« Jeunes de mon pays, en tout pensez d’abord à votre avenir ! » (suite et fin) »

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Mes jeunes compatriotes, dans ma contribution publiée les 22 et 23 derniers au moins par trois quotidiens que je remercie ici au passage, je m’engageais fermement à revenir dans une seconde, pour vous expliquer largement pourquoi je me suis permis de vous interpeller dès le titre. Pour votre information, j’ai brièvement rappelé quelques dates importantes de l’histoire politique de notre pays. J’ai aussi passé en revue, toujours rapidement, ce qu’il est devenu, avec sa capitale, après plus de 61 ans d’indépendance. Je n’ai surtout pas oublié les dysfonctionnements, souvent graves, très graves, qui ont caractérisé les trois gouvernances que nous y avons péniblement vécues, surtout pendant celle en  cours depuis le 1er avril 2000.

Jeunes de mon pays, ce qui est surtout insoutenable chez nous, ce sont les détournements de deniers publics, les actes de corruption, de concussion et toutes autres forfaitures particulièrement graves et qui restent impunis. Des centaines de milliards, peut-être plus, alimentent les caves des maisons, l’accès aux comptes offshore devenant de plus en plus risqués. Aujourd’hui, vous étudiez dans des conditions particulièrement difficiles. Des milliers d’écoles primaires où étudient vos jeunes frères, sœurs, cousins et cousines sont encore des abris provisoires indignes de notre époque. Pendant ce temps, les enfants de ceux et celles qui nous gouvernent étudient dans les écoles privées les plus huppées du Sénégal comme dans celles, publiques et privées de la France et d’autres pays d’Europe et d’Amérique du Nord. Quand vous êtes malades – je ne vous le souhaite point  –, vous courez hôpital après hôpital, pour des prises en charge parfois aléatoires et coûteuses. Au contraire des autres qui n’auront aucune difficulté à se faire traiter dans les meilleures cliniques du pays comme de l’étranger. Ils sont aussi largement prioritaires quand il s’agit de distribuer les rares emplois crées dans le pays.

Et cette situation risque de durer jusqu’en 2024 et même au-delà, pendant encore cinq longues années, si l’homme qui sera élu en février-mars 2024 a touché de près de près ou de loin à la nauséabonde gouvernance libérale. J’y reviendrai avant de conclure ce texte. En attendant, vous faites toujours l’objet de plusieurs sollicitations, sollicitations souvent folkloriques et politiciennes, qui n’ont aucun impact positif sur votre situation actuelle et futur. Au contraire d’ailleurs. Le 7 février dernier, des centaines de milliers d’entre vous ont couru devant, derrière, à droite et à gauche de l’équipe nationale de football pendant sept heures dit-on, de l’Aéroport Léopold-Sédar-Senghor jusqu’au palais de la République. Le mardi 22 du même mois, d’autres milliers d’entre vous ont fait cinquante kilomètres pour aller assister à la cérémonie d’inauguration du tout nouveau stade de Diamniadio, qui porte désormais  le nom de l’ancien Président Abdoulaye Wade. Nombre d’entre eux n’ont pas d’ailleurs pu accéder à l’intérieur du stade n’ayant pas eu, semble-t-il, de tickets d’entrée. Ils ont passé une bonne partie de la soirée à se frotter aux gendarmes et aux policiers qui voulaient les empêcher de force d’entrer dans le stade.

Il vous arrive aussi de courir par centaines, par milliers derrières vos lutteurs préférés les jours de combats. Chaque fois que je passe, un dimanche de lutte à côté des arènes de Pikine, je suis meurtri. Je me dis toujours : « Mais, que vont devenir tous ces jeunes, ces milliers jeunes ? » Je me suis posé la même question les 7 et 22 février 2022. Loin de moi l’idée que le football et la lutte ne sont pas importants. Nous avons quand même remporté la coupe d’Afrique des nations derrière laquelle nous courons depuis des décennies. Nous avons le devoir de la fêter. La lutte est aussi notre sport traditionnel même si elle est en voie d’être de plus en plus dévoyée. Ce sur quoi je veux attirer votre attention, jeunes de mon pays, c’est que votre avenir n’est pas dans ces deux disciplines sportives, même très importantes. Très peu d’entre vous deviendront des Sadio Mané, des Mbaye Guèye, des Cheikh Seck, des Manga 2, des Kalidou Fadiga, des Balla Gaye 2, etc. Non plus d’ailleurs des Youssou Ndour ou des Ismaïl Lo. Aimez donc le football, la musique, la lutte, mais pensez d’abord à votre avenir qui n’est point dans ces sports-là ! En tout cas pas durablement tout au moins.

