Institution royale du Sine à Yayèm : Hommage rendu à Famara Basse

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L’Institution royale du Sine, sur autorisation de Bour Sine Niokhobaye Diouf Fatou Diène, m’a fait l’insigne honneur de m’adresser à vos augustes personnes pour vous apporter le salut des contrées de Kam Sinig, de Ndiafathie et de Niaoul.

Le Sine oriental retrouve le Sine occidental comme avaient réussi les rois Mansa Ouali Dione, Tassé Faye et Wa Sylla Faye à créer, de Diakhao à Mbissel, un royaume unique, respectable et fort respecté.

Aujourd’hui, c’est un jour faste, un jour historique, il aura en effet permis que dans le royaume un Bour Sine vienne sur place reconnaître le travail exceptionnel d’un homme exceptionnel. Ici, une petite précision s’impose à l’endroit de ceux et celles qui croient qu’en parlant de roi et de royaume, nous rêvons de ressusciter la période des Lamanes et des rois investis de missions divines et détenant des pouvoirs absolus. Il n’en est évidemment rien.  Nous cherchons seulement à créer un point focal de valeurs reposant sur des considérations d’éthique de nos ancêtres. Du reste, la Constitution de notre pays dit en son article 3, alinéa 2 :

« Aucune section du peuple, ni aucun individu ne peut s’attribuer l’exercice de la souveraineté. » Puis, plus loin, au dernier alinéa de l’article 7 :

« Il n’y a au Sénégal ni sujet, ni privilège de lieu de naissance, de personne ou de famille. » et plus haut, article 7, quatrième alinéa :

« Tous les êtres humains sont égaux devant la loi. Les hommes et les femmes sont égaux en droit. » Pour nous donc il ne s’agit ni plus ni moins que d’une hyper-organisation sociale de promotion de valeurs culturelles sérères. Là également la constitution nous donne quitus en son article 8 : « La République du Sénégal garantit à tous les citoyens les libertés individuelles fondamentales, les droits économiques et sociaux ainsi que les droits collectifs ». L’article 12 ne fait que renforcer les dispositions des articles précités 7 et 8.

Voilà qui est maintenant clair !  Je peux donc revenir à vous. 

Je reviens alors pour affirmer avec force, m’adressant aux acteurs initiateurs de cet événement : « Vous, hommes, femmes et jeunes qui avez permis cette prouesse historique de jonction des espaces des valeurs et des cœurs, vous ! dis-je, resterez dans nos mémoires personnelles et dans les annales de l’histoire du Sénégal, car vous aurez permis une lecture brève et simultanée de l’histoire du Sine et de ses valeurs immuables du 12e au 21e siècle. C’est pourquoi notre institution, l’institution royale du Sine vous dit merci, merci du fond du cœur. Vous venez d’apporter votre pierre à la reconstruction de l’édifice malmené de nos valeurs morales ! »

Voilà l’objet de mon propos. Pouvais-je trouver meilleur prétexte, meilleure opportunité que la consécration de cet illustre fils du terroir, cet émérite concitoyen qu’est Monsieur Famara Basse ?

 Cet homme de 69 ans, passionné d’arts et de culture, a mené, sur une longue période et dans des espaces tels que l’Inde, l’Egypte et le Gabou[1], des recherches ayant abouti à la récension de plus de 200 (deux cents) valeurs traditionnelles dont certaines ont disparu presque totalement, ou sont dans une crise profonde et pratiquement irréversible. Ces valeurs se sont étiolées sous nos regards passifs perlés de désespérantes larmes de regrets. Aujourd’hui nous courons en désordre derrière ce que nous avons perdu et qui n’a peut-être plus de nom pour nous. N’est-ce pas un désastre ? Il s’en est fallu de peu ! Heureusement un homme-providence, un homme sage, un véritable comptable de concepts et d’idées veille au grain ; cet homme a préservé méthodiquement l’essentiel de nos préoccupations ; il reste maintenant à élaborer un référentiel à partager. A ce titre et pour cette cause, M. Basse a droit à notre considération, à notre reconnaissance et à l’expression concrète d’un hommage non usurpé. Pour avoir d’une part, si bien tracé la voie à suivre dans la reconquête de notre graal perdu, et pour avoir d’autre part rendu de distingués services à toutes les communautés sérères, je propose à l’Institution royale du Sine de vous nommer :

  • Gardien du Temple des Valeurs Sérères.
  • Conseiller spécial près du roi
  • Ambassadeur plénipotentiaire des cultures sérères auprès d’hommes et de femmes de culture et de sciences.

