Des organisations de la Société civile se sont senties proprement enfarinées et discréditées, avec le nouveau projet de « Code électoral de consensus national » qui est le second après celui de 1992, qu’elles ont participé à élaborer et à proposer au Président de la République, qui l’a adopté sans y changer une virgule, à l’exemple du Président Diouf en 1992.
C’est ainsi que le Forum Civil, l’OND 3D et la Cosydep cherchent à rebondir en agitant le « contrôle citoyen » comme leur nouvel horizon, en organisant à cet effet, un « atelier national d’apprentissage et de réflexion sur le contrôle citoyen de l’action publique », auquel le CESE et l’OFNAC ont participé.
Dans cet atelier, Moundiaye Cisssé de l’ONG 3D a défini leur objectif en ces termes :
“De plus en plus avec cette démocratie représentative on se pose la question de savoir si les députés représentent pleinement les citoyens ? C’est ce qui fait naître les mouvements citoyens pour compléter l’action des députés en matière de contrôle de législation. Des lois sont votées à l’Assemblée nationale dont les citoyens ne connaissent pas la teneur. C’est ce qui justifie l’action du contrôle citoyen. Il faut que les citoyens s’organisent pour prendre en charge le contrôle de l’action publique”.
Ainsi derechef, il octroie aux « mouvements citoyens » le rôle de « compléter l’action des Députés », que ni la Constitution, ni les Lois, ni les règlements de notre pays ne leur reconnaissent.
Et Birahim Seck, Coordinateur du Forum Civil, de préciser :
« C’est pour consolider une action commune de contrôle citoyen de l’action publique. Cet atelier n’est qu’une étape parce que nous avons pour ambition de décentraliser ces actions communes au niveau des collectivités territoriales. Nous allons créer une masse active populaire. Ceci au-delà de la masse critique pour que le gap que les représentants du peuple n’ont pas jusqu’à présent rempli, pour que les populations puissent elles-mêmes faire le contrôle citoyen au niveau des territoires ».
Et pour comble de prétention, Moundiaye Cisssé de conclure :
« Le mode d’élection des députés pose problème. Les citoyens n’ont pas la mainmise sur les députés qu’ils élisent. On doit arriver à ce que les députés soient élus au suffrage universel direct. On doit aller à des réformes de ce genre. C’est tout le sens qu’il faut donner à cette action”.
Ainsi, il ne sait même pas que les Députés du Sénégal sont élus au Suffrage universel direct depuis son accession à l’Indépendance en 1960, en confondant l’élection des Députés « sur liste » au Sénégal, et leur élection au scrutin « uni nominal », comme aux Etats Unis.
Le comble, c’est qu’il ignore que même élus sur un scrutin uni nominal, les Députés US échappent aussi, comme au Sénégal, au contrôle citoyen de leurs mandats, faute de dispositions constitutionnelles ou légales à cet effet.
Cette nouvelle ambition de ces organisations de la Société civile, fait suite aux entraves à leur accès au pouvoir local que constitue le maintien du parrainage aux élections locales exclusivement pour leur candidature.
Cette disposition combinée à l’élection du Maire au suffrage universel direct qu’elles ont adoubée, les oblige à passer sous le couvert de Partis politiques pour assouvir leurs ambitions de prise du pouvoir local, pour en faire un « contrepouvoir » face au « pouvoir central ».
Le pouvoir local leur échappant ainsi, elles ont trouvé dans le « contrôle citoyen » un moyen pour légitimer leurs luttes contre le pouvoir central, en cherchant à créer, à partir des collectivités territoriales, une « masse active populaire », à mettre en branle pour le prendre par la « Rue », en usant et abusant des libertés démocratiques de « marche pacifique » garanties par la Constitution et les Lois du pays.
Elles veulent ainsi capitaliser sur le recours fréquent des populations aux manifestations publiques pour défendre les Terres du Domaine national contre leur bradage, pour en faire un puissant mouvement national contre le pouvoir central.
Et cela, avec l’objectif d’y faire éjecter les politiques, en droite ligne de la stratégie dans la mise en œuvre de « l’Effet Pangolin » du Président Français, Emmanuel Macron, pour reconquérir la place privilégiée qu’elle a toujours occupée dans nos Economies, que la Chine s’empare de plus en plus, devenant ainsi au Sénégal comme partout en Afrique, pour les Etats Unis et l’Union Européenne, le principal adversaire à barrer la route.
Pourtant ces organisations de la Société civile, ne doivent pas ignorer, si c’est le « contrôle citoyen » était véritablement leurs préoccupations, que depuis 2013, « l’Acte III de la Décentralisation » a jeté ses bases légales dans le nouveau « Code Général des Collectivités Territoriales ».
En effet, la Loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013, portant « le Code Général des Collectivités Territoriales », dispose en son Article 83 : que « dans chaque Commune du pays, des citoyens ou des représentants d’associations d’un quartier ou d’un village peuvent se constituer en un conseil consultatif. Ces conseils sont consultés par le maire et peuvent faire des propositions sur tout dossier intéressant le quartier ou le village ».
Il n’a manqué pour la mise en œuvre de cette disposition révolutionnaire de démocratisation de la gestion des Communes, que la prise, par le Ministre chargé des Collectivités Territoriales, d’un Décret portant « organisation et fonctionnement des Conseils Consultatifs ».
Cependant, l’on a constaté avec étonnement, que lors des « concertations nationales sur le processus électoral », aucune organisation de la Société civile y participant, n’a soulevé la nécessité d’examiner un projet de Décret à cet effet, mais elles ont plutôt dépensé toutes leurs énergies à défendre l’élection du Maire au suffrage universel direct, pour le soustraire du contrôle du Conseil municipal, portant ainsi un coup fatal à la Démocratie locale acquise de haute lutte par les citoyens de ce pays, depuis l’avènement des « Communes de plein exercice » à l’époque coloniale.
L’institution du « Conseil Consultatif de Quartier/Village », constitue un approfondissement de la démocratisation des Institutions de la République tant au niveau central que local, et est la base du « contrôle citoyen » sur les Elus locaux, et leur Union ultérieure au niveau départemental, celle du « contrôle citoyen » sur les Députés et les Grands Commis de l’Etat, affectés dans leurs départements ou /et y exécutant des projets nationaux.
Ce sont ces Conseils locaux et leurs Unions départementales, qui complètent, au niveau local, le contrôle parlementaire sur l’Exécutif au niveau national.
Ces organisations de la Société civile, en alliance avec les « activistes pro -démocratie », veulent donc se substituer aux citoyens légalement organisés dans les « Conseils Consultatifs » pour, au nom du « contrôle citoyen », promouvoir « une masse active populaire » sous leur égide en dehors des Partis politiques, afin de réaliser leurs objectifs d’accès au pouvoir qu’elles ne peuvent pas atteindre par les Urnes.
Les laisser faire serait trahir la République démocratique du Sénégal et son approfondissement encours, en « République démocratique et citoyenne ».
Plus que jamais, avec l’élection du Maire au suffrage universel direct, seuls les « Conseils Consultatifs » peuvent constituer un contre-pouvoir efficace et efficient, à leurs dérives autocratiques, que facilite ce dessaisissement du Conseil municipal, de ses prérogatives citoyennes historiques de contrôle sur ses actions.
Tous ensemble pour la prise du Décret tant attendu à cet effet avant la tenue des Locales du 23 janvier 2022.
Ibrahima SENE PIT/SENEGAL
Dakar le 9 juillet 2021
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