Votre avenir, c’est dans vos études, c’est dans l’apprentissage des métiers que vous avez librement choisis. Votre avenir, c’est aussi et peut-être surtout dans le choix des hommes et des femmes qui nous gouvernent. S’ils (elles) sont à la hauteur de nos attentes, nous pouvons espérer un meilleur avenir pour nous, et surtout pour vous jeunes puisque nous, le nôtre est loin derrière. Le 31 juillet 2022, nous nous rendrons aux urnes pour renouveler notre assemblée nationale, en d’autres termes pour élire de nouveaux députés. L’expérience nous a montré que ces députés ont toujours été très décevants, se mettant au service exclusif du Président de la République plutôt qu’à celui peuple qui les a élus. Cette catégorie de députés n’entreprendra rien, pratiquement rien qui aille dans le sens de l’amélioration notable de votre avenir. Plus tard, en février-mars 2024, nous élirons un nouveau président de la République. Nous nous sommes lourdement trompés le 19 mars 2000 et le 25 mars 2012, dates respectives de l’élection du vieux président-politicien et de son successeur le président-politicien Jr. Pour votre information, jeunes de mon pays, il s’agit bien de Me Abdoulaye Wade et de Macky Sall que j’ai choisi d’appeler par ces noms qui leur collent bien à la peau.

Mes chers jeunes compatriotes, vous avez le devoir de participer activement à ces élections qui détermineront votre avenir, en tout cas au moins pour la période qui va du 31 juillet 2022 au février-mars 2029, fin du mandant de l’homme qui sera élu ou réélu pendant cette période. Pour une participation active à ces importantes prochaines élections et à d’autres, vous devez être présents sur les listes électorales et vous y êtes malheureusement peu nombreux, malgré votre nombre. Votre population est quand même largement  majoritaire et votre vote est déterminant. Dans quelques jours, entre le 7 et le 31  mars 2022, commencera l’inscription sur les listes électorales, en vue des élections législatives du 31 juillet de la même année. En général, vous ne vous y précipitez pas. Vous préférez vous mobiliser en masse pour d’autres causes qui sont pourtant de loin moins évidentes, alors que vous ne le faites point pour ces trois actes hautement citoyens que sont : l’inscription sur les listes électorales, le retrait de la carte électorale et le vote en masse le moment venu. Ces trois actes vous coûtent beaucoup moins d’efforts et vous apportent beaucoup plus que votre mobilisation massive des 7 et 22 février derniers.

Mes chers jeunes compatriotes, la cérémonie du 22 février était certainement importante et méritait peut-être votre forte mobilisation. Cependant, elle ne manque pas de soulever des questions. Un grand journaliste m’a posé celle de savoir, par-delà le folklore et la politique politicienne qui ont marqué quand même l’événement, comment je l’analysais. Je produis ici simplement la modeste réponse que lui ai faite.

Quand j’ai eu l’information que le nouveau stade portera le nom du président Abdoulaye Wade, j’ai eu quand même un frémissement. Mais, je me suis rapidement ravisé. Léopold Sédar Senghor a eu son stade, son aéroport et son avenue ; Abdou Diouf son centre international ; Mamadou Dia son building administratif, même très tard. Il est normal donc que le troisième Président de la République, Abdoulaye Wade, ait son stade même si on peut avoir des réserves ou, du moins, si on peut se poser des questions par rapport à cette décision du président Macky Sall. En tout cas, moi, je m’en pose.

Nous Sénégalaises et Sénégalais, passons rapidement sur les événements, même les plus importants et oublions vite. D’ailleurs, Abdoulaye Wade l’avait bien compris, lui qui disait de nous que nous avions du mal à nous souvenir de notre dîner de la veille et ne croyions qu’à l’honneur et à l’argent. J’ai toujours refusé de lui donner raison et rappelais toujours dans mes livres et dans mes contributions, des événements importants que nous Sénégalaises et Sénégalais avons vite fait d’oublier. L’histoire de notre pays ne s’arrête pas aux 7 et 22 février 2022. Je rappelle quand même que les relations du vieux président-politicien avec son successeur et sosie le président-politicien Jr n’ont jamais été au beau fixe, en tout cas au moins depuis que son fils bien aimé Karim Meïssa Wade a été condamné fermement par la Cour de répression de l’Enrichissement illicite (CR­EI). Leurs relations ont été si mauvaises d’ailleurs que le « père » a eu à traiter publiquement et sans état d’âme le « fils » d’ « esclave » et d’ « anthropophage ». Le « fils » ne peut pas oublier, non plus, la manière humiliante dont le « père » l’a fait chasser de la présidence de l’Assemblée nationale.

On peut donc raisonnablement se poser la question de savoir comment, par-delà la tradition, il a oublié tout ce passé pour lui donner le nom du tout nouveau stade de Diamniadio. Le problème de Macky Sall, celui que j’appelle le président-politicien et qui l’est effectivement, c’est l’après 2024. En février-mars de cette année-là, sa gouvernance aura duré douze longues années. Or, celle-ci a été loin, très loin de la transparence, de la sobriété et de la vertu qu’il nous promettait. Elle a été, au contraire, comme je l’ai rapidement rappelé plus haut, jalonnée de scandales de toutes sortes, aussi graves les uns que les autres. Il craint donc comme la peste de se faire succéder par un homme qui fouinera dans sa gestion nébuleuse de douze longues années. Pour faire face donc, le moment venu, à cet homme providentiel, il pense peut-être à la réunification de toute la famille dite libérale qui se mobilisera pour porter sa candidature ou, si ce n’est pas possible, celle d’un Karim Wade par exemple.

