” Rien ne nous trompe autant que notre jugement ” Léonard Vinci
Par principe, il y a des débats que je n’engage jamais et des écrits que je ne lis pas. Figurent parmi ces débats et ces écrits, ceux qui ne m’apportent aucune plus-value cognitive. C’est donc tout naturellement que je saute sur les articles et contributions des universitaires, avec le préjugé favorable que je vais en extraire des connaissances et savoirs nouveaux, à même d’enrichir mon capital intellectuel et ma pratique professionnelle.
Dans beaucoup de cas, cela se vérifie et conforte la bonne réputation qu’ont nos universitaires, mais aussi la qualité des enseignements et de la formation dispensés dans nos amphithéâtres. J’en suis d’autant plus fier que je suis un produit de notre système universitaire. Mais, comme à toute règle s’applique une exception, je dois avouer, le cœur meurtri et la raison torturée, que les dernières sorties enregistrées et qui ont été estampillées du sceau universitaire n’ont pu, hélas, me servir de lanterne dans ma quête de savoir et de vérité. Disons-le net, la rigueur analytique et l’objectivité de la démarche méthodologique ont cédé le pas à l’inclinaison partisane et au parti pris difficilement dissimulé. Tant dans les écrits du brillant Felwine que dans la pétition portée par le respectable Professeur Serigne Diop, l’argumentaire et l’analyse ont été totalement à charge et unidirectionnels. On ne peut, objectivement, mener une analyse rigoureuse d’une situation, en bornant volontairement notre regard d’oeillères.
A force de vouloir avoir raison à tout prix, on tombe fatalement dans des biais cognitifs, ces formes de déviation et de distorsion de la pensée et de l’analyse logique qu’on utilise pour porter des jugements hâtifs, en omettant de prendre en considération toutes les informations pertinentes liées à la question ou à la situation traitée. Pour un économiste de la dimension de Felwine, il ne saurait ignorer ce concept de biais cognitif introduit dans les années 70 par les psychologues Daniel Kanheman ( prix nobel d’économie 2002) et Amos Tversky.
C’est pourquoi, je suis davantage interloqué de le voir faire usage ou être victime du “biais de confirmation”, ce procédé qui consiste à ne prendre en considération, devant une situation, que les informations qui confirment ou accréditent nos croyances et positions et à ignorer celles qui les contredisent. Il en est ainsi, lorsqu’il signe de manière docte, infatuée et sentencieuse, que ” le parti qui vient d’être interdit est celui dont le message recueille l’adhésion de la majorité de la jeunesse sénégalaise (70% de la population) des classes laborieuses et d’une masse silencieuse qui aspire à un profond changement de mode de gouvernance. C’est un fait simple, visible, indubitable (sic) ; une évidence (sic) que la bonne foi ne peut nier, que l’on adhère ou pas à la vision politique du Pastef, il suffit d’ouvrir les yeux.” Puis, suit, sans sourciller, sa question déductrice “dans quelle démocratie élimine-t-on formellement du jeu le parti le plus représentatif (sic) du moment ? ”
C’est quand même, scientifiquement et intellectuellement, assez risqué, voire osé, de se livrer à de telles affirmations sans en livrer le moindre baromètre d’appréciation, adossé à des données quantitatives. En démocratie, les résultats issus des urnes sont le baromètre qui nous permet d’apprécier la représentativité des différentes formations politiques et, subséquemment, leur poids sur l’échiquier politique national. Qu’il fasse semblant de l’oublier pour tirer ses conclusions de sa seule grille d’analyse renseigne à suffisance sur sa posture plus politique que scientifique. J’ai juste envie de lui dire qu’il devrait mettre ce manteau, que dis-je, cette toge politique qui le tente.. s’il ne l’a d’ailleurs déjà enfilée.
Il en est de même lorsque de manière unidirectionnelle et péremptoire, il pointe un doigt accusateur sur l’État et la justice, dénonce les arrestations d’opposants en les absolvant de toute responsabilité dans la situation que traverse actuellement notre pays. La démocratie dit-il ” plus qu’un régime politique est un état de la communauté politique”. Ce qui n’est pas faux. Ce constat devrait l’amener à pointer, en toute objectivité, la responsabilité de la classe politique dans son ensemble (pouvoir comme opposition) dans la co-construction du fait démocratique. Pas seulement du régime en place !
