Signe des temps modernes, les rassemblements citoyens spontanés, sous forme de grands ensembles qui ont essaimé un peu partout, en France, en Bolivie, en Tunisie, en Algérie, en Egypte, au Liban, Soudan et à Hong Kong, se sont-ils exportés au Sénégal. Toute porte à le croire avec les journées de mobilisation citoyenne initiées par le collectif “?oo lá?k, ñoo baññ”. Une belle synergie conquérante saluée par tous les citoyens, dans sa première forme, mais plombée prématurément, parce que ouverte aux seuls partis politiques d’opposition et syndicats défavorables au régime en place. Les partis de la mouvance présidentielle, semble-t-il, n’auraient pas été conviés à ces marches citoyennes. Une première interrogation s’impose : si les manifestations des “gilets jaunes”, les révoltes des libanais, algériens, soudanais et hongkongais ont réussi à faire plier les pouvoirs en place, en sera-t-il de même au Sénégal ? Boule de gomme … les mêmes causes ne produisent pas toujours les mêmes effets.
La rue, espace de combats
S’il y a effectivement un lieu démocratique, par excellence, où toutes les questions de société liées à l’environnement, au chômage, à l’enseignement, à la sécurité, aux problèmes fonciers ou aux ressources naturelles, et autres, peuvent y être exposées du fait de leur poids social, c’est bien la rue. Qui plus est un espace de contestation et de lamentations, la rue rend visible toute manifestation de nature à sensibiliser l’opinion. S’y rencontrent, dans le tourbillon de l’action, les citoyens, hommes politiques, religieux, syndicalistes, corps constitués, acteurs culturels, intellectuels et, d’une manière cyclique, les étudiants. Seulement et très souvent, cet espace public se retrouve très politisé. Parfois, nous en arrivons à la pire situation qui soit, c’est-à-dire la préservation des intérêts, pour certains, à n’entretenir que des privilèges, un fonds de commerce, et pour d’autres, le corps politique, à une marchandisation actée, donc à l’affût d’un gain qui lui est toujours profitable. Ces attitudes et comportements méprisables ont des conséquences négatives chez les dirigeants de mouvements citoyens, surtout envers la classe politique profondément marquée par des querelles de positionnement et de successions à ne plus en finir. Tout homme politique qui se laisse vaincre par de telles tentations devient toujours une victime de sa propre cupidité.
La déroute ou déchéance des politiciens ?
A quelque chose, malheur est bon. La réaction spontanée de ces politiciens, réagissant à l’appel du pied du collectif “?oo lá?k, ñoo baññ” se justifie aisément. On n’a pas besoin de remuer le bassin des mers pour comprendre et mesurer le cycle d’érosion dans lequel leurs état-majors s’en trouvent refroidis. Il le faut dire, ce combat-là que l’on croyait vraiment citoyen s’est dilué. C’est là, justement, où il est reproché aux initiateurs du Collectif “?oo lá?k, ñoo baññ” de s’en référer aux politiques. Pouvaient-ils faire autrement ? D’aucuns pensent qu’ils ont senti un fléchissement pour la suite réservée à leurs journées de mobilisation, raison pour laquelle ils sont allés chercher habilement du renfort chez les patriotes, khalifistes et libéraux et autres syndicats à réagir. D’où la pertinente inquiétude de Bouba Ndour (Ndlr : Jakarloo du vendredi 9 janvier 2020, Tfm) à savoir si réellement les citoyens sénégalais ont-ils ressenti la nécessité de descendre spontanément dans la rue pour se faire entendre. Donc, ce pacte contre-nature noué entre le collectif “?oo lá?k, ñoo baññ” et les partis politiques d’opposition ne peut ébranler le gouvernement de Macky Sall, pour manque de vision bien élaborée, idéologiquement et philosophiquement. Il est unanimement établi qu’une réalisation humaine du genre, pour son ampleur et son éclat, si elle n’est pas sérieusement discutée, est vouée à l’échec.
La conspiration du silence
Là, et là encore, les Sénégalais ont été surpris, doublement surpris, de voir assis à côté du “Président monarque” (sic), Fadel Barro du mouvement ” Y en a marre “, celui-là qui, en 2011, avait déclaré la guerre au secrétaire général du Pds, le diabolisant même en pleine campagne électorale, sous les huées des foules. Bizarre, non, ce face to face entre ces deux “ennemis” d’hier aux trajectoires historiques contradictoires ! Qu’est-ce qu’ils se sont dit ? Sur quel fondement logique ils ont ficelé leur entrevue ? N’ont-ils pas des intérêts communs derrière un agenda caché ?
Le contrôle citoyen
Nous ne sommes pas en train de dire que, l’homme politique ne doit pas jouer un rôle actif dans les affaires publiques ni exprimer son opinion sur ce qu’il est convenu, aujourd’hui, d’appeler la crise de l’électricité. Le citoyen doit garder un œil critique sur les décisions prises par son gouvernement dont le devoir est de créer les conditions matérielle et économique favorables afin que chaque citoyen obtienne, sans trop de mal, ce dont il a besoin. Force est de reconnaître que, face à cet immense défi de procurer le maximum de bien être possible aux citoyens, les gouvernements africains ne peuvent donner ce bonheur souhaité à chaque citoyen. Il est vrai, dans bien des secteurs, les autorités étatiques tenteront toujours de masquer certaines carences en avançant des raisons plausibles. Sur la hausse du prix de l’électricité, nous sommes tentés de dire que la nature humaine étant fondamentalement la même, les besoins doivent être les mêmes pour tous les citoyens. Par conséquent, le gouvernement se doit d’assurer une répartition juste et équitable aux populations rurales. Alors, la sagesse ne voudrait-elle pas que les riches nourrissent les moins fortunés ?
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