Je rappelle aussi, pour votre information, jeunes compatriotes, que le président Wade avait vertement refusé que son nom fût donné à l’Aéroport de Diass finalement baptisé Aéroport international Blaise Diagne (AIBD). Il a donc changé de cap et on peut comprendre pourquoi. En tout cas moi, je crois comprendre pourquoi. Il avait catégoriquement refusé parce qu’il se sentait certainement encore très fort avec son Pds. Il se donnait donc la possibilité d’exercer chaque jour un peu plus une forte pression sur son « fils ». Mais, aujourd’hui, à 97 ans, il sent sérieusement le poids de l’âge. Pas seulement. Les modestes résultats de la Coalition Wállu Senegaal dont le Pds était la principale composante, semblent le faire revenir sur terre, avec les siens. Il serait prêt donc à toutes les compromissions pour obtenir l’amnistie de son fils bien aimé, Karim Méïssa Wade, qui pourrait devenir ainsi candidat à l’élection présidentielle de février-mars 2024. La seule préoccupation de sa vie.

Je le répète : l’histoire du Sénégal ne s’arrête pas à ces dates même importantes des 7 et 22 février. Ce que je n’arrive pas à toujours comprendre, c’est le nombre de Sénégalaises et de Sénégalais qui courent encore derrière Abdoulaye Wade convaincus qu’ils sont, disent-ils, de l’important travail qu’il a abattu pendant sa longue gouvernance. Ils (elles) sont libres. Ils (elles) ne savent peut-être pas tout ce que je sais de sa gouvernance meurtrie et que j’ai exprimé dans quatre livres et un nombre indéterminé de contributions que je vais rendre publiques d’ailleurs bientôt. Ce que je comprends encore moins, c’est l’alignement docile de tous les militants et de toutes les militantes du Pds derrière une hypothétique candidature d’un Karim Méïssa Wade, comme s’ils (elles) ne comptaient pas dans leurs rangs un seul homme ou une seule femme capable de porter cette candidature. Ils (elles) se sont ainsi gardé(e)s sagement de présenter une candidature en février 2019, celle de leur « candidat du peuple » n’étant pas alors possible.

En tout cas, mes chers jeunes compatriotes, un deal, un nouveau deal n’est pas impossible entre le vieux président-politicien et le président-politicien Jr, pour réunir toute la famille dite libérale[1]. La candidature du second pourrait ne pas être acceptée par les Sénégalaises et les Sénégalais, si elle était présentée. Alors, la famille enfourcherait un autre cheval, qui pourrait être, selon certains compatriotes encore naïfs, Karim Wade ou Idrissa Seck. Karim Wade ou Idrissa Seck (ou même Macky Sall) président de la République après février-mars 2024 ! Nous n’avons quand même pas autant pêché pour que Dieu nous punisse à ce point. Ce serait la continuité de la nauséabonde gouvernance mise en œuvre depuis le 1er avril 2000. Ce serait la poursuite des détournements de deniers publics et autres graves actes de corruption impunis. Ce serait, pour vous surtout, mes chers jeunes compatriotes, encore le chômage, les mauvaises conditions d’études et de prises en charge sanitaires. Pas seulement. Nos ressources et surtout celles énergétiques qui sont récemment découvertes seraient toujours entre les mains d’aventuriers comme Frank Timis. Êtes-vous prêts, jeunes compatriotes de mon pays, vraiment prêts à accepter un tel fait accompli ? Je ne le crois pas du tout. Bougez, bougez donc ! Inscrivez-vous en masse sur les listes électorales, retirez vos cartes et votez tout aussi massivement le moment venu, pour changer enfin les hommes et les femmes qui nous gouvernent depuis le 17 décembre 1962 (date du vote de censure qui a eu raison du gouvernement de notre regretté Mamadou Dia) et, en particulier, depuis le 1er avril 2000 ! N’écoutez surtout pas ceux et celles qui essaient de vous convaincre, au quotidien, que « Senegalee, ñeppa yam, kenn baaxu ci ». En d’autres termes, les Sénégalaises et les Sénégalais sont kifkif : ils sont tous, elles sont toutes mauvaises. Ce n’est pas vrai. Notre pays compte sûrement des hommes et des femmes sur qui on peut compter, jusqu’à preuve du contraire. Essayez-les en juillet 2022 et en février-mars 2024 ! Vous ne le regretterez sûrement pas. En tous les cas, ils (elles) ne seront jamais pires que ceux et celles qui nous ont jusqu’ici gouvernés. Ils (elles) ne seront même pas aussi mauvaise(e)s. Cela, j’en suis persuadé.

Du courage, mes chers jeunes compatriotes !

Dakar, le 24 février 2022

Mody Niang


[1] Je suis même tenté de croire qu’il a différé la nomination d’un nouveau Premier ministre pour faire rentrer dans son gouvernement des femmes et des hommes proches du président Wade. Cela peut ne pas être vrai waaye, du ma léen weddil dara. Ils sont capables de tous les deals.

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