Monsieur le Maire,
L’article 253 du CCT précise qu’au moins un mois avant l’examen du budget d’une collectivité territoriale, un débat a lieu dans son conseil sur les orientations budgétaires. Vous avez ouvert ladite session budgétaire le vendredi 16 décembre 2022, pour escamoter le débat en le renvoyant à un séminaire qui débutait le même jour dans la commune de Saly du département de Mbour. Je vous rappelle que le conseil municipal qui ne peut pas déléguer ses attributions (a.156 du CCT), siège à l’hôtel de Ville, et que le maire peut décider de le réunir dans des locaux annexes de la mairie, lorsque l’ordre du jour le justifie (a.143 du CCT).
N’ayant pas obtenu une convocation régulière comme précisé par le code (a.146), vous m’obligez à demander par écrit les réponses à ces interrogations qui mettent en doute la sincérité de ce budget que vous avez fait voter sans le respect du délai minimal d’un mois pour le débat d’orientations budgétaires, juste treize (13) jours après l’ouverture de la session, en vous assurant de l’absence de certains conseillers, rendant ainsi ce vote illégal.
A l’analyse, ce budget ne porte aucune ambition pour le développement socioéconomique de la ville, ne réservant que 31% à l’investissement (et lequel !), pour destiner 69% des 59,7 milliards à du fonctionnement fait de gabegie pour le seul confort du maire et de sa clientèle proche.
Sur la sincérité des recettes, il reste hasardeux de proposer une telle augmentation des impôts locaux qui représentent 79% des recettes propres de la ville, en extrapolant sur l’augmentation projetée par le gouvernement du PIB, sans aucune étude et analyse des secteurs de l’économie porteurs de cette création de richesses au niveau national.
Nous aimerions dans cette logique connaitre vos critères de détermination d’une TOM de 4,5 milliards. Quels sont les équipements marchands exploités par la ville pour prévoir des recettes de 1,780 milliard après les modifications intervenues avec l’acte 3 qui confèrent aux communes l’exploitation de ce type d’infrastructures ? Que recouvrent les deux (2) milliards de participation des communes ? Ces dernières ontelles voté ces participations dans leurs budgets 2023 ? Pourquoi les recettes d’une infrastructure aussi importante que la piscine olympique sont logées dans la rubrique des recettes éventuelles et imprévues et pour un si faible montant de 102 millions ? Est-ce l’aveu d’une gestion peu orthodoxe ?
Quel est l’investissement concerné par le prêt BOAD ? et quel est son montant global en nous faisant tenir copie de la convention de prêt qui nous lie à cette banque, ainsi que les documents portant sur l’investissement financé ?
Pour les dépenses engagées non mandatées, vous voudrez bien nous préciser pour quelles structures ont été achetées les fournitures scolaires en 2022, en espérant qu’elles entrent dans les domaines de compétences de la ville.
Avec l’avènement de l’acte 3, plus de 3,5 milliards de salaires ont été reversés aux communes, avec les structures dont la ville n’avait plus la gestion (écoles élémentaires, centres de santé, équipements marchands, etc.). Ce budget qui prévoit près de sept (7) milliards de salaires (28,37% des dépenses de fonctionnement), montre que ces charges salariales ont été reconstituées par la ville dans une démarche purement politicienne, puisque les structures d’accueil qui les justifiaient restent toujours à la charge des communes. En prenant au passage l’exemple des directeurs et chefs de services, combien sont-ils et combien sont dakarois, si l’on connait des exemples patents de directeurs qui ont utilisé les ressources de Dakar pour aller se faire élire dans leurs départements d’appartenance ?
Les charges diverses de 7,550 milliards représentent 28,59%, et si on tient compte par exemple de l’absence totale d’implication de la commune de Dakar-Plateau où la ville tire près de 70% de ses recettes, on est tenté de dire sans risque de nous tromper que ces rubriques budgétaires abusivement dotées, serviront à des manipulations peu orthodoxes des fonds des dakarois. Que recouvrent les participations de 2,550 milliards et à quelles communes devront-elles servir concrètement ? Nous espérons que cette année, les 800 millions de secours aux indigents iront véritablement aux dakarois, et qu’il n’y aura pas deux guichets d’inscriptions, un quasi fictif pour faire croire aux populations que le système est équitable et démocratique, avec renfort de publicité, et un autre destiné aux réels bénéficiaires, géré sans lumière par des responsables politiques. Nous espérons aussi que les 500 millions prévus pour des denrées alimentaires feront l’objet d’un traitement conforme aux règles du code des marchés publics ! Il en est de même pour les 2,112 milliards prévus pour des bourses, les 200 millions pour les lieux de culte, les 500 millions pour les ASC. Vous voudrez bien nous rassurer aussi quant à la destination des 500 millions prévus en participations diverses dans le service 451.
