« Même les nénuphars tremblent à l’idée qu’on puisse assainir le fond du marécage » Stanislaw Jerzy Lec[1]
Au Sénégal, les rapports d’audit, de l’inspection générale d’État (ige), relatifs aux fautes de gestion commises par les gestionnaires de nos ressources publiques, ne servent plus à rien. Car, certains délinquants épinglés et proches du pouvoir bénéficient d’une impunité totale. Cette situation date, certes, de longtemps, mais a pris des proportions inimaginables de l’alternance 2000 à aujourd’hui. Pratiquement, les détournements de ressources publiques sont devenus une hémorragie. Et c’est ce drame que nous vivons et qui est malheureusement entretenu par les pouvoirs qui se sont succédé à la tête du Sénégal. Cet état de fait, un véritable drame, plombe l’émergence du Sénégal vers le développement dans tous les domaines depuis cinq décennies approximativement.
Hé oui, c’est, certes, triste pour notre pays, mais par devoir de vérité et d’honnêteté nous devons avoir le courage de reconnaitre cette caractéristique malheureusement, indéniable de notre pays. Mieux, il faut admettre que le Sénégal s’est distingué dans la fraude, malversations, corruption, filouterie, le détournement des deniers publics et les autres contrevaleurs sociales, rien que pour faire de l’argent facilement. Avec une impunité presque totale dont bénéficient les prédateurs de tous bords, ces derniers trouvent au Sénégal un terrain bien fertile pour s’adonner à leur sale besogne. Et pourtant, à propos des biens publics communs à tous, l’éthique nous interdit, en toutes circonstances et en tous temps de violer leur intégrité. Elle nous dicte de les sauvegarder par tous moyens et autant que possible. Ce que l’adage wolof traduit en ceci : « aalalu mboolo baayifa la tudd té dañu ko wara ñaag te ñepp ñoko wara saam sa suune». Ce lien vous conduira à un article que j’avais consacré au service public. http://www.devoircitoyen.fr/index.php/culture/12-le-service-public-doit-etre-un-sacerdoce-et-non-une-source-d-enrichissement-facile.
Mais les Sénégalais sont bien des témoins vivants, heureusement, que même avant ces révélations flagrantes des récents rapports des institutions de contrôle (IGE, OFNAC, Cour des Comptes, etc.) de la gestion en général des ressources publiques. Les derniers Rapports publics de l’IGE, comme ceux avant, montrent tous avec suffisance un résultat sombre et affligeant. Les rapports révèlent que la plupart des fonctionnaires responsables en charge de la gestion des biens publics qui leur sont confiés les ont détournés à leur propre profit tout ou partie. Au Sénégal, les fautes de gestion même avérées ne sont pas punies, si toutefois les délinquants sont des proches du pouvoir. Ainsi, à cause d’une absence de rigueur notoire dans la surveillance et de complicité de l’État, mais aussi des lobbies, receleurs intéressés aux butins des voleurs, la situation va perdurer. Il faut donc, que le Sénégal rompe nécessairement avec cette spirale infernale d’impunité des gestionnaires délinquants. Voilà pourquoi les rapports d’audit doivent être exploités à bon escient et leurs recommandations exécutées dans les règles.
Le vérificateur a parfaitement raison lorsqu’il déclarait dans le journal l’Observateur du 28 Aout 2014 : « On ne peut pas tordre la main à l’exécutif » « La Cour des comptes a, lors d’une conférence de presse …, rendu public son rapport 2012, 296 pages d’irrégularités et de recommandations soulevées par le vérificateur. Quant à la suite à leur réserver et aux poursuites qui pourraient en découler, elles relèvent de l’exécutif ».
C’est un langage très clair et sans complaisance. Cela veut dire que la mission des vérificateurs est de faire des rapports étayés par des preuves, mais la prise de sanction contre les délinquants épinglés par les rapports relève exclusivement de l’exécutif. Ce passage de la lettre de Mme Nafi Ngom Keita au Président de la République par rapport au refus du président Macky Sall de faire appliquer la loi de la déclaration de patrimoine sur ceux qui en sont assujettis prouve que ces derniers bénéficient du soutien tacite du président Sall. Je cite : «Je m’abstiendrai de saisir la Cour suprême pour excès de pouvoir car, son Premier Président qui est sensé recevoir mon recours, est en désaccord avec l’OFNAC, parce qu’il s’abstient de faire sa déclaration de patrimoine comme du reste vos Ministres etConseillers.