Nous avons pris l’habitude, dans nos approches et positions, d’exonérer l’opposition politique de toute critique, même dans ses postures et dérives verbales les plus abjectes, les plus irresponsables, en prenant le raccourci analytique consistant à tout rejeter sur la responsabilité de la formation au pouvoir et de l’administration qui en est son instrument d’action. Or, l’histoire de notre pays nous enseigne que les succès et avancées démocratiques engrangés, l’ont, toujours, été au confluent des actes consolidant notre trajectoire politique, posés tant par le pouvoir que par l’opposition. La démocratie se bâtit dans et par les interactions constructives des différentes composantes de notre écosystème politique et non dans le radicalisme outrancier et la défiance irraisonnée de nos institutions et des dépositaires de l’autorité publique. Ne pas le reconnaître, c’est faire œuvre de démagogie et d’immaturité politiques.
Ce constat critique est aussi valable pour la pétition signée par la Coalition sénégalaise des défenseurs des droits humains (COSEDDH), groupe cosmopolite dont la tête-de-pont est le Professeur Serigne DIOP et non moins ancien ministre de la Justice. Il est quand même ahurissant de voir comment des intellectuels, de surcroît, des universitaires, peuvent, au gré de leurs intérêts partisans, s’offusquer et même s’étrangler de rage en fustigeant l’immixtion du pouvoir exécutif dans les affaires de la justice, et, revenir, par une porte dérobée, demander au Chef de l’État de “donner les instructions nécessaires à son ministre de la Justice afin que les chefs de Parquet mettent en œuvre une procédure d’urgence” pour obtenir, entre autres, la mise en liberté d’office d’Ousmane Sonko et des autres détenus.. Si ce n’est de la duplicité, le Larousse devra trouver un autre terme à sa prochaine édition pour qualifier une telle imposture.
Pendant ce temps, ils avaient tous observé un mutisme choquant devant le saccage de la faculté de droit, du Cesti.. Comme s’ils se plaisaient plus à voir des jeunes bander les muscles, en défiant l’autorité de l’État, plutôt que de les inviter à se muscler les neurones en préservant et en fréquentant les lieux de production et de partage du savoir.
Oui, pendant ce temps aussi, leur mémoire sélective refuse de mentionner que l’opposant pour lequel ils sollicitent la mansuétude du Président de la République s’était constamment illustré dans la menace et la défiance du pouvoir, des fonctionnaires de la justice et des forces de défense et de sécurité. Que le même opposant s’était, ouvertement et publiquement, donné comme mission de déloger le Chef de l’État et de lui réserver le sort inhumain infligé à Samuel Doe, ancien président libérien. Le tout, dans leur dérobade intellectuelle et républicaine, a été rangé dans le vocable de “résistance”. Est-il utile de leur rappeler que l’État détient le monopole de la violence légitime ? Qu’il devrait, certes, l’exercer sans méchanceté inutile, mais aussi sans faiblesse coupable, surtout lorsque la sécurité et les intérêts vitaux de la nation sont menacés.
Tout compte fait, ce silence coupable signifie-t-il pour nos universitaires un blanc-seing à la perpétuation de ce mode d’opposition politique ? Est-ce une carte blanche pour soutenir l’opposition radicale dans son schéma et sa stratégie politique de radicalisation et de chaos ? Et dire que dans ce groupe de néo-pacifistes, j’aperçois bon nombre de partisans de la confrontation, des gens qui étaient hostiles à tout rapprochement des parties, au dialogue, des adeptes du rapport de force et des théoriciens de la guerre civile…
Ce qui choque davantage c’est de voir, à quelques exceptions près, ces mêmes personnes se draper de leur toge d’universitaires pour tenter de donner un semblant de crédit à leur propos.. Je me demande si le Professeur Serigne DIOP savait qu’il trempait sa plume dans le même encrier que ces petites gens ! Sacré Sunugal
Bonne santé à tous !
Vive la République !
Habib Léon NDIAYE
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