Ainsi, il est bon que les dakarois comprennent que 57% de ce budget de fonctionnement sont destinés à deux rubriques : les salaires et les dépenses diverses.
Vous avez proposé en plus des 191 millions d’honoraires, 500 millions en frais d’actes de contentieux et d’expédition de justice, et nous vous demandons de nous confirmer si seuls les contentieux dans lesquels la ville est elle-même partie sont concernés par ces montants.
Vous voudrez aussi nous édifier sur le montant faramineux de 725 millions de charges financières de l’année, en nous donnant les emprunts qui engendrent de telles charges et les conventions de prêts concernés. D’autant plus que vous incluez bizarrement dans ces frais financiers le coût de l’accompagnement fait à la ville pour la recherche de financement ! (où sont les conventions concernées et à quel moment elles ont été autorisées par le conseil ?).
Vous proposez 500 millions pour le dédommagement de l’entreprise burkinabaise Belly Sasha dans le cadre de l’exploitation de l’usine de pavage, ce qui est ahurissant. Jamais un contrat n’aura été une si grande pompe à fric de la ville, le conseil municipal ayant voté plusieurs milliards depuis des années pour ce projet dont l’utilité pour les dakarois reste discutable. Vous voudrez ainsi nous informer sur les montants globaux payés par la ville dans le cadre de ce projet, de l’achat du terrain, à celui de l’usine, à l’exploitation qui en a été faite. Combien de milliards avons-nous déjà payés en frais financiers au profit de cette entreprise et pouvez-vous nous donner la preuve que ces investissements sont à ce jour des propriétés de la ville de Dakar (copie du titre foncier au profit de la ville, preuve de la propriété de l’usine d’exploitation, preuve de la propriété des engins de Btp achetés et des camions porteurs, et leur localisation à ce jour, etc.).
Que représente ce matériel sensé être en pleine propriété de la ville, quand vous nous proposez encore 900 millions de charges de services concédés que vous justifiez par des locations de camions et de matériel lourd ? Nous vous proposons de passer un tel montant en investissement pour acheter ledit matériel au lieu d’en faire des locations qui ne seront jamais effectives même si les dépenses sont exécutées !!
Vous proposez aussi près de 1,6 milliard en matières et fournitures consommées, ce qui démontre qu’il n’y a aucun souci de gestion rationnelle des ressources de la ville. Cent (100) millions de produits d’entretien soit 8,33 millions par mois, là où vous ne proposez que 80 millions en médicaments et 25 millions en matériel de balayage. Mais 100 millions en fournitures de bureau soit 8,33 millions par mois ! 450 millions en carburant soit l’équivalent à ce jour de 687013 litres de gasoil, et vous voudrez nous indiquer les bénéficiaires et les critères de répartition, si l’on tient compte que vous prévoyez en plus 134,4 millions de carburant et lubrifiant pour la perception municipale. Vous prévoyez une consommation de 12,5 millions d’eau par mois, soit un total de 150 millions l’an, 20,83 millions d’électricité par mois pour vos bâtiments, soit un total de 250 millions l’an.
Vous prévoyez 500 millions pour vos voyages (billets et frais de mission), ce qui est excessif surtout rapporté aux besoins réels des dakarois. Pouvez-vous nous dire les critères de prévision de ce montant faramineux ? nous dire le nombre de voyages et les destinations que vous avez fait payer à la ville depuis votre installation, et nous partager les rapports de mission correspondants ?
