Par Mamadou Lamine DIATTA
Nous vivons une sorte de crise politique diffuse au Sénégal et ailleurs en Afrique.
Qui ose en douter ? A quasiment six mois d’un scrutin présidentiel pourtant décisif pour l’avenir de notre jeune nation, il faut franchement passer pour un devin pour pouvoir lire la situation actuelle faite de grosses incertitudes ; comme un épais brouillard diffusant des ondes peu positives. Ousmane Sonko, l’opposant majeur derrière les barreaux, la traque judiciaire des animateurs de son parti se poursuit inlassablement sous le couvert d’un narratif peu convaincant basé sur un champ lexical essentiellement composé de ce vocable galvaudé du terrorisme.
Le pays marche au ralenti et la coalition présidentielle Benno Bokk Yaakar accapare les devants de l’actualité en reprenant le collier de l’initiative face à une opposition radicale complètement décapitée.
Qui pour porter les couleurs de Benno à la présidentielle de février 2023 ? Pour qui connaît son mode de fonctionnement, le Président Macky Sall ne se presse jamais pour prendre une décision capitale. Il donne l’air de réfléchir encore pour davantage traîner les pieds et tergiverser. Comme s’il prenait aussi un malin plaisir à éprouver psychologiquement ses partisans, à les énerver par ricochet pour garder précieusement la main et les tenir en laisse. La crise est pratiquement actée à Benno et tous ces hauts responsables du pouvoir qui parlent à tue- tête de loyauté et d’unité autour du futur choix présidentiel ressemblent à s’y méprendre à de doux rêveurs, de véritables Martiens…
Ceux qui ne seront pas choisis par le patron vont ruer dans les brancards pour se rebeller.Ce sont les ors du pouvoir, leurs délices et leurs douces saveurs qui commandent toujours de telles attitudes. Chassez le naturel, il revient au galop !
C’est sans doute ce qui explique les foucades et rodomontades de caciques du régime comme Abdoulaye Daouda Diallo et Aly Ngouille Ndiaye : deux profils qui semblent envoyer le message suivant au Boss : Retenez- nous ou nous faisons un malheur ! Autrement dit, il s’agit de deux responsables de Benno qui annoncent déjà la couleur ; ambitieux et boulimiques en diable, ils seront sûrement candidats à la prochaine présidentielle contre vents et marrées.
Pourtant ils doivent tous se remémorer les propos de l’Ecrivain français Louis de Bonald qui disait au beau milieu de la Révolution de 1789 : « Dans les crises politiques, le plus difficile pour un honnête homme n’est pas de faire son devoir mais de le connaître. »
En vérité, c’est toute la détresse voire la tragédie d’un régime en fin de règne qui tient vaille que vaille à se réinventer d’autant qu’un chef sur le départ n’exerce plus une quelconque autorité sur des troupes bigarrées et égarées. Il ne peut plus brandir l’argument des sucettes de la République comme ces postes de ministres, directeurs généraux (généreux ?) et autres hauts fonctionnaires…
Pourtant les urgences existentielles restent prégnantes pour 17 millions de Sénégalais mais les candidats à la candidature n’en ont cure.
Au-delà de Benno, cette classe politique amortie est composée en grande partie de carriéristes à la petite semaine qui se fichent comme de leur première chemise de l’économie atone, la crise financière, l’inexistence d’une souveraineté alimentaire, les migrations irrégulières de hordes de concitoyens refoulés aux portes de l’Europe…
Seule compte leur boulimie et leur soif inextinguible de ce pouvoir aux avantages insoupçonnés.
Il y a indubitablement un lien entre ce qui se passe au Sénégal et la tragique situation du Niger, un pays qui abrite des milliers de compatriotes et d’autres africains. La même boulimie du pouvoir incite des généraux à imposer l’ordre kaki à l’image de qui se passe en Guinée, au Burkina et au Mali voisin. Autant dire que l’Afrique de l’ouest est devenue un volcan en éruption, un cercle de feu qui pourrait toucher tous les pays à Dieu ne plaise. L’hyperactivité du Président Macky Sall sur la crise nigérienne est compréhensible quelque part même si ses contempteurs la jugent suspecte au regard de sa jonction avec les Présidents Tinubu, Ouattara mais aussi et surtout Macron.
Il ya des arguments vertueux et légaux liés à la restauration de l’ordre constitutionnel et à l’urgence de stopper net cette épidémie de putschs militaires qui est en train de défigurer la sous-région. Mais il ya aussi des non-dits assourdissants comme cette injonction, sorte de règle non écrite consistant à défendre par monts et par vaux les intérêts de la France au Niger surtout que le pays de Marianne en perte d’influence continue en Afrique francophone dépend beaucoup de l’uranium du Niger pour faire fonctionner ses centrales nucléaires bigrement énergivores.Comme quoi, dans cette vie d’ici-bas, tout est lié. Mais les pays de l’espace Cedeao devraient réviser leur position radicale liée à la solution militaire pour bouter dehors la junte de Niamey. Le Niger n’est pas la Gambie de Yaya Jammeh encore moins le Liberia .Et puis, pas moins de 10 000 Sénégalais se réveillent quotidiennement dans ce pays. Il faut dialoguer avec la junte, toujours dialoguer et encore dialoguer. C’est vital pour l’avenir de ces 15 pays pauvres très endettés qui composent la Cedeao.
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