La cop 27 se prépare activement. Elle se tiendra dans quelques semaines, du 7 au 18 novembre prochain à Charm El Cheikh en terre Africaine d’Egypte.
Autour du thème “Jouer collectif dans la lutte contre le changement climatique “, les participants vont débattre dans un contexte particulier marqué par la persistance d’une covid non encore jugulée et la réalité d’une guerre à l’issue de plus en plus incertaine en Ukraine dont les conséquences pèsent déjà lourd dans les options des Etats, notamment ceux des pays riches dans leur approche du sujet énergie et climat.
Les enjeux de cette guerre sont énormes pour l’Europe au regard en particulier de la position de centralité de la Russie dans l’approvisionnement en gaz d’importants pays de ce continent.
Même chose pour l’Afrique en ce qui concerne le marché des céréales dont une part considérable provient des pays en conflit, en l’occurrence l’Ukraine et la Russie.
Autant de bonnes raisons pour justifier qu’à la réunion sur “l’adaptation en Afrique ” tenue à Rotterdam le 5 septembre dernier avec la participation des Présidents Macky Sall du Sénégal , President en exercice de l’Union Africaine , Felix Tshisékédi de la République Démocratique du Congo et Nana Akufo-Addo du Ghana, ensuite à la tribune des Nations Unies à New York quelques semaines plus tard , le Président du Sénégal et ses collègues du continent se sont encore faits les avocats de l’Afrique par des plaidoyers engagés afin que soit revisitée la gouvernance mondiale dans le sens d’un ordre international qui tourne le dos à la primauté de la force sur le droit.
Les peuples et leurs dirigeants appellent à un partenariat de nouvelle génération entre nations riches et pays en développement basé sur un juste équilibre des intérêts et des avantages entre toutes les parties.
Sur le financement du développement, la dette des pays les moins avancés, l’accès des populations africaines aux vaccins, la justice climatique et beaucoup d’autres grands sujets de portée internationale, le Président Macky Sall est constant sur la ligne de front pour l’avènement d’un nouvel ordre politique et économique mondial.
Ce combat est un combat stratégique qui malheureusement ne mobilise plus comme avant les intellectuels et les politiques du continent.Il est pourtant fondamental car son issue conditionne dans une très large mesure la paix, la sécurité et la stabilité du monde dans lequel nous vivons.
Comme l’écrivait avec force Maître Babacar Niang, à la suite du Professeur Cheikh Anta Diop, dans des éditoriaux célèbres des organes du Rassemblement national démocratique ( Rnd ) des années 80 , ” la paix et la sécurité précèdent et sont les conditions du développement.”
Il est évident, en toute lucidité, que les énormes inégalités caractéristiques du monde actuel, inégalités entre les nations et au sein des nations, sont devenues intolérables pour des milliards d’êtres humains fermement engagés dans la revendication d’un monde plus juste et plus solidaire. Dans ce combat on note l’émergence d’une masse critique de plus en plus importante d’activistes radicaux et de groupes fanatiques de toutes obédiences habités par ” un ardent désir de tuer ” bien supérieur à ” leur peur de mourir “, et avec des moyens de violences égaux ou parfois supérieurs à ceux des Etats.
En alertant et en mettant en garde de manière constante sur les exigences de renégociation des termes d’un partenariat mondial de nouvelles générations assis sur un socle solide de respect mutuel, de justice et de saine solidarité, le Président du Sénégal assume avec constance un devoir de vérité et un leadership africain incontestable que les intellectuels, hommes politiques et société civile de notre pays et du continent doivent se donner l’obligation patriotique de soutenir.
Notre engagement commun est d’autant plus crucial sur ces sujets que dans la perspective de la Cop 27 de Charm el Cheikh, il est capital que l’Afrique parle d’une seule voix face aux pays industrialisés qui nous ont fait lors du sommet précédent de Glasgow la mauvaise surprise d’une résolution tendant à l’interdiction de tout financement destiné à l’exploitation par nos pays de leurs ressources énergétiques classées dans le lot des fossiles. Le cynisme est allé au point d’y inclure le gaz dont tout le monde reconnaît le faible niveau de toxicité sur le climat. Et ceci au moment où ces mêmes pays riches continuent de recourir à des produits autrement plus nocifs, notamment le gaz de schiste et le charbon pour répondre à leurs besoins fondamentaux d’approvisionnement en énergies.
Curieux paradoxe d’une scène internationale où les pays industrialisés pollueurs exigent des pays Africains, principales victimes des gaz à effets de serre dont ils contribuent pour moins de 5 %, qu’ils s’en tiennent de façon unilatérale à une éthique de production respectueuse du climat au moment même où les industriels des pays riches , avec le soutien de leurs états, continuent de plus belle d’exposer l’humanité entière aux pires risques de destruction de la planète que nous avons en commun.
Toutes ces raisons justifient à suffisance que la Cop 27 de Charm El Cheikh marque le tournant d’une participation africaine placée sous le signe de la vigoureuse prise en main de notre destin , sur les sujets énergie et climat en particulier .
Les initiateurs de ce qui deviendra le Conseil patronal des énergies renouvelables du Sénégal (Coperes), en association avec Enda énergie et avec le soutien du gouvernement du Sénégal et la Cedeao, avaient organisé, en octobre 2015, une conférence africaine sur la souveraineté énergétique du continent. Ce fut un franc succès avec la participation de 22 pays. Les résultats consignés dans la “Déclaration de Dakar” avaient été solennellement livrés au Président Macky Sall la veille de la Cop 21 de Paris.