Cette proposition s’inscrit dans une symbolique, mais vous étiez déjà dans le factuel ; tout le monde l’a reconnu, moi je viens seulement le dire. Donc auréolé de ces titres, vous voilà investi de missions de chasse à l’ignorance et à l’amalgame, de traques de fausses valeurs produites par des sous-cultures venues d’ailleurs. Le thème de l’événement est la crise des valeurs entendues au sens de « règles morales d’une personne, d’une communauté » ; c’est de la sagesse, de la vertu ; en somme, un ensemble de valeurs cardinales de référence. Dans tous les foyers, on se plaint de comportements déviants, malsains, étrangers à l’éducation traditionnelle reçue, mais on ignore ou on feint, comme l’autruche de ne pas savoir ce qui se passe sous nos pieds. La crise est profonde car des programmes de télévision pernicieux et pervers, des activités d’organes de presse en ligne peu respectueux d’éthique, se sont subrepticement incrustés dans nos espaces et moments familiaux et ceci, malgré la vigilance et   l’intransigeance des organes de surveillance de l’Etat ; les réseaux sociaux produits de l’internet, ne s’embarrassant guère d’élégance, ni de courage encore moins d’éthique, font l’apologie de la lâcheté. On y organise la fuite de documents d’Etat censés être secrets ; on y insulte sous couvert d’anonymat le gentil voisin de la maison d’en face, puis le dimanche suivant, on prend le thé avec lui ! Tranquillement ! Dégueulasse ! Les relations se distendent, l’individualisme et la médisance se répandent dans la société comme la confiture s’étale sur le pain. Les démons de l’animalité se réveillent : attaques gratuites suivies de meurtres, infanticides, drames familiaux, conflits intergénérationnels, ostracismes, la parentalité ne fonde plus rien. « Le commun vouloir de vie commune » n’évoque plus que le souvenir d’un vieux slogan suranné. Lorsqu’on a ignoré ou précisément désappris les canons de la rectitude, alors on rame à contre-courant et on marche la tête en bas. Voilà en peu de mots la situation de notre société à l’entrée du XXIe siècle ! Quand et où cela va-t-il s’arrêter ?

Que faire ? Dénoncer ? Certes dénoncer, mais encore ? Accepter cet état des choses et s’installer dans un défaitisme coupable ? Faut-il envoyer Monsieur Basse, seul au front, combattre en même temps plusieurs ennemis aussi retors et fourbes que ceux que nous avons dénoncés ? Famara peut accepter et va certainement accepter cette mission ; mais nous, pendant ce temps devrions-nous nous cloîtrer dans un mutisme synonyme de lâcheté ?

 Non ! Mettons-nous ensemble. Réfléchissons et assoyons des stratégies éprouvées, utilisons nos savoirs et nos intelligences, adossons-nous sur les exemples ci-après tirés de la vie de six bours Sine incarnant de hautes valeurs de sagesse, de constance, de mystique du travail, de détermination, de bravoure et de dignité. C’est à ce prix que nous gagnerons la bataille de la réappropriation puis de l’ancrage de nos vertus en voie de disparition.

1. Exhumons de notre profonde mémoire les souvenirs du premier roi du Sine Mansa Ouali dont la sagesse légendaire a permis la création du royaume du Sine et révélé au Walo Ndiadiane Ndiaye l’ancêtre des bracks ; Mansa Ouali qui, d’intelligence, de patience, de loyauté, de compréhension et d’empathie a su élaborer une solide administration avec les Lamanes et garder son trône pendant 45 ans, sans coup férir. C’était déjà au XIIe siècle de notre ère.

2. Rappelez-vous le mythique Wagane Coumba Sandiane ce roi qui, tel le Phénix renaissant de ses cendres a connu le plus long règne du monde : Cent ans (1534/1634). Que de bonheur ! mais aussi que de souffrances de toutes natures vécues, et stoïquement tues ! Que d’épreuves surmontées dans la douleur, quand on sait que toutes les cours royales sont infestées d’intrigants

3. Allez-vous oublier l’incorruptible Coumba Ndoffène Fa Maak qui, jusqu’à son assassinat en 1870, s’est opposé vaillamment et dignement à Faidherbe, malgré l’indigence de sa logistique militaire devant la supériorité technique de l’ennemi ?

4. Retenez l’intraitable Sanemone Faye qui, selon Joe Latyr Faye[2], voulait « bâtir une société exemplaire, avec des hommes travailleurs, vaillants et courageux qui ne trahiront pas le pays en cas de guerre ». L’homme détestait les paresseux, les menteurs, les fainéants, les malfaiteurs, les voleurs et les lâches. Il estimait que cette catégorie de personnes était à la base de la tentative de spoliation de son trône.  Nombre de ceux-ci finirent au bout du canon de son fusil. « Jamais, je ne fuis devant l’ennemi » disait-il. Et il mourut sans se renier une seule seconde.

