Kène Ndoye le Sénégal te doit respect, considération et reconnaissance ! (Par Dr Nalla Socé Fall)

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L’auteur du post “Bouba est parti Ken pas encore” a sûrement voulu choquer l’opinion nationale et sensibiliser la nation entière pour ta cause.
Chère Kène, je me suis longtemps refusé de parler de ton cas en public, par respect pour ta vie privée, tes enfants, ta famille et tout ce que tu représentes pour le sport sénégalais.
Malheureusement, les autorités compétentes n’ont pas répondu à nos différentes interpellations et finalement c’est dans les réseaux sociaux que la nation entière s’indigne de la non-assistance dont tu fais l’objet.
Tes premières photos prises à l’hôpital en Italie avant que tu ne rentres, choisies parmi d’autres que je ne saurais partager en public, contrastent avec celles prises en pleine action lors des compétitions auxquelles tu prenais part et représentais le Sénégal, en disent long sur ton état de santé.
Malgré tout, tu es en train de vivre ta maladie depuis 2012, dans la plus grande dignité. En lébou bon teint doublée d’une croyante, tu as accepté ton sort, tout comme tu as décidé de te battre dans la dignité.
Je me rappelle de ces deux semaines passées à Ibadan au Nigéria, un soir du mois d’août 1997, pour les besoins des championnats d’Afrique junior. Nous y étions avec notre regretté ami Youssoupha Sarr, arraché à notre affection à la fleur de l’âge, Aissatou Fall de la Jeanne d’Arc et coach Defaye Niang. Quelques semaines plus tard, nous partions de nouveau au championnats d’Afrique de l’Ouest à Cotonou avec les séniors. Tu as toujours été une des plus talentueux de notre génération, à côté de Amy Mbacké, Ousmane Niang, Pompidou Sall, Serigne Diène, Aminata Diouf, Seynabou Ndiaye, Issa Kébé, Malang Sané, Fatou Bintou Fall Gazelle Noire et j’en passe.
À un moment donné certains d’entre nous ont choisi le sport et d’autres les études. Parce que effectivement, il fallait opérer un choix cornélien, en l’absence d’un système de sport-études, qui permette aux jeunes talents sportifs de réussir le double projet. Tu fus effectivement partie de ceux qui ont choisi le sport, tellement ton talent était immense, et l’histoire te donna raison. Tu as été médaillée au championnats du monde d’athlétisme de Birmingham en 2003, 6 ème aux championnats du monde de 2006 et 4 ème aux Jeux Olympiques de Beijing en 2008, finissant au pied du podium.
Tu es multiples championne d’Afrique au saut en longueur et au triple saut, accédant dans la foulée au cercle fermé des athlètes ayant fait 15m au triple saut. Tu es double détentrice du record des deux disciplines (saut en longueur et triple saut).
Malgré cela, ton pays te dois encore des primes misérables depuis 2007. Peut-être que des primes conséquentes, à hauteur de ton mérite et du mérite des autres sportifs de haut niveau, en dehors du football et du basket, t’auraient permis de te soigner dans la dignité.
Ah oui, j’oubliais qu’au Sénégal, c’est le football, le basket dans une moindre mesure et les autres sports. En réalité, j’ai longtemps tiré sur la sonnette d’alarme, pour faire comprendre aux autorités, que les sportifs et les sports sont d’égale dignité, mais il aura fallu une indignation collective sur les réseaux sociaux, pour que les autorités du ministère des sports activent leurs canaux et s’engagent à payer aux autres sports les primes dûes depuis 2007.
Ce qu’elles ignorent, ou font semblant de ne pas comprendre, c’est que c’est le système de rémunération des sportifs sénégalais qui est complètement incohérent.
Je vais peut-être me répéter, mais la répétition étant pédagogique, ça ne devrait pas trop déranger. Les footballeurs et basketteurs ont des primes de sélection, de qualification et de tour passé. Pendant ce temps, aucun autre sport ne bénéficie d’un tel traitement. Pourtant, ces footballeurs sont déjà des millionnaires, s’ils ne sont pas milliardaires… Après une campagne, ils se retrouvent avec 35 voire 40 millions au bas mot, alors que la médaille d’or olympique ne vaut que 2 millions de francs CFA. Quel paradoxe !!! Oui vous avez bien lu… L’arrêté ministériel pris par M. Youssoupha Ndiaye alors ministre des sports (2005), visait à corriger et à stabiliser un système de rémunération qui ne se basait sur rien. Il aura au moins le mérite d’avoir payé régulièrement tous les sportifs, sur une base très claires.
Si ses successeurs avaient travaillé autant que lui, nous n’en serions pas là aujourd’hui. Malheureusement, sur la base d’affinités et de complicité avec un président de fédération, les primes peuvent être revues à la hausse, comme c’est le cas du basket. La prime de sélection au basket a été doublé, d’après le président de la FSB. Pendant ce temps, les autres fédérations continuent de se contenter de 10.000f de prime journalière, sans aucune prime de sélection ou de tour passé.
Ma chère Kène, ton cas n’est que le côté visible de l’iceberg. Oui c’est l’arbre qui cache la forêt !Le cas des sportifs de haut niveau qui finissent mal leur carrière, m’a poussé à réfléchir sur un système de sport-études qui garantirait une reconversion réussie et une retraite digne dans une thèse en STAPS.
Je t’ai promis de ne jamais abandonner ce combat et je suis sûr qu’ils finiront par comprendre.
S’il y a quelque chose à apprendre de la disparition de notre regretté Pape Bouba Diop, c’est qu’il faut célébrer nos champions de leur vivant. Depuis 4 ans tu cherches à communiquer avec le Président de la République, sans succès. Mais je t’assure que le peuple te trouvera une audience et les politiciens seront là à faire de la récupération, comme toujours.
Je prie Allah, de te prêter longue vie et une meilleure santé, pour que la nation puisse te célébrer de ton vivant et t’honorer à hauteur des sacrifices que tu as consentis, sur toutes les pistes du monde, pour représenter la nation sénégalaise.
Espérons qu’au-delà de ton cas, un système de reconversion et de sécurité sociale soit érigé, pour prévenir les éventuelles blessures et maladies, qui peuvent mettre fin, de façon prématurée à la carrière d’un sportif. Cette reconversion ne saurait démarrer à la fin de la carrière, mais plutôt dès le très jeune âge, à travers des établissements dédiés, qui offriraient un cadre idéal au double projet Sport-études.
Dr Nalla Socé FallAncien athlète internationalEnseignant-chercheur à l’UGB

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