Vous corsez enfin la gabegie avec une rubrique « autres services consommés » de 2,283 milliards dont le contenu est de nature à choquer. En effet en plus de prévoir près de 49 millions pour des insertions dans les journaux, vous avez un montant de 142 millions d’entretien divers dont nous aimerions connaitre la justification, avec 57 millions d’entretien des machines et appareils et 154 millions d’entretien du parc de véhicules prévus ! Vous proposez près de 315 millions de communications téléphoniques ! que vous voudrez bien nous expliquer, 113 millions de location d’immeuble au profit de qui ? le pire est que vous proposez 1,586 milliard pour vos fêtes et réceptions, frais d’hôtels et de restaurant et location de véhicules !!!
Que vont représenter les frais de transport et autres frais de transport logés dans les dépenses diverses pour 351 millions ?
Après ces charges essentiellement destinées à votre confort et à celui de votre entourage, vous proposez de voter que 31% du budget global de 59 milliards en investissements, ce qui est irrespectueux des dakarois. Et même là, nous notons que 15,66% de ce montant se composent selon vous de dépenses engagées non mandatées, suscitant un questionnement légitime sur la réalité de certains marchés. Sur quoi portent les études générales de 261 millions engagées non mandatées ? Idem pour le marché de réhabilitation de la voirie municipale de 651 millions quand on sait qu’aucune rue du Plateau prévue initialement n’en a bénéficié ? Quels travaux ont été réalisés aux allées Ababacar Sy de 702 millions quand on pense aux travaux réalisés par l’Etat ?
Vous nous précisez que les 3 milliards prévus pour la voirie municipale portent sur l’existant, ce qui veut dire que les 4/5e des communes de Dakar ne bénéficieront d’aucune intervention sur leur voirie municipale, si l’on se rappelle le caractère très partisan des précédents travaux. Vous prévoyez un milliard pour la construction de toilettes publiques, et nous aimerions savoir à quels endroits. Vous proposez un montant additionnel de 500 millions pour des études générales, ce qui portera ces crédits d’études à 761 millions dont le détail et les conventions nous sont inconnus. Nous vous demandons copies des conventions pour les études générales et les prêts BOAD et AFD, pour lesquels vous proposez un remboursement en capital de 1,2 milliards.
Vous proposez encore 5,622 milliards pour l’extension et l’entretien de l’éclairage public. Pouvez-vous nous confirmer que c’est la même entreprise qui gagne et exécute ces travaux pour le compte de la ville depuis plus de 19 ans pour des montants similaires ? Qui est cette entreprise et quelle est la nature de son contrat quand on sait que ses travaux aussi restent partisans en prenant comme exemple la défaillance de ses prestations dans une commune comme Dakar-Plateau pour ne pas parler des autres ?
Nous n’avons aussi aucune information sur la justification de l’achat projeté de 460 millions de véhicules.
En quoi consiste l’investissement projeté de 500 millions en équipement des ateliers de garage ?
Enfin nous vous avions déjà demandé de nous fournir la convention de partenariat avec la SCI Fawzaini et Mafatihul Bichri pour l’exploitation de l’assiette foncière de l’exDAU et du parking du building communal, avant toute autorisation à vous donner pour sa signature, si l’on a en mémoire que vous avez mis à la disposition de la société Auchan les deux plus grands sites de la commune de Mermoz (boulangerie jaune et site occupé par les mécaniciens sur l’ancienne piste d’aviation), et les différents conflits avec les populations, sans parler de votre soutien aux initiatives politiciennes demandant le départ de ces mêmes investisseurs de notre pays. Nous vous avons demandé en même temps de nous fournir la preuve de la propriété de ce foncier par la ville avant de nous exposer à un autre conflit inutile.
Vous comprendrez qu’un séminaire s’étalant du vendredi soir au lundi matin, avec un programme de travail qui ne dépassait pas 1h45, ne peut remplacer le débat d’orientation budgétaire d’un mois minimum imposé par la loi, et que tout vote sans ces prérequis ne fait que démontrer que ceux qui l’ont accepté ne se soucient pas véritablement des intérêts des dakarois.
En attendant les informations demandées ici, et en vous invitant à prévoir de reconvoquer le conseil municipal pour le vote du budget au bout d’un mois d’un véritable débat d’orientation budgétaire, nous vous prions de croire, Monsieur le Maire, à l’assurance de notre considération distinguée.
A/ Alioune NDOYE
M. Barthélémy DIAS Maire de la Ville de Dakar
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