L’Armée sénégalaise célèbre sa victoire sur fond de défaite (JM. Biagui)

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N’est-ce pas une belle victoire sur fond de défaite que la dernière victoire en date de l’Armée sénégalaise aux dépens du Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC) ?

Rappelons d’abord, et tout à propos, que le MFDC, ce ne sont pas des bandes armées, mais un mouvement de libération nationale.

Certes, le MFDC se compose de nos jours d’autant de factions que de chefs autoproclamés, tant au niveau de son aile politique que de sa branche armée ATIKA. Mais autant la corsication (division à l’image du mouvement indépendantiste en Corse) du MFDC est une réalité, autant celui-ci est et reste un mouvement de libération nationale, qui lutte précisément pour l’indépendance de la Casamance.

Et quand l’Armée sénégalaise argue, suite à sa dernière campagne militaire en Casamance, qu’en l’espèce elle ne faisait que traiter les bandes armées qui empêchaient jusqu’alors les populations concernées de dormir du sommeil du juste, il faut y voir de la com’, rien que de la com’, à l’intention exclusive des Casamançais et plus globalement des Sénégalais ; l’opinion internationale, quant à elle, ayant tôt entrepris de rétablir la réalité des faits, à savoir que l’Armée sénégalaise, dans cette nouvelle offensive, objectivement, avait déclaré et fait la guerre au MFDC ; à la faveur de laquelle sa puissance de feu conjuguée à l’effet de surprise aura donc eu raison de la bravoure des bases ciblées du MFDC.

Mais ce sera pour constater, in fine donc, que les combattants du MFDC se sont évaporés dans le nature, avec armes et bagages, excepté les armes obsolètes ou non-fonctionnelles, parmi lesquelles notamment celles récupérées auprès de l’Armée sénégalaise lors de combats antérieurs.

Et fait notable : aucune perte en vie humaine, je dis bien aucune perte en vie humaine, n’a été notée dans les rangs de ATIKA.

Ça, ce sont les faits. Et ils sont têtus, et incontestables. Mais ce qui l’est moins, c’est ce que cette victoire sur fond de défaite de l’Armée sénégalaise aux dépens du MFDC nous promet pour demain.

Or, demain est un autre jour, et un autre temps. Demain est aussi un autre espace.

N’est-ce pas ce que le GRPC de Robert Sagna a bien compris ? Lui qui s’emploie en l’occurrence à obtenir du MFDC qu’il apporte un démenti formel à l’Armée sénégalaise qui dit, et redit, que, dans sa dernière campagne militaire en Casamance, elle ne s’en prenait qu’à des bandes armées (sous-entendu, pas au MFDC).

Soit ! Mais quel MFDC le GRPC interpelle-t-il de la sorte ? Le « MFDC de Mongone », celui-là même qu’il se plait à rencontrer, ou à réunir, chaque fois que de besoin, et à des fins jamais avouées ?

Quoi qu’il en soit, c’est un euphémisme, le Groupe de réflexion pour la paix en Casamance (GRPC) est, entre autres, au commencement de la reprise des hostilités en Casamance, pour le meilleur et pour le pire.

Cherchez donc l’erreur et vous la trouverez au carrefour des « relations incestueuses » entre d’une part Robert Sagna avec son GRPC et d’autre part toutes les factions du MFDC sans aucune exclusive ; des « relations incestueuses » dégénérées depuis 2014 en une dynamique de règlements de comptes bassement personnels.

Qu’on ne se méprenne : si la dernière campagne militaire de l’Armée sénégalaise visait officiellement à sécuriser les zones concernées d’une part et à faciliter le retour dans leurs villages des personnes déplacées du fait du « conflit casamançais » d’autre part, elle se drapait tout autant officieusement, fût-ce à son corps défendant, du diabolique manteau de règlements de comptes personnels.

Demain est un autre jour, et un autre temps ; demain est aussi un autre espace, disais-je. Mais j’aurais pu ajouter : avec ses promesses, parmi lesquelles, certainement, le « MFDC nouveau » qui surgira de la destruction créatrice en cours dont fait l’objet le MFDC actuel.

Et, tel le Beaujolais nouveau, le « MFDC nouveau » arrivera pour être bu, que dis-je, pour être consommé, avec modération certes, mais pour le meilleur et le pire. Et avec lui, certainement, arrivera le « Biagui nouveau », qui ne se privera aucunement, mais alors aucunement, en ce qui le concerne, de le goûter, ou de le savourer, avec délectation.

Dakar, le 14 février 2021.

Jean-Marie François BIAGUI

Président du Parti Social-Fédéraliste (PSF)

Ancien Secrétaire Général du MFDC

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