La Douane a réussi à diminuer la fraude sur le fer. Entre janvier et juin 2020, elle a traité 95 affaires contentieuses sur le fer à béton pour plus de 15 milliards de francs de recettes. Ce qui fait du fer à béton, le produit le plus saisi par les services douaniers, après l’huile et le sucre. Mais le risque zéro n’existe pas. Il existe des cas d’écoulement frauduleux de matériaux de construction exonérés. Des bénéficiaires peu scrupuleux qui abusent des facilités offertes par l’Etat et détournent les produits exonérés de leur destination légale. La répression de cette fraude a donné plus de 3 milliards de francs CFA de recettes depuis le 1er janvier 2020. Toujours est-il que l’action de la Douane a été saluée par les industriels locaux qui commencent à souffler un peu face aux importations frauduleuses de fer à béton.
Sans grand bruit, le nouveau directeur général Abdourahmane Dièye est en train d’imprimer sa marque depuis sa nomination à la tête de la Douane sénégalaise. Les fraudeurs sur le fer à béton ne diront pas le contraire. La Douane, à travers sa Direction des opérations douanières (DOD) commandée par le colonel Mbaye Ndiaye, a mis en place un système de traque de la fraude sur le fer à béton. Une fraude qui consistait pour certains opérateurs économiques disposant d’exonérations à s’adonner à la réexportation fictive. Une forme de fraude très coûteuse pour nos finances publiques déjà malmenées par la crise et écrasées par la pandémie de covid-19.
Près de 500 milliards de francs de recettes sont perdues chaque année à cause des diverses exonérations distribuées à tour de bras par les autorités. D’où la décision prise par le président de la République de suspendre les exonérations sur le fer à béton comme le soulignait le « Témoin quotidien « dans un article publié le 03 juillet dernier. Votre quotidien préféré avait aussi indiqué que, pour protéger les industriels du fer à béton locaux, le président Macky Sall avait décidé que tout importateur de fer à béton devait s’acquitter d’une taxe douanière de 300.000 frs sur la tonne. Cette fraude sur les exonérations a été dénoncée par le ministre des Finances et du Budget.
Lors de la rentrée fiscale de la Direction générale des Impôts et Domaines en mars dernier, M. Abdoulaye Daouda Diallo répondait aux critiques du président du Conseil national du Patronat (CNP). M. Baïdy Agne manifestait son courroux face aux retards de la délivrance des titres d’exonérations des Entreprises franches d’exportation (EFE) et des agréments au Code des Investissements. Tout en appelant à l’époque le secteur privé à un meilleur civisme fiscal, Abdoulaye Daouda Diallo avait répondu sèchement à Baïdy Agne que « nous avons constaté que, sur les titres d’exonération donnés, plus de 37 % des exonérations ont été détournées. Il a fallu repenser la situation. Je comprends que c’est difficile et je ne peux continuer indéfiniment de bloquer ces titres, nous devons ensemble travailler à trouver la solution ». « C’est un effort important de l’Etat de délivrer des exonérations afin de favoriser des investissements. Nous devons tout faire pour éviter que ces avantages ne soient détournés au profit des structures qui n’en sont pas bénéficiaires » avait ajouté l’argentier de l’Etat.
Lors d’une journée d’études tenue le 02 juillet sous la présidence du ministre de l’Industrie, M. Moustapha Diop, et consacrée aux problèmes de la filière de l’acier, les industriels locaux dénonçaient vivement la concurrence déloyale des importateurs. Une concurrence qui, selon eux, mettrait à rude épreuve la production locale estimée de 450.000 à 500.000 tonnes par an. On mesure les dégâts quand on sait que rien qu’en 2018, la filière avait fait un chiffre d’affaires de 220 milliards de frs avec près de 10.000 emplois directs et globalement plus de 600.000 emplois indirects. A l’occasion de cette rencontre, M. Chavane Ruser de la Société industrielle de bois et d’acier (SIBA) disait que « malgré le fort potentiel du secteur et la volonté de l’Etat à vouloir consolider les emplois, les menaces pèsent lourd depuis maintenant un certain temps. Ces menaces ont mis à genoux la majorité de la filière. Et là si rien n’est fait il y aura une faillite certaine ».
