.

Dr Yoro Dia

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