L’institution judiciaire est à terre au Sénégal.
Les coupables : les magistrats eux-mêmes, qui, par manque de courage et par désir de confort, ont bradé leur indépendance. On aimerait tant voir des Danièle Darlan (ex Présidente de la Cour constitutionnelle centrafricaine, limogée pour avoir tenu tête au Président Faustin Touadéra) émerger au Sénégal. Tout le contraire d’un Aliou Ndao qui attend de quitter le navire pour cracher dans la soupe.
Mais aussi, les hommes politiques de tous bords. Le pouvoir qui instrumentalise allègrement la justice pour briser l’élan d’opposants et noie les affaires dans lesquelles sont épinglés ses membres.
Et les opposants, qui quand un des leurs est dans les mailles de la justice, quel que soit le motif, hurlent au complot, sonnent le tocsin de la révolte, attisent la colère populaire, au mépris de la présomption de culpabilité et de l’exercice serein de la justice. L’essentiel est se donner bonne conscience en affichant sa solidarité à Ousmane Sonko. “L’encamaradement” et ses méfaits que pointait l’écrivain allemand Sebastian Haffner.
L’Etat du Sénégal doit nous garantir une justice transparente et indépendante. L’Etat du Sénégal doit éviter de manipuler la justice à des fins politiques. La sélection des candidats par Macky Sall doit s’arrêter sans délai. Soutien à Ousmane Sonko et que le droit soit dit ! — Dr El Hadji Abdourahmane DIOUF (@drelhadjiAdiouf) November 2, 2022
Au-delà des questions de fond de l’affaire Adji Sarr, complot ou pas que je n’aborderai pas ici, ces deux sorties de deux figures respectables de l’opposition sont scandaleuses sur le principe. Car dans ce dossier, il y une jeune fille qui se déclare victime de viols, et Dr Abdourahmane Diouf et le Pr Mary Teuw Niane, parmi les meilleurs de la classe politique, pas des trolls de Twitter, n’ont aucun mot pour elle. Ils ont choisi leur camp : celui d’Ousmane Sonko, dont ils sont persuadés de l’innocence.
Jamais dans une grande démocratie, digne de ce nom, des hommes politiques n’oseraient de telles sorties quel que soient, je le répète, les incohérences que l’on peut déceler ici ou là sur le fond.
Prenons l’affaire Strauss-Kahn 2011, lorsqu’il fut accusé par une femme de ménage de viol. À l’époque le DG du FMI était le principal challenger de Nicolas Sarkozy ; les premières fuites du scandale ont été orchestrées par des cercles médiatiques proches de la droite française, et pourtant le Parti sociaslite, dont il était issu, n’a pas mobilisé la rue contre la procédure ni affiché un mépris souverain pour la victime présumée.
François Fillon a été mis en examen en 2017 en pleine campagne présidentielle dans une procédure dont le timing a suscité beaucoup d’interrogations. Si la justice a, il est vrai, été chahutée et critiquée par la droite, personne n’a voulu empêcher au fil de l’affaire son audition devant la juge et même sa condamnation.
Le problème de fond du Sénégal : c’est que la justice ne doit pas s’exercer sur les puissants. Marabouts, Députés, chanteurs, ministres, opposants, artistes, influenceurs, il y a toujours une mobilisation ou une tentative de médiation (notre bon vieux massla) pour vous tirer d’affaires.
Les rigueurs de la justice c’est, comme disait Victor Hugo, pour cette “hydre cariatide aux millions de têtes”. Ce peuple sur lequel se nourrit l’élite et qui est gouverné par elle. Un Ndiaga Seck, par exemple, qui vient de passer près de trois ans en détention préventive, pour un viol qu’il n’a, finalement, pas commis.
Vous ne verrez son nom ni dans les tweets des ténors de l’APR, encore moins dans ceux Mary Teuw Niane et de Abdourahmane Diouf, ni dans ceux des défenseurs des droits de l’Homme. C’est tellement plus commode de parler de Sonko.
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