Montée en puissance de la Douane, des fraudeurs en prison
Face aux mesures prises par l’Etat suite à la complainte des industriels locaux du fer à béton, la Douane a décidé d’intensifier la traque contre les fraudeurs. « La fraude sur le fer à béton a nettement diminué au Port autonome de Dakar. Les exonérations fictives n’ont aucune chance de prospérer. D’ailleurs, les services du Dg Abdourahmane Dièye ont tellement bien travaillé que la DOD a pu épingler des fraudeurs pour à l’arrivée ouvrir un contentieux douanier de près de 15 milliards de frs. Ces bons résultats s’expliquent par la stratégie mise en place par la DOD avec un système de verrouillage en mode GPS Whatsapp qui permet de suivre les camions sur leur trajectoire annoncée. Dès que la déclaration est tirée, le système de contrôle effectué par 10 unités spécialisées est mis en branle » témoigne une source patronale évoluant au Port de Dakar.
Selon notre interlocuteur, « les fraudeurs sont avertis de même les escrocs qui arrivent à confectionner de faux cachets de Douane. Beaucoup de fraudeurs sont en prison. Les autorités douanières soutenues par le Parquet ne badinent guère. Les récidivistes n’ont aucune chance de s’en sortir puisque le système de verrouillage est bien huilé. Et ce n’est pas seulement sur le fer à béton, mais aussi sur le tabac, l’huile, le sucre et le savon ». Le colonel Alpha Touré Diallo, chef du Bureau des Relations publiques et de la Communication de la Douane, confirme la montée en puissance des gabelous qui ont réussi en peu de temps à juguler un tant soit peu la fraude sur le fer à béton. « Au plan réglementaire, l’acier et ses dérivés (fer à béton) ont été réintégrés en 2019 dans le champ du Programme de Vérification des Importations (PVI). Cela permet désormais un double contrôle. Ce qui n’était pas le cas avant. Depuis septembre 2019, une valeur de correction de trois cent mille (300 000) FCFA est appliquée sur la tonne de fer à béton et les produits similaires. Ce qui a permis d’éradiquer la sous-évaluation du fer dans les déclarations d’importations » souligne le colonel Diallo.
Il précise qu’ « au plan opérationnel, les équipes chargées du dédouanement ont accentué le contrôle de la valeur déclarée sur le fer. Les visites physiques ont été renforcées et il y a eu le resserrement des circuits de vérification ainsi qu’une application systématique des barèmes intégrés dans le système GAINDE. La surveillance et le contrôle post dédouanement du fer à béton ont été resserrés et les services dédiés veillent sur le fer en régime suspensif et sur le suivi des apurements en temps réel. Tout cela est accompagné d’un dispositif d’encadrement des réexportations à travers la prescription obligatoire de l’escorte et le suivi en temps réel des apurements, via un outil de communication piloté directement par le Directeur des Opérations douanières. La combinaison de toutes ces mesures réglementaires et opérationnelles ont permis de réduire considérablement les cas de versements frauduleux de fer à béton dans le territoire douanier ».
Le colonel Alpha Touré Diallo a confirmé les informations livrées par notre source sur le contentieux. « L’autre résultat appréciable réside dans le fait qu’entre janvier et juin 2019, (95) affaires contentieuses ont été réalisées sur le fer à béton pour plus de (15) milliards de francs CFA de recettes depuis le janvier 2019. Ce qui fait du fer à béton le produit le plus saisi par les services douaniers, après l’huile et le sucre. Mais le risque zéro n’existe pas. Il existe des cas d’écoulement frauduleux de matériaux de construction exonérés. Des bénéficiaires peu scrupuleux abusent des facilités offertes par l’Etat et versent dans le détournement des produits exonérés de leur destination légale. La répression de ce phénomène a donné plus de 3 milliards de francs CFA de recettes depuis le 1er janvier 2020 » indique le patron des Relations publiques et de la Communication de la Douane. Il conclut pour dire que « le secteur du fer à béton se porte beaucoup mieux, les acteurs ont beaucoup magnifié l’action de la Douane ».
Le Témoin
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