En ce dimanche matin, des pensées critiques se bousculent dans ma tête. Je me pose des questions qu’on ne doit pas se poser. Du moins, c’est ce que pensent les bien-pensants.
La dictature est une abomination pour des personnes qui ont vécu pendant longtemps sous des régimes de liberté d’expression, de liberté de constitution de partis politiques, de liberté syndicale, d’alternance démocratique, etc.
Voir du jour au lendemain tout cela disparaître et voir s’imposer un homme sorti de nulle part, effacer toutes nos bonnes et mauvaises habitudes, s’ériger en un seul donneur d’ordres, ordres qu’il faudra que le peuple le plus indiscipliné de la terre suive. Ce sera infernal, insupportable et pourtant, il faudra se soumettre, accepter ce que nous n’avons jamais voulu accepter avec les différents régimes démocratiques.
Le temps des regrets sera dépassé et le temps des lamentations s’éternisera.
Nous admirons les régimes dictatoriaux d’Afrique. Nous justifions leur permanence. Nous acceptons là-bas que le Président dictateur renouvelle éternellement son mandat. Nous disons voilà le meilleur leader d’Afrique.
Nous sommes inconséquents !
Chez nous, nous voulons la belle démocratie.
Nous acceptons pourtant que les partis politiques dans lesquels nous militons soient antidémocratiques, soient dirigés par des dirigeants qui renouvellent éternellement leur mandat. Nous militons dans des syndicats dans lesquels, à une exception près, les dirigeants renouvellent éternellement leurs mandats. J’ai vu lors de la remise des cahiers de doléances des dirigeants syndicaux tellement vieux que ce sont leurs enfants qui les accompagnaient.
Lorsque nous nous présentons aux élections et que nous sommes battus nous refusons démocratiquement d’accepter notre défaite.
Nous voulons la démocratie et pourtant nous refusons de respecter les institutions parce que nous ne sommes pas d’accord avec elles.
Nous acceptons l’argent, les faveurs pour sans vergogne élire très souvent les plus corrompus.
Nous voulons la démocratie alors que nos partis politiques, nos coalitions politiques sont fondamentalement antidémocratiques.
Nous prenons des engagements devant les électeurs que nous violons juste après notre élection.
Nous faisons campagne pour l’application stricte des deux mandats consécutifs du Président de la République et là, comme une girouette, nous appelons à ce qu’il fasse un troisième mandat.
Comment faire pour accorder nos vœux, nos engagements et nos pratiques?
Comment faire pour que l’exigence d’un maximum de deux mandats consécutifs soit valable partout dans la sphère politique, sociale et publique?
Comment faire en sorte que la démocratie ne soit pas seulement une idéologie pour s’opposer mais qu’elle s’ancre résolument dans la vie et l’action du pouvoir politique.
Comment faire pour que le politicien professionnel, laudateur par excellence, disparaisse au profit du citoyen travailleur qui assure des charges de représentation politique.
Comment revenir aux fondamentaux d’une société civile indépendante des partis politiques et des pouvoirs ?
La démocratie vit dans la pluralité des ambitions.
Lorsque les alternatives politiques sont affaiblies, lorsque les hommes et les femmes qui expriment une ambition son anéantis ou affaiblis, lorsque l’espoir d’une alternance politique devient illusoire, lorsque le sentiment le mieux partagé est kuy yoot du saxxat alors résolument la démocratie se meurt.
Lorsque la démocratie va mal, la violence s’installe et fraie la voie à la dictature.
Nit nitay garabam, nos valeurs humaines, nos régulateurs sociaux et nos Grands Khalifes ont toujours su ramener le calme, la paix, la sérénité et la soumission aux valeurs de la République.
Puissent leurs voix continuer à peser pour que l’approfondissement de la démocratie se fasse dans la démocratie.
Dakar, dimanche 3 juillet 2022
Mary Teuw Niane
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