Hommage au Républicain, Djibo Leyti Ka (Par Fatou Niang)

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Les jours passent, les souvenirs défilent et le chagrin est là, toujours plus présent. Loin de notre terroir à l’annonce de ton décès, la nouvelle a déclenché un cataclysme de sentiments d’une intensité inouïe en moi. J’ai d’abord eu une réaction de stupeur, plongée dans un véritable état de choc, je ne réalisais toujours pas, espérant que la nouvelle soit fausse. Un véritable cauchemar. Si loin, si seule et si meurtrie, je t’ai pleuré de toutes mes forces sur cette terre inconnue, la Chine.

Hâte de rentrer au pays, dans l’avion, il m’arrivait de faire semblant, de causer, mais un seul souvenir me traversait l’esprit et les larmes coulaient à nouveau. A ma voisine (une égyptienne revenue de la Mecque) qui n’avait rien compris de cette bizarre attitude, j’ai avancé la thèse d’une douleur intense de tète, Mais le médicament de l’hôtesse n y fera absolument rien car en réalité, la douleur était toute autre. Je repense à cet homme merveilleux, intègre, humain qui a le sens de l amitié( ses amis d’hier sont restés ses amis d’ aujourd’hui), cet homme dont tous les témoignages s’accordent sur sa grandeur. Cet homme, ce papa, cet oncle, cet ami, ce conseiller a toujours été là pour moi, de l’enfance à l’adolescence, jusqu’au jour où il me donna en mariage personnellement, alors qu’il était encore Ministre d’Etat, Ministre de l’Intérieur.

Oui Ce grand homme a pesé sur le choix de ma filière au secondaire, lui qui m’a proposé de faire la série littéraire, et ensuite dans celui de ma profession. Il m’a encadré et suivi et je me rappelle encore après la proclamation des résultats du Bac alors que j’étais félicitée car j’avais une bonne mention, lui contre toute attente se disait insatisfait car pensait-il, ‘’je pouvais faire plus’’. Ce jour-là j’ai dit à ma maman ‘’ apparemment tonton ne veut pas me donner un cadeau’’, mais non avec le recul, j’ai compris que c’était pour me pousser vers l’excellence.

Sur mon choix professionnel aussi, un jour alors que nous étions dans le salon avec ses amis, il me demanda de lui trouver un bloc-notes car devant me dicter un texte. Mais à peine commençais je à écrire, il reçut un appel mais puisque je connaissais la teneur du texte j’ai poursuivi. Et après avoir raccroché il constata avec surprise que j’avais systématisé sa pensée en finissant le texte sans sa dictée. Il me lança ces mots ‘’ Mais c’est très bien Fatou, tu as bien écrit et comme tu aimes la communication, pourquoi ne pas t y lancer ? Et voilà tout est parti de là. Des années passèrent, nommé Ministre de l’Environnement après la 1ere alternance, il m’a fait muter dans ce département mais à condition que je sois dans une structure autre que le cabinet ; ‘’ tu es ma nièce Fatou, tu ne peux pas être ma conseillère en communication’’, disait-il.

Néanmoins avec Pouye nous avions formé une belle équipe. Et ce sont les Ministres qui sont venus après lui qui m’ont promue à des postes de responsabilités au sein du cabinet, comme c’est le cas avec le Ministre Abdoulaye Baldé. Ça c’est Djibo le républicain.

Un jour alors que l’ URD ( l’Union pour le Renouveau Démocratique) organisait son congrès national dans une salle pleine de militants dévoués, il fut un signe de la main pour que je le rejoigne sur le présidium, une fois arrivée, il me demanda si ces gens qui étaient en train de filmer étaient bien de la Cellule audiovisuelle du Ministère : je lui répondis que oui mais que la cassette allait être après transmise à la RTS pour diffusion, il me coupa net,’’ non surtout pas Fatou cet événement concerne mon parti politique l’ URD, tant pis s’ il n y a pas de télévision mais il faut leur dire d’ arrêter’’, et c’ est ainsi que les éléments de la Cellule ont plié bagage. Ça c’est Djibo le républicain.

A un chef de service qui est venu une fois lui faire la proposition de licenciements d’agents pour en recruter d’autres, il répondit : ‘’ je suis profondément déçu par ta proposition, je crois que tu veux me mettre en mal avec les Sénégalais. Ni mon éthique, ni ma religion ne me permettent d’agir de la sorte, en licenciant un citoyen Sénégalais pour mettre à la place un autre Sénégalais. Ça c’est le républicain Djibo Ka. En 2012, avant les élections législatives, alors que le budget du ministère était en place, il a tenu avec son Dage d’alors Mme Ramatoulaye Dieng ( à qui il vouait une grande admiration), à bloquer toutes les dépenses pour permettre au Ministre qui devrait le remplacer éventuellement de dérouler convenablement son programme.

Ah oui et cette chance était réservée à ALY Haidar qui, après la passation de service a déclaré devant toute l’assistance,’’ j’ai trouvé intact le budget du Département, alors que nous sommes au mois d’Avril ; mais cela ne m’étonne pas de Djibo Ka, le républicain. ’’Oui ça c’est Djibo le républicain. Remontant plus loin encore, lorsqu’il avait été limogé par le Pr Abdou Diouf, ce jour-là, la maison de la cité Faycal où il habitait à l époque, était remplie de monde qui discutaient, se défoulaient et même pleuraient. Je le revois encore sortir du salon, marchant fièrement comme lui seul sait le faire, comme un Président avec son petit sourire et demandant aux gens ’’mais pourquoi toute cette agitation’’.

A ceux qui voulaient s’en prendre à Diouf, il les arrêta sur le coup. Pas un mot sur le Président Diouf, c’est un ami, un frère qui m’a fait confiance à plusieurs reprises, aujourd’hui notre compagnonnage s’arrête là certes, il faut répondre autrement et prendre désormais notre destin en main, et seulement dans la discipline, pas de gros mots .’’ Par ces Propos, il décrispa le climat mais on entendait les gens murmuraient, ‘’ kit dou nit s’il continue encore à parler comme ça de Diouf’, Ça c’est encore Djibo le républicain.

Un livre ne suffirait pas pour traduire les traits de caractères hautement républicains de l’homme. Suffisant pour que le malheur de l’avoir perdu ne nous fasse jamais oublier le bonheur de l’avoir connu. Un homme qui a éduqué sa famille dans la discipline, la tolérance, le respect et la débrouillardise. Et Comme le dit l’adage, derrière chaque grand homme se trouve une grande dame. C’est l’occasion de saluer la bravoure et la générosité de cette dame de cœur, Mme Coumba Ka, familièrement appelée maman à qui je présente mes condoléances les plus attristées.

Le Djoloff qu’il aimait tant vient de perdre un digne fils. Mais la mort ne peut jamais prendre un homme bon dans notre cœur. L’homme a été une source d’inspiration pour nous, l’héritage demeure et continuera à travers les générations .A mes amis, J’ai été particulièrement touchée par la sympathie dont vous avez fait montre à mon égard après cette perte douloureuse. Merci pour vos messages, vos appels, en somme merci pour votre support moral en ces moments douloureux.

Merci au peuple Sénégalais qui, debout comme un seul homme a rendu un vibrant hommage au républicain. Resté au service du Sénégal, de l’Afrique, j allais dire du monde jusqu’à son dernier soupir, la Nation entière reconnaissante au “petit berger au service de la république “Adieu le Républicain !

TEXTE DE MADAME FATOU NIANG.

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