En plus de l’absentéisme, les collectivités territoriales risquent de souffrir des adjoints pléthoriques qui ne doivent parfois leur présence dans les bureaux municipaux qu’au jeu des alliances. Pour plus d’inclusion, Barthélemy Dias avait souhaité confier un poste d’adjoint au ministre Seydou Guèye, membre de la majorité présidentielle et conseiller municipal à la ville de Dakar. Ce dernier a gentiment décliné, invoquant un mot d’ordre de ses camarades. A Rufisque, le ministre d’Etat Ismaila Madior Fall a préféré tout bonnement ne pas assister au festival de Yewwi Askan Wi et de ses alliés qui se sont accaparé tous les 12 postes d’adjoints qui constituent le bureau municipal. A Guédiawaye, c’est plutôt le ‘’Mortal Kombat’’ dans la mise en place du bureau municipal. Le dénominateur commun, c’est que les personnalités fortes de la majorité présidentielle brillent, volontairement ou non, par leur absence un peu partout dans les villes.
Ce qui peut se comprendre aisément, selon Amadou Sène Niang, expert en décentralisation. ‘’Parce qu’ils ne veulent pas être comptables de l’équipe municipale en place. Et c’est une position qu’il faut respecter. D’ailleurs, c’est même une bonne chose pour l’expression démocratique au niveau local. Il faut quand même des minorités fortes qui puissent jouer le rôle d’opposition’’.
Si la posture des dinosaures de Benno Bokk Yaakaar de ne pas être membre de bureau semble compréhensible, le choix de certaines personnalités passe moins aux yeux de certains observateurs. Par exemple, à Rufisque, après avoir aidé la liste victorieuse Yewwi Askan Wi à conforter sa majorité, les têtes de file de Guem Sa Bopp, de Taxaw Sa Gox et du Parti du progrès et de la citoyenneté (le maire de Rufisque-Ouest Alioune Mar, le PCA de la Sogip et le député Seydou Diouf) ont envoyé de petits calibres, parfois aux compétences douteuses pour les représenter dans le bureau.
Pendant que certains invoquent des calendriers chargés, d’autres parlent simplement de ‘’manque de courage’’. ‘’Demain, s’il y a échec, ils vont s’en laver les mains. S’il y a réussite, ils vont capitaliser. C’est ce qui explique un tel choix’’, fulmine un conseiller.
Ce dernier d’ajouter : ‘’En toute logique, je pense qu’ils auraient pu aller eux-mêmes siéger dans le bureau. C’était plus courageux, à mon avis, que d’envoyer des seconds couteaux.’’
Au-delà de l’absence des bureaux, il y a plus grave. C’est la désertion même des conseils municipaux par les personnalités. Comme si le mandat que leur ont donné leurs électeurs n’avait pas de valeur.
‘’Je pense que si c’est le développement de la collectivité qui les intéresse, ils allaient s’impliquer davantage. On peut comprendre que certains ne partageant pas la même vision que celle de la liste majoritaire, qu’ils ne veuillent pas être dans les bureaux, mais pour la présence au sein du conseil municipal, c’est quand même une obligation. Ne serait-ce que pour honorer ceux qui ont porté leurs choix sur leur personne. Aussi, cette présence est importante en ce qu’elle dissuade, relève le niveau du débat…’’, analyse Amadou Sène Niang.
Ce que dit la loi des absences
En ce qui concerne les absences au conseil municipal, la loi est pourtant sans équivoque. L’expert en décentralisation explique : ‘’Si un conseiller s’absente pendant trois sessions successives, il peut être appelé à démissionner, après avoir été entendu à huis clos. Mais comme cela arrange le maire qui ne voit pas de concurrents, de fortes têtes en réunion, généralement, il ne fait rien.’’
Conséquence, dans beaucoup de collectivités, le maire est l’alpha et l’oméga. Avec quelques hommes de main qui ne lui servent que de faire-valoir. ‘’C’est vrai que cela ne promeut pas la contradiction, la production intellectuelle, la démocratie au niveau local. Moi, je pense qu’il faut que les gens apprennent à assumer l’engagement politique’’. Et d’ajouter : ‘’Je salue d’ailleurs la déclaration du ministre Abdoulaye Sow sur l’importance d’avoir une minorité qui fait son travail. La majorité n’est rien, s’il n’y a pas une minorité, surtout une minorité de qualité qui contribue au débat et qui effectue sa mission de contrôle. C’est très important.’’
Par ailleurs, la question du nombre d’adjoints pose également problème dans beaucoup de collectivités territoriales. A Dakar, pour 100 conseillers au niveau de la ville, le décret fixe le nombre de conseillers à 18. A Pikine, pour 100 conseillers c’est 14 adjoints, 14 pour Guédiawaye, 12 pour les 80 conseillers de Rufisque, pour ne donner que ces exemples. Egalement membre de l’ancienne équipe municipale, l’expert Amadou Sène Niang déclare : ‘’Déjà, il faudra régler la question du budget pour la prise en charge de leur rémunération. Au niveau de Rufisque, par exemple, au moment de faire le budget actuel, il n’y avait que cinq adjoints. Là, on se retrouve avec sept de plus. Il faudra ajuster le bureau, car cela a un coût. C’est 12 fois le salaire d’un conseiller. Je pense que c’est beaucoup. De plus, je dois souligner que même avec les 5 adjoints, on avait des difficultés à leur trouver des bureaux’’.
Ainsi, dans certaines collectivités locales comme Dakar, c’est presque un adjoint pour cinq conseillers. On lit sur le site de la ville de Dakar, que l’ancienne équipe comptait en son sein 5 adjoints au lieu de 18. ‘’Cela contribue même à banaliser la fonction d’adjoint au maire. On aurait pu fixer un seuil pour les adjoints, parce qu’il y en a beaucoup. C’est comme le nombre de conseillers dans les communes. Je pense qu’on peut les diminuer. Au Canada, par exemple, on n’a que 7 conseillers par commune. Vous imaginez ce que peut être la valeur d’un conseiller dans de telles circonstances !’’, analyse Sène Niang.
Interpellé sur les profils des adjoints et des maires qui, parfois, laissent à désirer, il explique : ‘’Au Sénégal, il faut reconnaitre qu’il n’y a pas une approche par compétence. La compétence, c’est le savoir, le savoir-faire et le savoir-être, dans une situation professionnelle donnée, pour régler une question ou des questions données. En l’espèce, il s’agit des rôles et responsabilités de l’élu. Le diplôme étant une présomption de compétences, certains pays l’exigent pour les maires. Au Niger, c’est le BFEM. Pour la capitale Niamey, c’est le baccalauréat. Ici au Sénégal, pour être maire ou adjoint, il faut savoir lire et écrire. Pas plus.’’
En l’absence d’approche par compétence, c’est souvent le copinage, le népotisme et la politique politicienne qui règnent en maitres.
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