Cette importante contribution des acteurs du secteur privé et de la société civile du continent reste encore d’une grande actualité au regard des enjeux cruciaux du moment.
Dans le contexte actuel , trois défis majeurs s’imposent à l’Afrique dans la perspective de la Cop 27 de Charm et au-delà : le défi de l’accès universel à l’énergie, le défi de notre entière souveraineté à définir par nous-mêmes notre politique de mix énergétique et celui enfin de la promotion des énergies productives pour le développement industriel .
L’accès universel à l’énergie comporte à la fois des enjeux de souveraineté, de dignité et de développement.
S’il est établi, comme écrit Jacques Attali, “qu’aucune économie de vie n’est possible sans un minimum énergétique et industriel”, l’accès universel à l’énergie pour la satisfaction des besoins vitaux des ménages et de notre appareil productif est aujourd’hui une sur-priorité pour l’Afrique.
Il faut bien tirer de manière lucide les leçons de l’expérience de la récente crise sanitaire de la covid 19 qui a frappé le monde dans son ensemble.Malgré son impact sur l’économie mondiale et la forte mortalité engendrée, elle n’a donné lieu à aucun réflexe de sursaut en termes de prise en charge collective et coordonnée dans le cadre du multilatéralisme.
Ceci doit achever de convaincre de la prévalence persistante des logiques d’égoïsme national sur les logiques de co-responsabilité et de solidarité dans la gouvernance des problèmes du monde.
Il est bien arrivé le temps pour les dirigeants, les élites et les peuples africains de faire le constat définitif de cette évidence pour en tirer toutes les conséquences.
Faire face au défi vital de l’accès universel à l’énergie, c’est non seulement l’inscrire au rang de sur-priorité dans nos politiques nationales et communautaires, mais c’est aussi organiser un vaste élan de mobilisation d’investissements intra-africains, largement à notre portée tant du côté du capital Africain endogène qu’auprès de nos compatriotes de la diaspora.
C’est en s’engageant résolument dans cette voie que l’Afrique sera plus à l’aise pour décider en toute souveraineté de son mix énergétique en fonction de ses sur-priorités d’accès à l’énergie pour tous.
C’est d’ailleurs dans ce cadre que doit se poser le débat Africain sur la transition énergetique .
Transition , oui ! Mais quelle transition ?
Si c’est au nom de la transition énergetique qu’on s’acharne à imposer des diktats à nos pays , il est alors important que l’Afrique se prépare à ce grand débat de notre époque . Ce chapitre sur le climat concernant la transition énergétique est un front de lutte aussi important que les autres
“La bataille des mots est essentielle en politique car c est avec par des mots qu’on conquiert des territoires idéologiques ” ( Edgar Morin ) .
La transition des nations depuis longtemps souveraines , confortablement installées dans le cercle vertueux et irréversible du développement économique et social peut- elle avoir le même contenu que celle des nations confrontées à un déficit structurel d’acces en matière d’accès â l’énergie ?
Il se pose là tout l’enjeu du débat sur le financement par les pays pollueurs de la transition en cours dans les pays en développement pour arriver à des sociétés plus inclusives , résilientes et sobres en carbone .
Le financement par les pays pollueurs de la transition énergetique dans nos pays ne relève ni de l’aide classique encore moins de charité . Il répond à des engagements internationaux actés par devoirs de justice , de réparation et de régulation dans le rapport global du développement au climat .
Le Sénégal, sous ce rapport, est bien fondé à revendiquer avec force ses droits et sa liberté de choix dans ce domaine .
S’il a pris l’option du ” gaz to power ” , c’est pour réduire au maximum les impacts sur l’environnement de sa production future de pétrole et de gaz.
Le pays se prévaut par ailleurs d’un taux gratifiant de plus 30% d’énergies propres dans son mix énergétique, performance qui le place parmi les meilleurs en Afrique et sur les autres continents.
L’option retenue , c’est de rester en toutes circonstances fidèle à cette ligne de responsabilité dans l’exploitation des ressources en énergies fossiles du pays . Ce qui se fera dans des conditions écologiquement rationnelles et vertueuses. Le souci restera constant de sauvegarde des équilibres entre renouvelable et non renouvelable dans sa politique de mix énergétique en empruntant une trajectoire de développement respectueuse de l’environnement , sobre en carbone et résiliente aux changements climatiques . C’est l’engagement de nos dirigeants.
Il est temps enfin que les pays industrialisés pollueurs se rendent comptent de leur côté de l’évidence qu’elle est terminée l’époque de “l’alliance du cavalier et du cheval”.
Nous devons être aujourd’hui dans le temps des partenariats de co-responsabilité et des solidarités si nous voulons réellement un monde en développement dans la paix et la sécurité.
La nouvelle alliance avec l’Afrique doit désormais se construire dans la perspective de l’exploitation intelligente et sur une base concertée et mutuellement avantageuse de son énorme potentiel énergétique, notamment en renouvelables pour que le continent puisse emprunter un itinéraire d’industrialisation à la fois accélérée et alternatif, efficace et écologique.
Abdou Fall
Ancien Ministre d’etat ,
Ambassadeur de bonne volonté en développement durable au titre de l’agence pour les énergies renouvelables , l’économie d’énergie et l’efficacité énergétique de la Cedeao (Ecreee / Cedeao )
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