Quand je vous en ai rendu compte, vous m’avez demandé de le laisser tranquille[2]. »
Donc, ceux qui refusent encore en 2020 de faire leur déclaration de patrimoine ont une source et se fondent sûrement sur quelque chose.Voilà pourquoi le travail remarquable des vérificateurs, c’est-à-dire leurs rapports qui nous dévoilent les prédateurs de nos ressources nationales ne doivent pas tomber en lettre morte ou dormir dans les tiroirs du président de la République, pour des raisons, tout-à-fait, obscures. Il est évident net et clair que, tant qu’un tel environnement favorable à toutes sortes de malversations demeurera dans notre pays, il ne pourra jamais y avoir d’émergence à plus forte raison un développement économique, social et culturel, car, c’est un préalable minimum. Je posais déjà dans l’une de mes contributions la question de savoir : « À quoi l’ige sert donc, si ses rapports ne sont pas suivis de sanctions nécessaires »
En effet, au Sénégal, nous avons des compatriotes qui ont délibérément opté de vivre dans la facilité et au-dessus de leurs propres moyens sans pour autant vouloir bouger le petit doigt. Et ces individus-là pour arriver à leurs fins sont prêts à tout et tous les moyens sont bons. Ces derniers n’excluent donc de leurs actes ni la nature illicite ou criminelle pour s’accaparer des biens publics sous leur garde. Socialement, de tels citoyens dépourvus de l’éthique, la probité et de patriotisme sont nuisibles à leur société. Cette catégorie de citoyens ignore le sens même de la citoyenneté, les valeurs qui font que l’homme ou la femme soit un exemple ou modèle de comportement citoyen dans la République. En vérité, ce ne serait exagéré ni faux de penser que l’atmosphère actuelle créée délibérément au Sénégal par le pouvoir en faveur de l’anarchie et l’impunité n’est pas une sorte d’invite au pillage de nos ressources, qui ne dit pas son nom.
Ce qui est par ailleurs affligeant et méprisable dans tout cela, c’est quand ces délinquants au col blanc ne sont pas punis bien qu’ils soient parfaitement identifiés et épinglés par les organes habilités. Et le comble en outre, ils bénéficient d’une impunité totale de l’État à cause de leur proximité au chef de l’État ou appartenance du parti au pouvoir. Il faut regretter également l’indifférence inadmissible d’une partie de la population qui, sûrement, ignore le fond ainsi que les tenants et aboutissants des malversations commises par ces délinquants. Au total, l’on peut parfaitement faire ce constat irréfutable que, depuis plus de cinquante ans, le Sénégal se singularise dans la mauvaise gestion et patauge dans un mal gouvernance synonyme de pillage délibéré. C’est vraiment inacceptable !
Donc, ceux qui se sont enrichis illicitement à la faveur de leur gestion des biens publics qu’ils ont pillés sont actuellement devenus libres. Ce qui est fort heureusement loin de la majorité des honnêtes Sénégalais qui n’ont jamais touché ni de près ni de loin aux biens publics communs à toute la nation.
Alors que la loi devait traquer tous les incriminés de biens mal acquis pour qu’ils rendent gorges des biens volés. Car, ces derniers savent parfaitement que les richesses qu’ils détiennent ne leur appartiennent pas. Si nous étions dans un État de droit avec une justice qui marche sur ses deux jambes, tous ces délinquants auraient perdu le sommeil depuis longtemps. Mais, hélas ! En ce moment, ils mènent la belle vie et tentes entre frères libéraux anciens et nouveaux de conserver le pouvoir au Sénégal. Actuellement, les accusés font toutes sortes de tractations avec leurs lobbies pour empêcher à tout prix les poursuites contre eux et l’application de la loi sur l’enrichissement illicite dans les règles de l’art. En effet, toutes ces manifestations de soutien à Karim Wade et ses amis ont pour objectif de vouloir brouiller les pistes qui mènent au pillage dont ils sont auteurs. Et tout cela ne fait que conforter encore l’idée selon laquelle il y a anguille sous roche et des dessous, sûrement, inavouables des pouvoirs. Nous trouvons d’ailleurs, indécente cette campagne tous azimuts menée pour innocenter les 25 cités en dehors d’un procès équitable en bonne et due forme. Alors que, dans le même temps, d’autres Sénégalais croupissent dans les prisons du pays depuis des années pour, certainement, des délits mineurs ne concernant nullement des biens publics. Mais au nom de quoi ?
Mais, si l’on en juge de par la loi, c’est l’acte de voler que la société condamne, car il constitue un délit, quelle que soit la grandeur de l’objet et la nature du vol. Alors, tout auteur de délit de vol doit être traduit devant la justice et jugé par les juridictions compétentes. En tout cas, dans un État de droit où la justice est équitable et les citoyens sont égaux devant la loi, c’est ainsi qu’il en est.
Voilà pourquoi il n’y a aucun inconvénient, bien au contraire, à la création de la CREI comme juridiction spécifique dont l’objectif qui lui est bien assigné, c’est faire toute la lumière sur le pillage systématique des ressources du pays à un moment donné.
Sans audit systématique des gestionnaires de nos ressources publiques par les corps de contrôle pour imposer une gestion rigoureuse des ressources publiques ainsi qu’une remise à niveau dans l’administration générale autrement dit, la bonne gouvernance du pays, point de développement possible ! Et comme le dit l’adage wolof : « Bu kenn di gaas fukk di suul, paaq du fa mana aam »
Mandiaye Gaye
[1] Stanislaw Jerzy Lec né le 6 mars 1906 mort le 7 mai1966
[2] Lettre de Mme Nafi Ngom Keita ex- presidente de
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