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«Razzia sur l’Atlantique», sur Public Sénat: comment la surpêche étrangère «vole le poisson» des Sénégalais

Le Monde: Nicolas Van Ingen revient sur les rouages qui ont mené à l’actuelle pénurie de ressources halieutiques au large des côtes de ce pays d’Afrique de l’Ouest.

«C’est les Européens,c’est les Asiatiques,c’est eux qui appauvrissent l’Afrique,c’est eux qui volent le poisson des Africains ! »

L’invective de Karim Sall, pêcheur traditionnel et leader syndicaliste, est directe.
La beauté des vues aériennes de pirogues multicolores détonne avec la catastrophe environnementale et humaine qu’il dénonce : depuis cinq décennies, en orchestrant la surpêche au large des côtes sénégalaises, Européens, Chinois et Russes sont à l’origine d’une immigration croissante, clandestine et souvent mortelle de l’Afrique vers l’Europe.

Pour Karim Sall, certains signes ne trompent pas. C’est ainsi la première fois de sa vie que ce quadragénaire voit des panneaux en carton « A vendre » sur les pirogues sénégalaises.
Comment en est-on arrivé là ?
Le réalisateur Nicolas Van Ingen distingue quatre rouages dans l’engrenage qui a conduit à la mise en péril du « peuple des pêcheurs ».

En premier lieu, le pillage des ressources halieutiques par les flottes étrangères depuis la première convention de Lomé, en 1975, qui a autorisé les Européens à pêcher au large du Sénégal et ouvert la voie à la surexploitation des années 1980-1990.

Si le film ne précise pas que toutes les pêches traditionnelles du littoral atlantique, y compris françaises, sont concernées, il signale l’inaction des présidents sénégalais Abdou Diouf (1981-2000) et Abdoulaye Wade (2000-2012) jusqu’à la campagne présidentielle de 2011, au cours de laquelle un nouveau candidat, Macky Sall, redonne de l’espoir.

Elu en mars 2012, il signe effectivement de nouveaux accords de pêche, plus restrictifs. Mais les surexploiteurs trouvent la parade avec la « sénégalisation » de bateaux (passage sous pavillon local) – c’est le deuxième rouage. Vont s’y agréger la pêche illégale (troisième rouage), illustrée par les images d’un navire russe, et, ultime rouage, l’asservissement par les usines de farine de poisson.
Tension avec la Chine
Le commentaire évite tout simplisme, alors que les vues magnifiques de rivages, de marchés, de pêches s’enchaînent avec les scènes d’affrontements, comme lors du soulèvement de 2019.

Depuis, la tension est montée d’un cran entre pêcheurs sénégalais et chinois, alors que la Chine représente désormais la majorité de la flotte de pêche étrangère au large de l’Afrique de l’Ouest. Ce qui n’a pas empêché Macky Sall d’accueillir le président Xi Jinping en juillet 2018. « La Chine fait aujourd’hui ce que l’Europe faisait hier », souligne le commentaire, alors que l’universitaire Tabitha Grace Mallory rappelle, elle, que la Chine a supprimé le chalutage dans ses eaux.

Le poisson ne permettant plus aux hommes de nourrir leurs familles, les plus jeunes partent. Certains vont mourir, comme en témoigne une mère dont le fils a disparu en Méditerranée ; d’autres vont réussir, comme Ibrahim, arrivé en France en 2018 et pêcheur à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais).
Soixante ans après la vague des indépendances, l’Afrique est présentée comme le continent du XXIe siècle. Mais les politiques occidentaux peinent à trouver le ton juste. Emmanuel Macron est ainsi parti quatre jours, du 1er au 4 mars, au Gabon, en Angola, au Congo-Brazzaville et en République démocratique du Congo, pour redéfinir « un partenariat entre la France, l’Europe et le continent africain ».

« D’abord il y a eu l’esclavage, ensuite la colonisation. Après, ils ont essayé de parler d’indépendance. Mais on n’est pas indépendants », assène Karim Sall.
Razzia sur l’Atlantique, documentaire de Nicolas Van Ingen (Fr., 2023, 52 min).

Diffusé sur Public Sénat.

Par Catherine Pacary

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