5. Que pensez-vous de la détermination obsessive de Sémou Mack à accéder au trône du Sine au prix d’une lutte meurtrière contre son oncle Sanemone pour finir par gagner le trône qu’il garda pendant seulement 4 ans ? Il fallait y croire. Il y a cru. Il l’a réussi. Quelle détermination !

6. Vous ne pouvez pas oublier le sens élevé de la loyauté, de l’honneur et de la bravoure de Bour Sine Coumba Ndoffène Fan Deb, l’homme du 7 juin 1903 ? Ce roi qui, librement, de manière désintéressée, en toute connaissance de cause et sans rien attendre en retour, prend le risque d’être déchu de son trône, en témoignant à décharge en faveur du Saint-Homme Serigne Touba. Qui aujourd’hui, à l’ère de la transhumance politique, est prêt à renoncer à son poste de ministre, de Directeur Général et d’autres libéralités pour conserver encore une once de dignité ?

Voilà quelques exemples d’hommes valeureux et non des moindres du Sénégal qui devraient nous inspirer dans la conduite de notre vie quotidienne. C’est à notre société de trouver les moyens et les modalités d’y parvenir. En attendant nous suggérons au nom de l’Institution royale du Sine :

  • M. Le Sous-Préfet, voudriez-vous porter notre souhait de réforme de la loi N°91 22 dite Loi d’Orientation de l’Education nationale, notamment en ses buts et finalités pour mieux prendre en charge les nouveaux enjeux et défis du XXIe siècle ? Ceci concerne la nation entière. Tous les segments de notre société ont leur mot à dire sur les buts et les finalités de l’éducation au Sénégal. Dans ce domaine seul l’Etat régalien a la légitimité de disposer.
  • M. Le Maire, vous plairait-il de faciliter, d’accompagner et de soutenir les actions à venir et les acteurs désignés pour ces fins ?
  • M. Le Président de l’Association nationale des chefs de village, votre structure serait la cheville ouvrière car elle a pouvoir sur les cérémonies, les organisations, les détenteurs des savoirs locaux, qu’ils soient hommes ou femmes.
  • Messieurs les Présidents et Mesdames les Présidentes des associations de femmes et de jeunes du Hiréna, vous portez en général des projets de développement, or selon le Président Senghor, « la culture est au début et à la fin du développement. »  Votre réseau, madame la Présidente, compte 10 338 femmes au service des communautés de votre terroir. Dieu, en vous faisant mères, vous a également désignées ipso facto gardiennes des valeurs et providences de vos foyers. Ainsi vous êtes donc dans votre milieu naturel.
  • Hommes et femmes de sciences et de culture : sociologues, anthropologues, sociolinguistes, historiens, philosophes, économistes et même mathématiciens, disons la sphère intellectuelle et universitaire, vous êtes l’émanation de l’éducation et de la formation ; vous cristallisez dans vos cerveaux nos aspirations de toutes natures, et cela vous confère un statut spécial de conseillers et de consultants privilégiés. En effet vous éduquez, vous formez, vous informez et vos produits agissent pour transformer les hommes et les choses.  Ce qui est le but ultime de l’Education. C’est un appel !                 
  • Détenteurs des savoirs traditionnels locaux, vous êtes les éléments humains du biotope ; vos actions sont déterminantes car reposant sur des socles immatériels, elles sont susceptibles de générer des transformations qualitatives de la société.
  • M. Le Gardien du Temple des Valeurs, Conseiller spécial près de Bour Sine, Ambassadeur plénipotentiaire, voudriez-vous porter ce plaidoyer en coordonnant, en impulsant et en supervisant les différentes actions qui seront entreprises ? Ceci devrait être, dans vos nouvelles fonctions, votre première et plus grande mission.

 Les Sérères reconnaissants vous disent Merci. Que Dieu vous assiste !

Autorités présentes, à vos rangs, grades et titres, l’Institution royale dont je suis le porte-parole du jour dit merci pour l’accueil et les échanges fructueux ; elle remercie les organisateurs pour leur savoir-faire, leur gentillesse et leur générosité à toutes épreuves. A tous, l’Institution royale adresse ses plus respectueuses et chaleureuses salutations.

Joka njal /

Yayème le 12 mars 2022

 Bissick ès qualité Galadio TOURE, porte-parole du jour de l’Institution royale.


[1] Le Gabou est le pays d’origine des guélewars qui règnent dans le Sine et le Saloum depuis l’ancêtre Mansa Ouali Mané.   

[2] Auteur du livre « Le Sine d’hier »

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