La Korité est célébrée, en 2023, sur deux jours par la communauté musulmane mondiale. Ceci est scientifiquement indéfendable, car il ne peut y’avoir deux nouvelles lunes sur la surface de la terre, eu égard au fait que nul endroit du globe terrestre n’est séparé d’un autre de plus d’une journée.
Chaque groupe a pu baser sa décision sur le hadith qui dit: « jeûnez à sa vue (la lune) et rompez (le jeûne) à sa vue». Une double question se pose alors. Qui doit voir ? Et, comment voir ? Qui doit voir ? Selon la tradition prophétique et l’école malékite (dont se réclament les Sénégalais), on peut se baser sur le témoignage de deux musulmans qui peuvent être dans deux zones différentes. Pour le début, un seul musulman suffit.
Certains arguments qui voudraient que l’on ne commence ou ne rompe le jeûne que si on voit la lune dans sa ville ou dans ses environs ne peuvent donc prospérer.
Le Sénégal doit ainsi pouvoir jeûner en même temps que la Mauritanie, le Maroc et le Mali qui se situent sur le même fuseau horaire. La majorité des savants pensent même que tous les musulmans du monde doivent pouvoir jeûner ensemble le même jour. Et comment voir ? Selon toujours le droit musulman, l’observation oculaire de la lune par les musulmans est incontournable pour débuter ou arrêter le jeûne.
Mais rien n’empêche qu’ils usent concomitamment de techniques modernes pour faciliter leurs recherches. La communauté musulmane européenne applique déjà avec succès ces méthodes-là. En réalité, les faits qui se sont succédé ces derniers jours ne représentent rien d’autre que des symptômes des divisions qui persistent entre les musulmans et qui ne peuvent que nuire à l’islam. Le vénéré Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké disait : « si deux personnes se disant croyants continuent à diverger après avoir débattu profondément sur un sujet, l’un des deux trompe l’autre ». La confiance et la bonne entente doivent donc régner entre les musulmans.
Le prophète (PSL) a fait lui-même confiance au berger qui lui apportait une nouvelle sur la lune, après qu’il lui eût demandé de prouver son appartenance à l’Islam en attestant la profession de foi. En islam, le texte coranique et la tradition prophétique sont les sources suprêmes du droit.
Le point de vue personnel (Ijtihad) ne peut intervenir qu’en l’absence de textes explicites sur le sujet, de consensus entre les Oulémas de la première génération (Ijma’) ou encore de déduction par rapport à des cas similaires (Qiyas). C’est pourquoi le Cheikh Ibn Arabi a pu dire dans son livre « Les Illuminations de la Mecque » que celui qui questionne un ouléma sur la religion et que celui-ci lui répond « voilà ce que je pense », doit s’écarter de son point de vue et s’adresser à l’ouléma qui lui répliquera « voilà ce que dit le coran et la Sounnah ». S’il en était autrement, chacun pourrait établir sa religion comme il le pense et on ne s’y retrouverait plus.
Au lieu de prendre la voie droite, chacun prendrait son propre chemin qui pourrait le conduire à diverger des enseignements prophétiques. Or, le coran recommande aux musulmans de retourner aux sources de la religion, chaque fois qu’ils ont des interprétations différentes sur une question donnée, plutôt que chaque tendance persiste à cultiver sa différence.
En vérité, les divergences sur la lune peuvent être corrigées pour peu que chacun joue le jeu et mette en avant les enseignements du prophète. Des actions doivent être entreprises à plusieurs niveaux.
Au plan national, il convient d’abord de consolider le travail de la commission nationale d’observation du croissant lunaire, en l’améliorant progressivement, notamment en combinant l’usage des techniques modernes et l’observation à l’œil nu de la lune. Par exemple, il existe aujourd’hui des logiciels permettant de déterminer les positions quotidiennes précises de la lune 10 000 ans avant JC et 10 000 ans après JC.
Les Chefs religieux doivent également s’impliquer davantage dans le processus d’observation de la lune et en faire leur affaire, car il s’agit d’un point essentiel dans la vie des musulmans. Ils devraient d’ailleurs se concerter de manière directe, se retrouver régulièrement pour échanger sur des questions de l’heure et arrêter des positions communes.
Dans le cas de la lune, ils devraient pouvoir tomber d’accord sur des critères précis qui engageraient toutes les familles religieuses dans le futur. Ils doivent surtout cultiver l’estime et la confiance réciproque. Au niveau régional, les pays voisins du Sénégal peuvent arrêter une méthode de détermination du début et de la fin du ramadan. Des initiatives ont été tentées à cet égard, sans succès.
En revanche, en Europe, Le Conseil Européen de la Fatwa et la Recherche a pu trouver un consensus à l’échelle continentale. Dans son communiqué publié le 21 octobre 2002, le conseil stipule : « Le début et la fin du mois de Ramadan ne peuvent être affirmés que par la vision oculaire du nouveau croissant de lune, que ce soit à l’œil nu ou par le biais des observatoires ».
Au niveau international, l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) devrait s’évertuer à coordonner les différentes initiatives régionales de manière à aboutir à un système universel de célébration du ramadan. L’organisation pourrait adopter une telle décision lors de son prochain sommet.
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